Anaïs Perlot a perdu son petit Cassius, mort de chaleur en 2018. Elle veut maintenant que soit trouvé « un moyen pour que ça ne se reproduise pas » et songe à déposer une plainte privée au criminel contre le père.

Une mère dont le bébé est mort de chaleur dans une voiture lance un cri du cœur : elle souhaite qu’un dispositif signale la présence d’un enfant sur la banquette arrière d’un véhicule dès que le moteur est coupé. À l’approche de l’été et du temps chaud, Anaïs Perlot s’ouvre pour la première fois sur la mort de son petit Cassius.

« C’était un garçon tellement doux, tellement sage, tellement gentil, tellement mignon », se remémore Anaïs Perlot, la voix brisée par le chagrin. Le 22 juin marquera le quatrième anniversaire de la mort du bambin de 6 mois, qui a été oublié dans une voiture.

Ce jour-là, c’est le papa qui avait la responsabilité d’amener sa fille à son dernier jour de maternelle et ensuite, son garçon à la garderie. Il a déposé son aînée à l’école, puis s’est garé dans un stationnement public près de son lieu de travail. Il faisait 25 ℃ à Montréal. En fin d’après-midi, le père s’est rendu à la garderie, mais le personnel lui a annoncé que son fils était absent. C’est là qu’il a réalisé le drame.

« C’était le début des vacances. Je m’en souviens comme si c’était hier », raconte Anaïs Perlot.

Je faisais la file à l’épicerie et j’ai reçu un appel. Dès que j’ai décroché, j’ai tout de suite compris qu’il était arrivé quelque chose de grave. Mon ex-conjoint m’a dit : ‟Il faut que tu viennes vite à la garderie. J’ai oublié Cassius dans la voiture. Toute la journée.”

Anaïs Perlot

Anaïs Perlot a sauté dans un taxi et s’est précipitée vers le CPE situé dans Griffintown. En entrant dans le bureau de la directrice, elle a vu son bébé inanimé et bleuté sur un canapé, entouré de policiers et de pompiers. « Il était là, allongé. On lui avait mis une petite couverture vert pomme. Je l’ai pris dans mes bras. Je l’ai gardé collé contre moi. Il avait l’air de dormir. J’étais tellement fâchée contre son papa », raconte la mère, émotive.

Photo Marco Campanozzi, LA PRESSE

Anaïs Perlot

À la suite de son investigation, la coroner MJulie A. Blondin a conclu que l’enfant avait été « oublié » et que le décès était « accidentel ». Elle note qu’un enfant meurt chaque année au Canada après avoir été laissé à l’intérieur d’un véhicule surchauffé par le soleil, selon une étude de l’Hôpital pour enfants malades de Toronto.

« Il s’agit d’un drame terrible pour un parent. […] Il faut se doter de moyens sociétaux afin qu’une telle catastrophe ne se reproduise plus », souligne-t-elle dans son rapport.

MBlondin affirme que des outils existent déjà comme des caméras, des miroirs et des capteurs sous le siège de l’enfant pour prévenir des morts.

S’il n’est pas possible d’intégrer un mécanisme dans les nouveaux véhicules, « une solution plus simple pourrait être celle de doter le siège de l’enfant d’un mécanisme d’alarme ou de se procurer un siège d’auto muni d’un tel dispositif. Si un enfant est oublié dans un véhicule, une alarme va se déclencher et émettre des sons que l’on peut entendre à l’extérieur du véhicule. Certains de ces appareils vont même transmettre un message ou appeler le téléphone du conducteur », écrit-elle dans son rapport. Elle n’est d’ailleurs pas la première coroner du Québec à faire cette recommandation.

L’Italie a été le premier pays à rendre obligatoire, dans son Code de la route, une alarme de sécurité sur le siège de tous les enfants de moins de 4 ans. Dans ses recommandations, la coroner presse Transports Canada de se pencher sur la question. Ce dernier n’a pas répondu à notre demande d’entrevue.

« Il faut que ça se fasse », lance Anaïs Perlot. « Ça peut sauver la vie de bébés. Personne ne doit vivre ce que j’ai vécu », ajoute-t-elle.

« Avec les voitures d’aujourd’hui, si un bébé se met à pleurer, personne ne l’entendra. Et avec les vitres teintées, personne ne le verra. Il faut qu’on trouve un moyen pour que ça ne se reproduise pas », clame-t-elle.

Vers une poursuite criminelle ?

Quatre ans après la mort de son fils, Anaïs Perlot ne comprend toujours pas comment son ex-conjoint a pu oublier leur enfant dans une voiture. « Si quelqu’un pense toujours à son téléphone, qu’il pense à ne jamais l’oublier partout où il va, mais qu’il ne se pose pas la question avec son enfant, ça me pose un problème », dit-elle.

Photo Marco Campanozzi, LA PRESSE

Anaïs Perlot

Anaïs Perlot songe à déposer une plainte privée pour négligence criminelle contre le père de son fils. Ce dernier a affirmé aux policiers qu’il était « extrêmement fatigué » et « stressé » le jour du drame, et que sa routine du matin venait de changer, puisque son bambin commençait à fréquenter la garderie.

Mme Perlot croit toutefois qu’il ne s’agissait pas d’un accident et que les policiers auraient dû pousser leur enquête plus loin.

Vous avez un homme qui laisse son enfant dans un véhicule pendant plusieurs heures sous un soleil de plomb. C’est une faute grave qui mène au décès d’un petit enfant. Ça peut engager la responsabilité criminelle.

MStephen Angers, avocat d’Anaïs Perlot

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) n’avait pas porté d’accusation contre le père de l’enfant en 2018, mais une plainte reste une « option possible pour les citoyens qui sont insatisfaits d’une décision rendue par un procureur du DPCP », explique l’avocat. Il précise toutefois que les plaintes privées sont très rares et qu’un juge devra autoriser – ou non – les procédures judiciaires.

Anaïs Perlot assure pour sa part qu’elle ne mène pas cette bataille par vengeance contre son ex-conjoint. « Si un parent oublie son enfant dans la voiture, ce n’est pas un accident, dit-elle. Je lui dois ça, à mon fils. »