(Québec) Quelques jours après un énième incident avec la télécabine du Mont-Sainte-Anne, les avis divergent sur la marche à suivre pour relancer la montagne. Le maire de Beaupré demande à Québec de s’entendre au plus vite avec le gestionnaire albertain Resorts of the Canadian Rockies (RCR) sur un plan de réinvestissement, alors qu’un groupe citoyen presse le gouvernement de lui couper les vivres.

Le maire de la petite municipalité où se trouve la majestueuse montagne – que des internautes ont renommée « Mont-Sainte-Panne » – pense que la solution réside dans une aide de l’État québécois.

« Le gouvernement semble lent à investir auprès du Mont-Sainte-Anne, je ne sais pas pourquoi, lance Pierre Renaud en entrevue. Les investissements auprès du Massif [de Charlevoix] sont toujours importants, rapides. Le Massif bénéficie beaucoup de l’oreille du gouvernement, ce qui semble moins le cas avec Resorts of the Canadian Rockies. »

La fin de semaine dernière, une télécabine vide s’est décrochée du câble avant de se fracasser au sol. Il s’agit du troisième incident majeur sur « L’étoile filante » en moins de quatre ans. Cette remontée installée en 1989 est la plus vieille télécabine de huit places au Canada.

La station était toujours fermée, mardi, sauf pour les pentes-écoles. Le Mont-Sainte-Anne travaillait « à un plan de réouverture ». La télécabine, qui a été inutilisable pendant de longs mois lors des dernières saisons, est condamnée pour un temps indéterminé.

Les ennuis répétés à la montagne suscitent le débat depuis des années quant à la capacité du gestionnaire de s’occuper de ce « joyau ». Resorts of the Canadian Rockies est propriété du milliardaire albertain Norman Murray Edwards.

Mais voilà que le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a confirmé lundi qu’une entente de financement avec RCR était à l’étude. Le plan de 100 millions serait financé à moitié, soit 50 millions par Québec. La proposition est dans les mains du gouvernement depuis des mois.

« C’est au gouvernement d’agir dans ce dossier », dit le maire de Beaupré, qui assure avoir encore confiance en RCR.

Je ne pense pas qu’ils veulent laisser aller la montagne, c’est un bijou. Diaboliser RCR n’est pas l’approche à prendre, je crois. Arrêtons de diaboliser, retroussons nos manches et essayons de trouver une solution.

Pierre Renaud, maire de Beaupré

Le maire entend demander à sa MRC de prendre position dans ce dossier. Il veut aussi discuter avec le ministre de la Capitale-Nationale, Jonatan Julien, de ce qu’il perçoit comme un déséquilibre dans le soutien public offert aux deux principales stations de la région, soit le Mont-Sainte-Anne et le Massif de Charlevoix.

Encourager la négligence ?

Le groupe Les amis du Mont-Sainte-Anne ne voit pas l’affaire du même œil. Selon lui, financer la montagne à l’heure actuelle reviendrait à « encourager la négligence ».

« Nous, on dit au gouvernement : tu ne discutes plus avec RCR. Si tu négocies, ce n’est pas pour un réinvestissement, c’est pour un changement de gestionnaire », lance en entrevue le président des Amis, Yvon Charest.

Selon l’ancien grand patron de l’Industrielle Alliance, le gouvernement doit refuser de donner des subventions au Mont-Sainte-Anne tant que le gestionnaire est RCR. M. Charest estime qu’une telle position forcerait le gestionnaire à céder la montagne.

Il rappelle que le Groupe Le Massif a confirmé publiquement en octobre dernier avoir déposé une offre d’achat formelle à RCR pour acquérir le Mont-Sainte-Anne.

« L’État a toute la situation en main : tout ce que tu dois dire c’est : ‟C’est fini, mon chum, tu n’as plus une cenne de subvention.” C’est clair que lui, sans subvention, il ne réinvestira pas dans la montagne, croit Yvon Charest. Mais tu lui dis : ‟Il y a une bonne nouvelle, il y a un autre groupe qui t’a fait une offre, alors regarde-la une deuxième fois.” »

RCR avait en effet fermé la porte à l’offre du Groupe Le Massif. Le cabinet du ministre Fitzgibbon a indiqué que « l’expropriation n’est pas une solution envisagée par le gouvernement ».

Troisième incident en quatre ans

L’incident de la fin de semaine est le troisième en quatre ans sur L’étoile filante. En 2020, un arrêt brusque avait fait 21 blessés.

« Un homme a carrément été expulsé de la cabine. Il était suspendu la tête en bas. On a essayé de le retenir. Il a réussi à réintégrer la cabine. Je pense qu’il l’a échappé belle ce jour-là », se souvient le skieur Jacques Hardy, qui était dans L’étoile filante ce jour-là.

RCR a conclu que l’incident avait été causé par une « variation de tension sur l’alimentation électrique » d’Hydro-Québec.

La télécabine avait rouvert le 1er mars 2020 pour refermer le 11 mars après un incident similaire, qui n’avait toutefois pas fait de blessés. Elle était ensuite restée fermée un an.

RCR avait investi 1,5 million dans la télécabine en août 2021. Elle avait rouvert en décembre, puis fonctionné sans incident majeur toute la saison passée.

La Régie du bâtiment du Québec n’était pas en mesure de dire combien de temps elle pourrait rester fermée cette fois-ci. L’étoile filante est particulièrement névralgique au Mont-Sainte-Anne, car elle offre le meilleur accès à tout le versant Sud.

« Après l’incident de 2020, j’y étais retourné, note Jacques Hardy. Là, en fin de semaine je trouve que c’est un peu la goutte qui fait déborder le vase. Quand on se faisait ballotter dans la cabine, on se disait : est-ce qu’on va tomber en bas ? Là, c’est tombé. Je vais y réfléchir pour cette année. »