(Ottawa) La Commission populaire d’Ottawa conclut que la manifestation du « convoi de la liberté », qui a duré trois semaines dans la capitale fédérale l’hiver dernier, constituait une « violation généralisée » des droits des résidents, qui ont aussi été victimes d’une « abdication colossale » des trois ordres de gouvernement.

Cette « commission populaire » est une initiative du Centre de santé communautaire du centre-ville d’Ottawa. Elle est donc distincte de l’enquête publique sur la décision du gouvernement libéral d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence.

La commission populaire a publié lundi la première partie de son rapport final sur les impacts que cette « occupation » aura eus sur les résidents de la capitale fédérale.

Entre septembre et décembre 2022, quatre commissaires ont entendu plus de 200 résidents, dont plusieurs ont affirmé avoir été victimes de violence, de harcèlement et d’agression de la part de manifestants qui contestaient les mesures sanitaires et le gouvernement fédéral.

Alex Neve, militant de longue date pour les droits de la personne et l’un des commissaires, a déclaré que rien de ce qu’il avait entendu ne l’avait surpris. Mais il a été particulièrement frappé par le manque de soutien offert aux personnes en situation de handicap, qui étaient soudainement privées de services, alors que les agences et organismes réduisaient leurs activités.

« Tout ce qui concerne la façon dont le convoi s’est déroulé, la façon dont les autorités et les trois ordres de gouvernement et de police ont réagi, braque les projecteurs sur l’échec en matière de droits de la personne », a déclaré M. Neve.

« Abandonnés » par les autorités

Le rapport martèle qu’au milieu de cette « occupation » du centre-ville d’Ottawa, les habitants de la capitale se sont sentis complètement abandonnés par la police et les différents ordres de gouvernements.

Des résidents « ont observé les policiers et les agents des règlements municipaux ne prendre aucune mesure pour faire respecter les règlements relatifs au bruit, au stationnement et à la sécurité publique, ni intervenir ou donner suite aux rapports d’incidents signalant des menaces, du racisme et des agressions », lit-on dans le rapport.

« J’ai eu l’impression que je ne comptais pas et que la Ville, la province et la police étaient plus intéressées à minimiser tout média négatif qu’à intervenir », a témoigné une résidente, Lisa, pendant les travaux de la commission populaire.

Par ailleurs, de nombreux résidents se sont sentis « piégés et emprisonnés » dans leur propre demeure.

« Pendant la majeure partie du mois de février 2022, les milliers de gens qui vivent et travaillent au centre-ville d’Ottawa ont enduré plusieurs semaines de violations généralisées des droits de la personne, dans un climat de menace, de peur, de harcèlement sexuel et d’intimidation marqué par le racisme, la misogynie, l’antisémitisme, l’islamophobie, l’homophobie, la transphobie et autres expressions de haine et d’intolérance, lit-on dans le rapport publié lundi.

« L’impact a été, inévitablement, le plus fort sur les personnes et les communautés les plus vulnérables. »

Mobilisation obligée

Les commissaires ont constaté que la confiance dans la police et les responsables gouvernementaux diminuait à mesure que les manifestations se poursuivaient, et certains résidents ont décidé de « se mobiliser » et d’agir eux-mêmes, s’unissant pour offrir des fournitures et un soutien aux membres de la communauté.

Les résidents et les conseillers municipaux ont organisé des marches de sécurité communautaires pour accompagner ceux qui ne se sentaient pas en sécurité dans les rues du centre-ville occupées par les manifestants. Des voisins ont également veillé sur les personnes vulnérables, y compris les personnes âgées et les personnes handicapées, a appris la commission.

Debbie Owusu-Akyeeah, directrice exécutive du Centre canadien pour la diversité des genres et de la sexualité et l’une des commissaires, a accusé les gouvernements municipaux et fédéral d’avoir refusé de dialoguer avec la communauté et d’écouter leurs suggestions.

« Il y a quelque chose autour de la culture du leadership dans la Ville et dans tout le pays qui a joué un rôle dans de nombreux échecs que nous avons vus », a déclaré Mme Owusu-Akyeeah.

Ariel Troster est depuis novembre la conseillère municipale du quartier du centre-ville où les manifestants et les véhicules, y compris des poids lourds, ont bloqué les rues pendant des semaines l’hiver dernier. Elle a déclaré que le « convoi de la liberté » n’était pas une manifestation normale. Elle a entendu parler d’un résident qui souffrait de pertes auditives permanentes en raison du hurlement constant des klaxons.

La conseillère municipale a déclaré qu’à l’avenir, il faudrait exercer davantage de pression sur le gouvernement fédéral ainsi qu’une collaboration plus étroite entre les deux ordres de gouvernement. « En tant que Ville, nous allons voir plus de convois ou de manifestations de cette nature où la cible politique est le gouvernement fédéral, et nous voulons répondre de manière adéquate », a déclaré Mme Troster.

La deuxième partie du rapport, qui sera publiée en mars, proposera « une analyse plus approfondie et des recommandations d’action », indique la commission populaire.

Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.