« C’est lourd, quand même ! »

Juliette a 12 ans, mais en paraît tout au plus 9. Elle est vêtue d’un t-shirt où on peut lire un message qui est tout indiqué en ce jour bien spécial au centre de réadaptation Dominique-Savio. Dream Big, peut-on y lire en grosses lettres roses. Juliette secoue sa queue de cheval, écarquille les yeux, incrédule. Dans sa petite main, un disque doré, brut et massif, que peu de gens ont la chance de toucher dans leur vie.

Une médaille d’or olympique.

Cette médaille, c’est celle de Mikaël Kingsbury, le skieur acrobatique que tout le Québec connaît. Il l’a remportée à PyeongChang en 2018. Dans cette cafétéria tristounette où sont rassemblés une cinquantaine d’enfants, il y a un étalage impressionnant de médailles sur la table. Celles de Kingsbury, et aussi celles de Kim Boutin, patineuse sur courte piste, elle aussi olympienne maintes fois décorée. Dans la somme de récompenses figure aussi l’un des 21 globes de cristal remportés par Kingsbury sur les – nombreux – parcours de la Coupe du monde auxquels il a participé.

Du petit écran à la vraie vie

Du centre Dominique-Savio–Mainbourg, où elle est hébergée depuis trois ans, la petite Juliette a suivi les derniers Jeux olympiques à la télé. Comme tous les jeunes hébergés par la direction de la protection de la jeunesse (DPJ) en centre de réadaptation, les deux dernières années n’ont pas été faciles pour elle.

« Ça fait deux ans qu’on est confinés, avec des jeunes qui vivent essentiellement dans leurs unités. Aujourd’hui, tout le monde était ému de voir les jeunes rassemblés pour la première fois pour un évènement », résume Sophie Gagné, l’éducatrice responsable des arts et de la culture au centre.

C’est pourquoi cette visite de deux olympiens, organisée par la Fondation des jeunes de la DPJ, est si spéciale aujourd’hui. Le plus jeune, dans l’assistance, a cinq ans et demi. Il a revêtu une jolie chemise à carreaux pour la visite. Les plus vieux ont 17 ans et arborent la moue typique des adolescents. Néanmoins, ils sont tous manifestement captivés par les récits de Boutin et Kingsbury. Les questions fusent.

Comment tu faisais pour faire des pirouettes dans les airs ? Une question extrêmement pertinente de Kevin, qui, vous vous en doutez bien, ne s’appelle pas vraiment Kevin, mais qui a vraiment 7 ans. « J’imagine que tu as des cours d’éducation physique, répond Mikaël Kingsbury. Quand j’avais ton âge, j’ai commencé à faire des flips sur une trampoline, et après sur des sauts où on aboutit dans l’eau, puis dans la neige. Mais c’est beaucoup de pratique depuis que je suis jeune. »

Avez-vous déjà douté de vos capacités ? Diable, encore une autre bonne question, cette fois posée par Ramón. Mikaël Kingsbury évoque son retour à son sport après une blessure au dos. « Je me suis demandé si je serais capable de revenir au niveau où j’étais avant. »

Kim Boutin, elle, avoue avoir souvent douté. L’anxiété l’habite constamment, avant chaque course, a-t-elle confié aux jeunes. Elle consulte d’ailleurs un psychologue pour maîtriser ce démon bien personnel.

« Depuis que je suis petite, j’ai peur d’aller vite. Et maintenant, je suis devenue la femme la plus rapide au monde dans mon sport », dit Boutin. En 2019, la patineuse a en effet franchi la distance de 500 mètres en moins de 42 secondes, un record du monde. En entendant cela, les enfants ont applaudi très fort. Car ils ont beau n’avoir que 6, 10 ou 15 ans, ces enfants savent très bien ce que c’est que de franchir un parcours à obstacles.

Des petits aux gros objectifs

Les Olympiques comme allégorie de la vie ? C’est peut-être ce qu’ils ont pensé en entendant Mikaël Kingsbury leur expliquer comment il a fini par atteindre le sommet dont il avait rêvé la première fois à 10 ans, en écoutant ses premiers Jeux olympiques.

Je me fixe plein de petits objectifs et un gros objectif, qui semble souvent inatteignable. Mais en atteignant mes petits objectifs, je finis par réussir le gros.

Mikaël Kingsbury, skieur acrobatique

Pour Juliette, Kevin, Ramón et les autres, qui vivent dans une douzaine d’unités de vie, où les chambres sont minimalistes et où on retrouve une salle de retrait pour les enfants en crise, le gros objectif, c’est probablement d’apprendre à vivre en traînant un bagage parfois très lourd.

« Est-ce que je peux la mettre dans mon cou ? »

Juliette a passé précautionneusement le large ruban autour de son cou. Elle a dégagé sa queue de cheval et s’est redressée fièrement. La grosse médaille lui allait sous la taille. Et son sourire valait tout l’or du monde.

La Fondation partout au Québec

La Fondation des jeunes de la DPJ, qui concentrait auparavant son action à Montréal, s’est ouverte récemment à tous les établissements qui hébergent des jeunes de la DPJ à l’échelle du Québec. L’organisme est actuellement en appel de candidatures pour des projets à financer. Les dons recueillis par le public peuvent venir défrayer des activités, des bourses d’études, la pratique d’un sport ou encore la transition vers la vie autonome. Il est possible d’obtenir de l’information ou de faire un don en ligne.

Consultez le site de la Fondation des jeunes de la DPJ