Ottawa s’oppose à son tour à la construction du complexe de liquéfaction de gaz naturel Énergie Saguenay, de l’entreprise GNL Québec, estimant que « les effets négatifs importants potentiels du projet ne sont pas justifiables dans les circonstances ».

La décision, annoncée lundi après-midi après la fermeture des marchés boursiers par le ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada, Steven Guilbeault, se base sur l’examen du projet par l’Agence d’évaluation d’impact (AEI) du Canada.

Son rapport d’évaluation environnementale conclut que « le projet Énergie Saguenay était susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants en lien avec une augmentation des émissions de gaz à effet de serre polluants, ainsi que sur les mammifères marins, incluant le béluga du Saint-Laurent, et le patrimoine culturel des Premières Nations innues », a indiqué le cabinet du ministre Guilbeault, dans un communiqué.

Le projet évalué à 9 milliards de dollars aurait permis l’exportation de quelque 10,5 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) pendant de 25 à 50 ans, par des navires qui auraient sillonné le fjord du Saguenay.

Le rapport final de l’AEI reprend ainsi les grandes lignes de la version provisoire publiée en septembre, qui avait été suivie d’une consultation publique, et qui évoquait les « effets directs et cumulatifs importants » que le projet aurait sur le béluga.

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Déjà refusé par Québec

La décision d’Ottawa survient six mois après le rejet du même projet par Québec, que le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) avait fortement critiqué précédemment.

Lisez l’article « Québec dit non au projet de GNL Québec » Lisez l’article « Rapport du BAPE : de gros doutes sur Énergie Saguenay »

Le gouvernement québécois, qui déplorait depuis le début cette seconde évaluation environnementale du projet, a d’ailleurs réagi laconiquement à l’annonce d’Ottawa.

« Pour nous, c’est un dossier clos depuis l’été dernier, lorsque nous avons annoncé que nous refusions d’aller de l’avant avec le projet », a déclaré Rosalie Tremblay-Cloutier, attachée de presse du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette.

Ce double refus d’autoriser le projet Énergie Saguenay a également un effet indirect sur le projet Gazoduq, une conduite devant transporter le gaz fossile de l’Ouest canadien entre le nord de l’Ontario et le Saguenay, en passant par l’Abitibi, la Haute-Mauricie et le Lac-Saint-Jean.

GNL Québec « prend note de la décision du gouvernement fédéral et évaluera les impacts d’une telle décision sur le projet Énergie Saguenay », a déclaré à La Presse son porte-parole, Louis-Martin Leclerc, ajoutant que Gazoduq suivra « de près les décisions de GNL Québec afin d’évaluer [ses] prochaines étapes ».

La décision d’Ottawa, comme celle de Québec, n’empêche pas GNL Québec de soumettre un nouveau projet.

Exemple à suivre

Le rejet d’Énergie Saguenay devrait servir d’exemple du sort à réserver aujourd’hui à tout projet concernant les énergies fossiles, estiment les groupes environnementaux, qui appellent à une véritable transition énergétique.

Les gouvernements doivent maintenant appliquer la même logique à tous les autres projets d’expansion de la production de pétrole et de gaz au Québec et au Canada et les rejeter.

Patrick Bonin, responsable de la campagne climat-énergie de Greenpeace Canada

Équiterre y voit « un énième rappel que les nouveaux projets liés à l’industrie fossile n’ont pas d’avenir et mettent en péril notre santé et notre sécurité », a déclaré Émile Boisseau-Bouvier, analyste en politiques climatiques et transition écologique de l’organisation.

La décision d’Ottawa est « un soulagement pour les Saguenéens et Saguenéennes » qui doit permettre de « tourner la page et [de] se diriger vers une économie verte beaucoup plus prometteuse pour la région », a affirmé le co-porte-parole de la Coalition Fjord Adrien Guibert-Barthez.

La directrice générale de Nature Québec, Alice-Anne Simard, a appelé à « [accélérer] la sortie des énergies fossiles dans leur ensemble », une industrie qui a mené l’humanité « au bord du gouffre climatique », a ajouté le porte-parole de la Fondation David Suzuki, Charles Bonhomme.

En savoir plus
  • 44 millions
    Quantité quotidienne, en mètres cubes, de gaz naturel que le complexe aurait liquéfié
    source : GNL Québec