Si la pêche au crabe des neiges est ouverte depuis le 25 mars dans l’estuaire du fleuve Saint-Laurent, elle se fait attendre dans la principale zone de pêche, au grand dam des crabiers des Îles-de-la-Madeleine et de la Gaspésie.

Ces derniers auraient voulu prendre la mer samedi, à l’aube, mais Pêches et Océans Canada n’a pas donné son approbation. C’est finalement mercredi matin que la saison de la pêche débutera dans la zone 12.

Pourquoi ? « Deux raisons », répond Paul Boudreau, représentant des crabiers traditionnels des Îles-de-la-Madeleine, qui ne décolère pas. La première, c’est la présence de glaces dans certains ports du Nouveau-Brunswick, qui sont compris dans la zone 12, même si, selon M. Boudreau, « ce n’était pas de la glace pour déranger ». Mais la principale raison, « c’est que les bateaux de la garde côtière n’étaient pas prêts pour assurer la surveillance de la pêche ».

« Ça n’a pas de bon sens ! dit-il. Ils ont tout l’hiver pour se préparer. »

Une réunion devait se tenir vendredi entre les membres de l’industrie pour s’entendre sur la date d’ouverture de la pêche dans la zone 12, mais elle a été annulée par le Ministère et reportée à lundi matin. Jean-Paul Gagné, directeur de l’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP), y assistait.

« On a eu un aperçu de la température des prochains jours, un aperçu des glaces, résume-t-il. Il y a eu des propositions. Nous, à Québec, unanimement, on a proposé l’ouverture de la pêche demain matin [mardi]. Mais 60 % des intervenants ont recommandé l’ouverture de la pêche mercredi matin. Et 15 % veulent retarder parce qu’il y a encore un peu de glace au Nouveau-Brunswick. »

Pêches et Océans Canada refuse d’ouvrir la pêche dans le sud du golfe tant que les pêcheurs néo-brunswickois, les plus nombreux à y pêcher le crustacé, ne sont pas prêts à aller en mer. En 2021, la saison a commencé dans la nuit du 2 au 3 avril.

Les baleines noires

On pourrait croire que quatre jours plus tôt ou quatre jours plus tard ne changent pas grand-chose, puisque la pêche au crabe est soumise à des quotas.

« Mais oui, ça change quelque chose, affirme le porte-parole des crabiers des Îles, parce que tout ce qui n’est pas pêché au début de la pêche, qui aurait dû ouvrir la semaine dernière, c’est de la pêche qui se fait au mois de juin, en présence des baleines noires. Le risque qu’il y ait des baleines empêtrées dans les engins de pêche est plus grand. »

« Plus tu commences tard, plus tu risques de ne pas être capable de prendre tout le contingent parce qu’ils ferment beaucoup de zones durant la pêche à cause de la présence des baleines, souligne-t-il. Nous, ce qu’on veut, c’est d’être capables de pêcher le plus tôt possible pour avoir le moins de pêche en présence des baleines. »

Jean-Paul Gagné, directeur de l’AQIP, qui représente les usines de transformation qui achètent les crabes aux pêcheurs, est du même avis : « C’est important que ce soit hâtif à cause de la présence de la baleine noire qui nous arrive à la fin avril. »

En plus, les usines de transformation comptent sur des travailleurs étrangers temporaires, dont plusieurs sont déjà arrivés et attendent l’ouverture de la pêche. « Il faut partir à la pêche et les faire travailler, explique-t-il. On ne peut pas garder des gens pendant des semaines de temps à attendre que la pêche commence. »

Rappelons que le prix du crabe atteint des sommets inégalés cette année, en raison de l’inflation, de l’imposition de quotas sur les crabes d’Alaska et des contrecoups de la guerre en Ukraine. C’est le marché américain qui dicte les prix du crabe québécois, un produit de luxe principalement vendu aux États-Unis et au Japon, et très peu consommé localement.

Le prix du homard des Maritimes bat lui aussi tous les records.