(Montréal) Oxfam-Québec lance un appel pour sensibiliser à la crise alimentaire qui frappe l’Afrique subsaharienne, alors qu’il ne reste que moins d’une semaine pour amasser 5 millions en dons.

Le 24 juin dernier, les 12 organismes qui forment la Coalition humanitaire canadienne avaient lancé une collecte de fonds pour venir en aide notamment aux populations de la Corne de l’Afrique et du Sahel, aux prises avec ce que l’ONU a qualifié de « pire sécheresse depuis plus de quatre décennies ».

Le gouvernement canadien avait promis d’égaler le total des sommes amassées en date de dimanche prochain, à hauteur de 5 millions. Cet objectif n’a toutefois pas été atteint jusqu’à présent.

« On se met ensemble pour interpeller la solidarité du public canadien à qui on simplifie la vie aussi, parce que les gens n’ont pas besoin de se demander s’il vaut mieux donner à tel ou tel autre organisme », fait valoir la coordonnatrice humanitaire d’Oxfam-Québec, Céline Füri, en entrevue téléphonique.

« L’argent est réparti entre nous en fonction de nos capacités et de notre présence sur le terrain.

« Le sujet lui-même peut dépasser les gens ou sembler désespérant […], mais si on déploie les fonds rapidement, on peut vraiment faire la différence entre la vie et la mort chez certaines personnes. »

Juste au Kenya, en Somalie et en Éthiopie, l’ONU estime que 16 millions de personnes sont menacées par la faim. Pendant ce temps, dans la région du Sahel, un autre 12 millions de personnes sont « menacées d’une grave insécurité alimentaire ».

Outre Oxfam-Québec, le groupe compte aussi Action contre la faim, Aide à l’enfance, Banque canadienne de grains, Canadian Lutheran World Relief, CARE Canada, Humanité & Inclusion, Islamic Relief Canada, Médecins du monde Canada, Oxfam Canada, Plan international Canada et Vision mondiale.

Selon Mme Füri, les organismes membres ne peuvent pas utiliser plus de 15 % des montants reçus pour payer leurs frais de fonctionnement.

Crise prévisible et juste part

« La crise alimentaire actuelle, elle n’est pas soudaine, elle n’est pas tombée du ciel, elle se dessine malheureusement depuis longtemps, au moins depuis le début de la pandémie », soutient-elle.

La sécheresse était selon elle hautement prévisible, alors que des signes météorologiques avant-coureurs se dessinaient depuis deux ans. « Là il y a vraiment un échec politique et, oui, une faute de la part des pays membres du G7, notamment, qui n’ont pas mis les sous au moment où ils auraient dû et là où ils auraient dû pour mettre en œuvre des actions qu’on appelle d’anticipation », comme entreposer du fourrage et de l’eau, ou creuser des puits pour se préparer des réserves.

Mme Füri rappelle que la fréquence de plus en plus grande d’évènements météorologiques extrêmes est due au réchauffement climatique, et frappe surtout les pays qui sont les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre.

La coalition humanitaire réclame « que le Canada débourse 600 millions dans l’immédiat pour répondre à la pointe de l’iceberg » en Afrique, puisque « c’est une partie de la juste part du Canada », fait valoir Mme Füri. Ce nombre est d’après elle calculé à partir des appels au financement humanitaire de l’ONU et pondéré selon le niveau de richesse du pays.

« Le Canada, oui, propose d’égaler la mise avec 5 millions, c’est très apprécié. Il y a une annonce aussi de 250 millions qu’il a déboursés pour répondre à la crise alimentaire en Afrique de l’Est, mais on estime qu’il en faudrait plus. »

Le cabinet du ministre du Développement international, Harjit Sajjan, n’a pas répondu aux demandes de La Presse Canadienne.

Dans le communiqué annonçant le lancement de la collecte de fonds, Affaires mondiales Canada avait indiqué que l’initiative « fait partie des 250 millions annoncés récemment pour aider à résoudre la crise de la sécurité alimentaire mondiale, qui s’ajoutent aux allocations précédentes de 514,5 millions pour répondre aux besoins alimentaires et nutritionnels mondiaux en 2022 ».

Climat, COVID et conflits

Mais la crise actuelle n’est pas seulement causée par les catastrophes météorologiques, explique Mme Füri, qui identifie un « cocktail des 3 “C” » comme causes : « C » pour climat, mais aussi pour COVID et conflits.

« On sait que la pandémie de la COVID-19 a fait grimper la pauvreté, dit-elle. Il y a une inflation aussi de beaucoup de denrées de base, de denrées alimentaires, il y a eu une crise du coût de la vie. »

La guerre entre l’Ukraine et la Russie est un autre clou planté dans le cercueil, alors que ces deux pays « sont un grenier mondial », notamment grâce à leurs grandes exportations de blé, d’huile de tournesol et d’engrais.

Mais ce sont aussi les conflits locaux qui causent beaucoup d’insécurité, d’après Mme Füri, puisque « ça bloque l’accès des gens à leurs terres, à leurs pâturages, donc ils ne peuvent pas cultiver ce dont ils ont besoin ».