Le taux des infractions contre la personne est en augmentation constante depuis 2014, avec un bond considérable en 2019, selon les données du SPVM.

Plus de 3200 voies de fait et 1500 autres infractions contre la personne ont été commises au cours des trois premiers mois de 2022, selon les données préliminaires du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) obtenues par La Presse.

Il s’agit d’un bilan parmi les plus élevés des dernières années, même s’il n’y a pas d’augmentation notable par comparaison avec 2021.

En effet, à Montréal, les voies de fait et les autres types d’infraction contre la personne augmentent depuis plusieurs années, avec un bond particulier en 2019.

Similaire à 2021

Depuis le début de l’année, 3274 voies de fait et 1510 infractions contre la personne ont été commises sur le territoire montréalais, selon les données préliminaires du SPVM. Ces chiffres s’apparentent à ceux observés en 2021, parmi les plus élevés des huit dernières années.

Les voies de fait comprennent les agressions physiques, avec ou sans arme. Les autres infractions contre la personne réfèrent aux extorsions, au harcèlement criminel, au proxénétisme et aux communications indécentes, précise Caroline Labelle, chargée des communications au SPVM.

Dans la province, « depuis 2014, le taux d’infractions contre la personne n’a cessé d’augmenter, atteignant un sommet en 2019 avec un taux de 1031,6 infractions déclarées par 100 000 habitants », indique le plus récent rapport disponible du ministère de la Sécurité publique (MSP), publié en 2020.

« Si vous allez sur l’internet, vous trouverez un saint Alexandre Bissonnette et saint Marc Lépine », avertit la Dre Cécile Rousseau, professeure à l’Université McGill, spécialisée en psychiatrie transculturelle. Rappelons qu’Alexandre Bissonnette est le meurtrier de l’attentat de la mosquée de Québec et que Marc Lépine est responsable du massacre de Polytechnique Montréal.

Je peux vous dire qu’il y a un phénomène de changement et de glorification de la violence.

La Dre Cécile Rousseau

Attaqués en plein jour

Le 3 avril, en plein jour, un couple dans la soixantaine discutait au coin des rues Cuvillier et Hochelaga lorsqu’il a été attaqué par un inconnu et battu, apparemment sans raison. Victime d’une hémorragie sous-conjonctivale, la dame a même failli perdre son œil, a-t-elle raconté à La Presse en demandant de conserver l’anonymat, par crainte d’être retrouvée par son agresseur.

Plusieurs attaques du genre ont été diffusées dans les médias au cours des dernières semaines. Une fillette de 10 ans s’était notamment fait agresser à Pointe-aux-Trembles, dans l’est de Montréal, à la mi-mars. Deux semaines plus tard, le député libéral Jean Rousselle a été battu dans le local de sa circonscription, à Laval.

Idéologie et santé mentale

Le manque actuel de confiance en l’avenir explique notamment ces statistiques, selon la Dre Cécile Rousseau. « C’est une vision assez apocalyptique du monde qui amène une fascination envers le mal et la violence, ajoute-t-elle. Tant qu’à n’être personne, à n’avoir aucun pouvoir et ne pas avoir d’avenir en ce monde, je vais en avoir un en devenant un génie du mal. C’est l’idéologie des tueurs de masse. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

La Dre Cécile Rousseau

Les problèmes de santé mentale, accrus par la pandémie, sont aussi à prendre en compte, renchérit Vivek Venkatesh, cotitulaire de la Chaire de recherche en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents, à l’Université Concordia. « Il y a un problème de santé mentale qui touche durement les membres des communautés racisées », souligne-t-il, sans pouvoir se prononcer spécifiquement sur les évènements de violence gratuite.

À partir de ses recherches, la Dre Rousseau a observé un nouveau discours de légitimation de la force, particulièrement en ligne.

Il y a un effet de vases communicants entre ce qui se passe sur les médias sociaux [et la violence dans les rues].

La Dre Cécile Rousseau

La pandémie en a ajouté en confinant les jeunes à leurs écrans pendant une période où, au contraire, ils devaient s’émanciper de leur famille et élargir leurs horizons, ajoute-t-elle.

« ​​La pandémie a vraiment mis de l’huile sur le feu, mais le processus était là avant et il sera là après, estime la chercheuse. La vague [de violence] ne va pas s’arrêter. »