« Une crise humanitaire au cœur de la métropole. » C’est ainsi que l’ombudsman de Montréal a décrit, dans son dernier rapport intitulé Ne pas détourner le regard, la situation des sans-abri autochtones du secteur Milton-Parc. Notre photojournaliste a passé cinq jours dans la rue, aux côtés d’Annisee, Clarence, Bobby, Sarah et Elisapi, pour mettre un visage sur cette population en détresse, trop souvent aux prises avec les regards passifs des passants.

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Sarah ne peut retenir ses émotions en parlant de sa situation précaire dans le secteur Milton-Parc. Des larmes emplissent ses yeux quand elle évoque sa fille, qui vit aussi dans la rue, et dont elle est sans nouvelles depuis des jours. Originaire de Kuujjuaq, l’Inuite de 41 ans se déplace en fauteuil roulant depuis un accident automobile en 2005.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Intersection de la rue Milton et de l’avenue du Parc à Montréal

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Annisee et Clarence prennent des nouvelles de Whisky. L’autochtone est un grand brûlé, originaire de la Côte-Nord. Whisky vit dans une résidence du quartier et fréquente la communauté de sans-abri du secteur.

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Une clôture permanente ferme définitivement l’accès à ce terrain abandonné, qui était jusqu’à tout récemment le principal lieu de rassemblement de l’itinérance dans le secteur. La vocation de ce bout d’asphalte suscite la controverse. Des militants souhaitent voir l’espace transformé en espace communautaire, tandis qu’un groupe de citoyens exaspérés souhaite le voir clôturé. Le propriétaire du terrain a tranché en juin dernier, ce qui soulève la grogne des sans-abri.

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À bas la clôture ! Un groupe de militants aimerait voir le terrain abandonné être converti en espace communautaire.

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C’est ici qu’à l’hiver 2021, Raphaël André, 51 ans, a été trouvé mort gelé dans une toilette chimique.

La sécurité des personnes en situation d’itinérance est préoccupante en raison de la proximité des voies de circulation automobile à haut débit de l’avenue du Parc. Selon l’analyse du SPVM, quatre accidents impliquant un piéton ou une piétonne, dont un mortel et un avec blessé grave ont eu lieu en 2020 sur l’avenue du Parc près de la rue Milton. En 2021, on parle de deux accidents. Seuls les évènements impliquant la communauté visée ont été relevés. Il est donc possible que plus d’accidents d’une gravité moindre non rapportés au SPVM soient survenus.

Extrait du rapport de l’ombudsman Ne pas détourner le regard

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La sécurité des sans-abri qui mendient sur l’avenue du Parc est préoccupante. Depuis deux ans, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) rapporte six accidents impliquant un piéton de la communauté itinérante, dont un mortel en 2020.

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Annisee Papialuk est une figure connue de l’itinérance inuite dans le secteur Milton-Parc.

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Exaspéré par la situation dans le secteur Milton-Parc, un groupe de citoyens mené par Martine Michaud et Maryse Guillemette est à l’origine de la démarche du rapport de l’ombudsman de Montréal.

Leur plainte décrit la situation comme une crise, en raison de l’intensité des problématiques de sécurité, de salubrité et de violence. Ils témoignent d’agressions physiques et sexuelles, de prostitution, de consommation de drogue et d’exploitation des personnes en situation d’itinérance par des vendeurs de drogues et des proxénètes qui s’installent dans le quartier.

Extrait du rapport de l’ombudsman Ne pas détourner le regard

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Intervention policière sur l’avenue du Parc auprès d’un homme en état d’ivresse

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Un sans-abri autochtone est soigné par les ambulanciers après avoir perdu connaissance sur le trottoir.

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Un trafiquant de drogue, rue Milton, compte les recettes de son commerce illicite.

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Pour l’année 2021, le SPVM a reçu en moyenne trois appels par jour mettant en cause la clientèle en situation d’itinérance.

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Kody (à gauche) est travailleur de rue auprès des sans-abri autochtones. Il prend des nouvelles de Pasha, Lizzie, Elisapi et Bobby, qui fréquentent le secteur Milton-Parc. Tous les jours, il fait la tournée des sans-abri pour l’organisme Plein Milieu.

Il importe de passer de la parole aux actes. Il est fondamental de ne pas gérer cette situation par de simples cases à cocher dans un plan. Il faut agir avec préméditation et s’assurer que les mesures planifiées produisent concrètement des résultats, que les entités de tous azimuts soient imputables des responsabilités qui leur incombent et que cette imputabilité ne soit pas mesurée par tâches isolées, mais plutôt par impacts décisifs sur le terrain. En clair, il faut mettre de l’avant des mesures globales et structurantes.

Extrait de la conclusion du rapport de l’ombudsman Ne pas détourner le regard

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La consommation d’alcool et de drogue est omniprésente dans le secteur.

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Un sans-abri inuit dort sur le trottoir de l’avenue du Parc.