Le premier ministre François Legault a fait « un parallèle un peu rapide » en disant dimanche que le Québec risquait de devenir « une Louisiane » si Ottawa ne lui cédait pas les pleins pouvoirs en immigration, estime un expert embauché par le gouvernement pour le conseiller dans ce dossier.

Le démographe Marc Termote est néanmoins pessimiste quant à la situation du français. Il appuie l’idée de rapatrier les pouvoirs en matière d’immigration. Il précise qu’Ottawa a le contrôle sur 35 % à 40 % de l’immigration permanente – M. Legault disait à la fois « la moitié » et 43 %, dimanche.

« Je connais un peu la Louisiane. J’ai rencontré plein de monde qui ont des noms français, qui sont fiers de dire qu’ils sont d’ascendance française, mais qui ne sont plus capables de parler français parce que la loi du nombre a fait qu’on parle anglais en Louisiane dans l’espace public », affirme-t-il.

Au Québec, cette loi du nombre fait en sorte que le français s’impose dans l’espace public. À tout le moins en région, précise-t-il. « À Montréal, la loi du nombre ne joue pas : une fois que vous sortez de chez vous, vous pouvez choisir de parler anglais ou français. »

Les pleins pouvoirs en matière d’immigration permanente et temporaire ne suffiraient pas, selon lui, à renverser la tendance. « Ce qui compte, c’est le nombre d’enfants que les francophones font. Et la fécondité est assez basse. Si vous ne faites pas d’enfants, faut pas s’étonner que le nombre de francophones baisse », dit-il.

En Louisiane comme peau de chagrin

En Louisiane, les francophones ne représentent plus que 1,84 % de la population, contre 93,32 % au Québec, indique la plus récente Estimation du pourcentage et des effectifs de francophones, publiée sur la plateforme web de Francoscope.

Cette estimation a nécessité l’utilisation de plusieurs sources de données, ainsi qu’une part d’extrapolation, précise la note de recherche de l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone (ODSEF). Selon ces calculs, iI y aurait un peu plus de 84 000 francophones en Louisiane en 2022.

De tous les États qui constituent des « foyers historiques » de la francophonie aux États-Unis, « c’est la Louisiane qui accuse la contraction la plus marquée de son espace francophone », soulignait par ailleurs une étude publiée dans les Cahiers de l’ODSEF en 2016. L’État avait alors « perdu près de 60 000 locuteurs de français en 10 ans ». « Loin de s’estomper, la régression de l’usage du français observée en Louisiane depuis les années 1990 ne fait que se confirmer », signalait le chercheur Étienne Rivard.

Comparer la réalité francophone du Québec et du reste du Canada à celle de la Louisiane est « impossible et fautif », a commenté sur Twitter Joseph Dunn, entrepreneur en tourisme culturel et ancien directeur exécutif du Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL). « Il n’existe aucune infrastructure FR ici depuis 1921 », a-t-il souligné lundi. C’est l’année où l’État a interdit l’enseignement du français dans ses écoles publiques.

Selon M. Dunn, la population francophone de la Louisiane n’a jamais dépassé le seuil atteint vers la fin des années 1960, soit environ 1 million de personnes. Et il s’agit là d’estimations « anecdotiques », car les questions du recensement ne permettent pas d’obtenir cette information précise, nous a-t-il indiqué par messagerie. « Comme il n’y a aucune consommation de ‟services” en français en Louisiane – tout se fait en anglais depuis un siècle –, on ne peut avoir de chiffres comme ça non plus », a ajouté M. Dunn.

Les francophones de la Louisiane « deviennent minoritaires dès les années 1830 », signale l’Encyclopédie canadienne.