GNL Québec revient à la charge et annonce avoir conclu une entente pour approvisionner l’Ukraine, malgré le rejet par Québec et Ottawa de son projet d’usine de liquéfaction de gaz naturel Énergie Saguenay.

La société mère de GNL Québec, Symbio Infrastructure, a annoncé vendredi après-midi par communiqué la conclusion d’un accord de principe (memorandum of understanding) avec la société publique ukrainienne Naftogaz pour lui fournir à partir de 2027 du gaz naturel liquéfié (GNL), mais aussi de l’hydrogène liquide.

L’entente, signée le 5 juin à Washington, prévoit que le GNL et l’hydrogène transiteront par un pays européen « convenu d’un commun accord ».

Le gouvernement québécois avait pourtant refusé d’autoriser le projet Énergie Saguenay, il y a près d’un an, et le gouvernement canadien avait à son tour rejeté le projet, en février dernier.

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Le communiqué de Symbio ne fait pas mention de ce double refus, mais souligne le « vif intérêt » du Canada à « aider l’Europe à faire face à sa crise énergétique et à son besoin de diversification de l’approvisionnement en GNL ».

L’Ukraine n’importe plus de gaz russe depuis 2014, a toutefois indiqué le président-directeur général de Naftogaz, Yuriy Vitrenko, cité dans le communiqué.

GNL Québec n’a pas indiqué comment elle comptait concrétiser l’accord conclu avec Naftogaz, qu’elle n’a d’ailleurs pas voulu montrer à La Presse.

Un « show de boucane »

L’annonce de Symbio est « futile », car GNL Québec ne pourra pas « passer par-dessus » les refus de Québec et d’Ottawa, a jugé la Coalition Fjord, une organisation saguenéenne qui s’est battue contre le projet Énergie Saguenay.

« C’est une annonce futile, c’est encore un show de boucane », a déclaré à La Presse Camille-Amélie Koziej Lévesque, au nom de l’organisation.

GNL Québec pourrait décider de soumettre un nouveau projet, mais il devrait respecter « les mêmes conditions » qui avaient été exigées pour le précédent, a indiqué le ministre québécois de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette.

Dans un tel contexte, on parle donc d’un processus de plusieurs années, ce qui fait qu’on voit difficilement comment un tel projet pourrait constituer une solution aux problèmes d’approvisionnement actuels en Ukraine, voire en Europe.

Benoit Charette, ministre québécois de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, dans une déclaration écrite

Un nouveau projet devrait également « suivre le processus transparent prévu par la Loi sur l’évaluation d’impact » du Canada, a souligné le cabinet du ministre fédéral des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson.

Ottawa entend aider à diversifier l’approvisionnement énergétique de l’Ukraine et de l’Europe, mais le fera « d’une manière qui garantit que toute émission résultante s’inscrit dans le plan climatique du Canada », a déclaré l’attaché de presse du ministre, Keean Nembhard.

GNL Québec « fait preuve d’une arrogance sans borne et est irrespectueuse envers les gouvernements fédéral et provincial qui ont rejeté de façon claire et nette ce projet à la suite de processus d’évaluation environnementale rigoureux et basés sur la science », a déclaré Patrick Bonin, porte-parole de la campagne climat-énergie de Greenpeace Canada.

« Ce dont l’Ukraine et la planète ont besoin, c’est de se libérer rapidement des énergies fossiles », a-t-il ajouté.

Cap sur les énergies propres

L’annonce de Symbio a aussi fait bondir les partis de l’opposition, à Québec.

« On vient de voter un projet de loi pour sortir le Québec des hydrocarbures. Qu’est-ce que les promoteurs de GNL Québec ne comprennent pas dans le mot “non” ? », a demandé Manon Massé, porte-parole de Québec solidaire.

« Le futur est dans les énergies propres, et c’est complètement faux de croire qu’on rend service à quiconque en perpétuant notre dépendance aux hydrocarbures », a ajouté sa collègue Émilise Lessard-Therrien, responsable des dossiers environnementaux.

« Le conflit en Ukraine, bien que malheureux et condamnable, demeure un évènement conjoncturel qui ne doit pas nous faire dévier d’une trajectoire vers la carboneutralité », a déclaré le porte-parole du Parti québécois en matière d’environnement et député de Jonquière, Sylvain Gaudreault.

La porte-parole du Parti libéral en matière d’environnement, Isabelle Melançon, a estimé qu’il « n’est pas logique d’utiliser notre hydroélectricité renouvelable pour produire de l’énergie non renouvelable ».

Énergie Saguenay tributaire de Gazoduq

Même si GNL Québec soumettait aux autorités provinciales et fédérales une nouvelle mouture de son projet Énergie Saguenay, rien n’indique qu’elle aurait une source d’approvisionnement. L’évaluation du projet de construction d’un gazoduc entre le nord de l’Ontario et le Saguenay, baptisé Gazoduq, n’a pas eu lieu. Le projet demeure toutefois « actif », a indiqué à La Presse un porte-parole de l’entreprise qui n’a pas voulu se nommer.

En savoir plus
  • 44 millions
    Quantité quotidienne, en mètres cubes, de gaz naturel que le complexe aurait liquéfié
    SOURCE : GNL QUÉBEC