Dans un rare geste de discordance, Carey Price a contredit la haute direction du Canadien de Montréal, mardi. Il a dit que, contrairement à ce qu’avait affirmé l’organisation la veille, il connaissait bel et bien l’existence de la tuerie de Polytechnique. Un revirement de plus dans un feuilleton qui a aussi rebondi à l’Assemblée nationale.

En ce 6 décembre, jour de la commémoration du massacre qui a coûté la vie à 14 femmes en 1989, Price a publié sur Instagram un message au ton radicalement différent de ses communications des derniers jours.

« Mes prières accompagnent aujourd’hui les victimes de la tuerie de Polytechnique ainsi que leurs familles, a-t-il écrit. Je crois que les gens de Montréal connaissent mon cœur et mon caractère, et savent que jamais je n’aurais intentionnellement causé de la douleur aux personnes affectées par la violence par arme à feu. »

IMAGE TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE CAREY PRICE

Samedi dernier, dans une publication le montrant en tenue de camouflage avec en main un fusil de chasse, Price a critiqué le projet de loi C-21 du gouvernement Trudeau destiné à resserrer les critères interdisant la circulation de certaines armes d’assaut. Il a en outre donné son appui à la Coalition canadienne pour les droits aux armes à feu (CCDAF) qui, quelques jours plus tôt, avait invité le public à utiliser le code promotionnel « Poly » pour obtenir des rabais dans l’achat de marchandises sur son site web.

« Carey Price et Polytechnique : résumé d’une controverse »

Fustigé par l’opinion publique, Price a d’abord publié une précision lundi, affirmant n’avoir voulu manquer de respect à personne. « Non, je n’étais pas d’accord moi non plus avec l’idée du code promotionnel », a-t-il indiqué.

Or, le Tricolore, par le truchement de France Margaret Bélanger, présidente, sports et divertissement du Groupe CH, avait affirmé à Radio-Canada un peu plus tôt que le gardien, pourtant établi à Montréal depuis 2007, n’avait aucune idée de l’existence de la tuerie de Polytechnique. Les coéquipiers et l’entraîneur de Price ont tenu le même discours en se portant à la défense de leur gardien. Dans un communiqué publié lundi soir, l’équipe n’a pas rectifié cette information.

Mardi, Price a toutefois affirmé le contraire. « En dépit d’une déclaration précédente, j’étais bel et bien au courant de l’existence de la tragédie, a-t-il écrit. Je fais partie de la communauté montréalaise depuis 15 ans et je comprends l’importance qu’a cette journée au sein de la communauté. »

L’organisation n’a pas donné suite à nos demandes de précisions par rapport à cette confusion entre la version de l’équipe et celle du joueur.

« Bien que je n’aie aucun contrôle sur les circonstances de l’amendement de la loi C-21 et que je reste fidèle aux opinions que j’ai partagées, je reconnais que d’amplifier toute conversation à propos des armes à feu cette semaine peut avoir troublé les personnes affectées par les évènements de 1989. Je leur offre mes excuses », a conclu Price.

Bien qu’il soit peu présent dans le quotidien de l’équipe, Carey Price est toujours un membre à part entière du Canadien. Il serait toutefois surprenant de revoir le gardien de 35 ans sur patins : gravement blessé à un genou, il est sur la liste des blessés à long terme de l’équipe. Il est sous contrat jusqu’à la fin de la saison 2025-2026.

Des échos à Québec

La controverse a rebondi à l’Assemblée nationale. Le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, n’a pas semblé satisfait par les explications qu’ont fournies l’organisation et le populaire hockeyeur jusqu’à présent.

« Ce sont des propos qui sont maladroits, malhabiles dans les circonstances ; je le répète, on a un devoir de mémoire qui est extrêmement important pour ces victimes », a souligné le ministre à son arrivée à la période des questions, mardi.

De son côté, le chef libéral par intérim, Marc Tanguay, a accusé Price d’avoir « manqué de jugement », d’abord en appuyant la CCDAF et en choisissant de lancer sa publication à quelques jours de la commémoration de la tragédie de Polytechnique.

La co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, n’a pas mâché ses mots elle non plus. Interpellant « toute organisation, particulièrement des organisations qui regroupent des hommes – hein, le Canadien de Montréal, c’est un regroupement d’hommes » –, elle a souhaité qu’« on cesse de banaliser la violence, qu’on cesse de protéger les gens soit [pour] une bévue comme celle-là ou pour toutes sortes d’autres raisons, de faire en sorte qu’on cache la misogynie, la violence faite aux femmes, les féminicides ».

De son côté, le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a affirmé mardi qu’il faut « laisser Carey Price tranquille » et s’intéresser surtout au groupe qui l’a selon lui contacté « en ne lui donnant pas toute l’information ».

À Ottawa, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, n’a pas voulu alimenter la tempête.

« Écoutez, pour moi, c’est anecdotique. Sa notoriété lui donne un niveau de visibilité sur l’enjeu qui est très important. Il a droit à son opinion comme n’importe qui », a-t-il dit en mêlée de presse dans le foyer de la Chambre des communes. Ce qu’a fait la CCDAF, en revanche, « est extrêmement préoccupant », a-t-il lancé.

Le ministre de la Sécurité publique du Canada, Marco Mendicino, a de nouveau exigé des excuses de la part du groupe proarmes, mardi. Le PDG et directeur exécutif de la CCDAF, Rod Giltaca, n’a pas voulu dire si le groupe avait l’intention de présenter des excuses.

Avec Hugo Pilon-Larose et Fanny Lévesque à Québec, et Mélanie Marquis à Ottawa