Pour la troisième fois en moins d’un an, l’inspectrice générale de Montréal dénonce la mauvaise gestion des contrats à la Société de transports de Montréal (STM). Cette fois, ses enquêteurs ont trouvé des irrégularités dans trois contrats conclus avec un sous-traitant où travaillait la conjointe d’un chargé de projet de l’organisme public.

« L’entièreté des manquements démontrés est imputable à la STM », écrit l’inspectrice générale Brigitte Bishop dans son rapport déposé lundi au conseil municipal. Le Bureau de l’inspecteur général (BIG) n’identifie pas le sous-traitant impliqué, puisque ce dernier n’a rien à se reprocher, selon l’enquête.

C’est au sein de la STM même que les contrats ont été mal gérés, selon le rapport. La STM a d’ailleurs reconnu dans sa réponse au BIG « une mauvaise compréhension et application, quoique non intentionnelle, de certains aspects du cadre normatif applicable ». Elle s’engage d’ailleurs à corriger le tir.

1,7 million en contrats

Les trois contrats, conclus entre 2016 et 2021, totalisaient environ 1,7 million de dollars (le dernier vient toutefois d’être annulé par la STM suite à l’enquête). Ils visaient l’obtention de services-conseils pour la gestion et la sélection des programmes de rémunération et d’avantages sociaux des employés.

Le chargé de projet responsable du dossier à la STM n’a jamais informé ses supérieurs que sa conjointe avait un poste important au sein de la firme de services-conseils à qui les contrats étaient accordés.

Selon l’enquête du BIG, il a malgré tout modifié le contrat initial substantiellement pour y ajouter des mandats et grossir l’enveloppe budgétaire, sans retourner en appel d’offres comme le veulent les règles de saine gestion. Il a ensuite organisé l’octroi d’un deuxième contrat de gré à gré pour couvrir des dépenses déjà faites dans le cadre du premier contrat, puis a participé au lancement d’un appel d’offres pour un troisième contrat dont les critères très restrictifs ont découragé tous les concurrents qui auraient pu soumissionner.

Plusieurs personnes à l’interne auraient fait part de leurs inquiétudes quant à la légalité de certaines démarches, mais l’information complète n’aurait pas été fournie au conseil d’administration de la STM, selon le rapport.

Dans les rangs de l’opposition officielle, le chef Aref Salem s’est dit lundi « scandalisé » par la situation. « Ça fait trois fois en moins de huit mois que le Bureau de l’inspectrice générale blâme la STM qui, encore une fois, n’a pas agi pour se protéger d’un conflit d’intérêts. Comment la STM a-t-elle pu laisser un chargé de projet en mener si large dans la préparation d’appels d’offres alors que sa conjointe était à l’emploi de l’entreprise adjudicataire, et ignorer ce potentiel conflit d’intérêt ? », a-t-il déploré, en réclamant « un meilleur encadrement » de l’octroi des appels d’offres.

Apparence de conflit d’intérêts

Lorsque la firme a remporté le troisième contrat, elle a fourni une déclaration d’intérêt qui révélait qu’une de ses dirigeantes était en couple avec le chargé de projet de la STM. Les dirigeants de la société de transport n’en ont pas fait grand cas.

« Les faits révélés par l’enquête démontrent que le chargé de projet était en situation d’apparence de conflit d’intérêts », souligne l’inspectrice générale dans son rapport. En omettait de le déclarer, il a contrevenu aux règles de la STM, dit-elle.

Les gestionnaires du chargé de projet au sein de la STM ont eux aussi contrevenu au code d’éthique de l’organisme en ne mettant aucune mesure en place pour encadrer la situation, poursuit le rapport. Brigitte Bishop demande à la STM « se dote rapidement d’un plan de redressement » pour éviter ce genre de situation à l’avenir.

Le BIG avait déjà épinglé la STM en 2021 pour au sujet des coûts de contrats signés avec certains fournisseurs, qui explosaient en cours de route sans que la direction retourne en appel d’offres.

En février 2022, un nouveau rapport du BIG dévoilait des manquements « graves et sérieux » dans l’attribution de contrats de construction au nouveau centre de transport Bellechasse, une construction souterraine destinée à accueillir 300 autobus dans Rosemont-La-Petite-Patrie.

Le budget annuel de la STM pour 2022 est de 1,6 milliard de dollars.

Avec Henri Ouellette-Vézina, La Presse