Louis-Philippe a oublié son bébé dans sa voiture pendant une journée chaude d’été. Contrairement à Anaïs Perlot, qui soupçonne que son propre garçon est mort à cause de la négligence du père de l’enfant, l’homme de Saint-Jérôme soutient qu’un accident, ça existe. « Un oubli, ça se peut. Je le sais parce que je l’ai vécu ! »

Le 17 août 2016, la vie de Louis-Philippe et de sa famille a basculé. Ce jour-là, le père a amené ses deux fils aînés à leur camp de jour, mais il a oublié que son garçon de 11 mois se trouvait sur la banquette arrière du véhicule, dans son siège de bébé.

Louis-Philippe s’est rendu à son travail tandis que le petit Jacob est resté dans la voiture. Ce n’est qu’en fin de journée, quand il s’est rendu à la garderie où le personnel lui a annoncé qu’il n’était jamais venu mener son enfant, qu’il a réalisé le drame. Il a retrouvé son bambin mort d’hyperthermie dans l’auto familiale.

Les enquêteurs ont interrogé les deux parents le soir même, et la thèse de l’accident a été retenue. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales n’a jamais déposé d’accusations contre le père.

« C’est un chemin que je prenais souvent, que je pouvais faire les yeux fermés. J’étais dans ma bulle. Je commençais une formation que j’aimais beaucoup pour mon travail. J’écoutais la radio et il a dû survenir quelque chose pour que je perde mon focus. Mais une chose est sûre : je ne suis pas un criminel », dit-il, six ans plus tard.

Louis-Philippe a tenu à prendre la parole en réponse à Anaïs Perlot, cette mère qui a indiqué à La Presse, mardi, qu’elle songeait à déposer une plainte privée pour négligence criminelle contre le père de leur fils Cassius. Ce dernier a été oublié dans une voiture et a été retrouvé mort en 2018, dans Griffintown, à Montréal.

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Dans les deux cas, les coroners ont souligné qu’un arrêt à la garderie constituait un changement de routine pour ces familles. Les deux coroners ont conclu à un « décès accidentel ».

Même moi, je n’y croyais pas que c’était un accident au début. Je pensais que j’étais un monstre, que j’étais un ci, un ça. Je me traitais de tous les noms. Tout le monde a compris avant moi que c’était un accident.

Louis-Philippe

Il se rappelle avoir été complètement chamboulé par la mort de Cassius en 2018, deux ans après la mort de son propre fils. À l’époque, il avait écrit un message au père, et sa conjointe, avec qui il est toujours en couple, en avait rédigé un pour Anaïs Perlot. Il ignore si leurs lettres, qui avaient été envoyées au CPE, ont été transmises aux parents endeuillés.

Ne pas « partir en guerre »

Louis-Philippe doute que la voie des tribunaux et la plainte privée pour négligence criminelle soient une bonne idée. Quand son fils est mort, il se rappelle que son infirmière clinicienne lui a demandé : « Est-ce que tu crois que Jacob voudrait que tu restes triste pour la vie parce qu’il n’est pas là ? »

« Honnêtement, j’ai été obligé de répondre non », raconte le père de famille, qui a d’ailleurs eu une petite fille après la mort de Jacob.

« Ton enfant ne veut pas que tu restes malheureux. Ton enfant ne veut pas que tu partes en guerre », explique-t-il.

« Le deuil, je vais être pogné avec jusqu’à tant que je meure, affirme-t-il. Je vais penser à cet enfant-là jusqu’à ma mort. Mais avec le temps, la douleur est moins vive. Et vu que la douleur est moins vive, on finit par comprendre certains éléments. »

Un dispositif pour prévenir les oublis ?

Après la mort de Cassius en 2018, la coroner MJulie A. Blondin a recommandé que Transports Canada mette en place une norme de sécurité afin d’équiper les sièges d’auto pour enfants d’un dispositif d’alerte quand les bambins sont laissés sans surveillance. Elle n’est pas la première à formuler une telle recommandation. « Transports Canada a analysé la disponibilité de certains de ces systèmes de détection qui peuvent donner l’alerte si un enfant est laissé sans surveillance dans un véhicule. Selon nos observations, à ce jour, aucun capteur n’est encore parfaitement efficace pour effectuer cette tâche sans faille. Il en demeure la responsabilité primordiale des parents et gardiens de s’assurer du bien-être des enfants », a souligné Sau Sau Liu, porte-parole du Ministère. À la suite de l’article de La Presse mardi, des lecteurs ont d’ailleurs signalé que leur nouveau véhicule de marque Subaru, Ford, GMC ou Toyota était équipé d’un dispositif d’alerte.