Le gouvernement présentera vendredi son plan de déconfinement du sport. Un document qui aura été écrit, raturé, réécrit, déchiqueté et recommencé quarante-douze fois dans le dernier mois. D’ailleurs, il n’est toujours pas terminé. Des différends persistent.

– Des fédérations sportives veulent des compétitions ;

– Le gouvernement veut surtout des entraînements ;

– La Santé publique ne veut pas grand-chose.

La rigidité de la Santé publique – alors que la contagion diminue – exaspère beaucoup, beaucoup de monde. Les athlètes. Leurs parents. Les entraîneurs. Des députés. La ministre Isabelle Charest, manifestement mécontente. Avec raison. Les règles en vigueur sont désuètes. Voire incompréhensibles.

Un exemple : les piscines et les arénas sont ouverts pour la pratique individuelle. Mais pas les centres de tennis ni les palestres.

Pourquoi ?

Un autre exemple : les compétitions sont interdites dans tous les sports. Sans égard au niveau de risque. Le canoë-kayak est donc dans le même bateau que le cheerleading. Illogique. D’autant que les données scientifiques sont limpides. Les sports ne sont pas tous égaux face au virus. Des disciplines sont risquées. D’autres, moins. La Santé publique doit en tenir compte. Le gouvernement aussi. Abandonnons le principe de l’égalité. Déconfinons autrement.

Comment ?

En divisant les sports en quatre blocs. Là se trouve peut-être la solution pour dénouer l’impasse dans les discussions et trouver un compromis acceptable pour le plus grand nombre de Québécois.

Sports individuels à l’extérieur

Toutes les études concordent : les risques de contagion dehors sont très minces. En janvier, au plus fort de la crise, le ski alpin, le ski de fond et la planche à neige n’ont pas été des sources de propagation du virus au Québec, me confirme-t-on. Pas plus que le tennis, l’aviron, la course, le vélo et le golf n’ont posé problème l’été dernier.

Ces sports doivent être déconfinés. Les compétitions devraient aussi être permises. C’est possible, en limitant le nombre de participants et d’officiels, d’organiser une partie de tennis, une course cycliste contre-la-montre ou des concours d’athlétisme dans le respect des règles de distanciation.

Sports collectifs à l’extérieur

L’été dernier, près de 125 000 Québécois ont participé à des matchs officiels de baseball et de soccer. L’aiguille des éclosions n’a pas bougé. Les enfants infectés – à l’école ou à la maison – n’ont pas contaminé leurs coéquipiers, m’ont précisé plusieurs dirigeants d’association. Un signe que les protocoles sont efficaces.

En parallèle, l’été dernier, des chercheurs ont suivi 91 000 joueurs de soccer du Wisconsin. Du nombre, 218 enfants ont été infectés. Pas sur le terrain. Partout. Une proportion deux fois moins élevée que la moyenne des enfants du Wisconsin de leur âge, au même moment. Les auteurs n’ont conclu à aucune corrélation entre la reprise du soccer mineur et la contagion communautaire.

Déconfinons le baseball et le soccer. Dans toutes les zones. Et le football ? C’est plus compliqué. Parce qu’un match implique près d’une centaine de personnes, contre une vingtaine pour le baseball et une trentaine pour le soccer. Un compromis serait d’attendre la fin des classes et la stabilisation des cas de variants avant de permettre la reprise des matchs.

Sports individuels à l’intérieur

Mon collègue Tommy Chouinard a annoncé lundi que le gouvernement voulait rouvrir tous les centres d’entraînement pour la pratique individuelle ou en famille. Donc les gymnases d’école, les palestres, les piscines, les arénas, les courts de tennis. C’est raisonnable. Et assurément moins risqué que de permettre à 100 personnes de se réunir dans une église.

Dans un premier temps, permettons à tous les jeunes – et non seulement à ceux en sports-études ou au sein d’un programme d’excellence – d’avoir accès aux plateaux. Dans une deuxième phase, une fois les variants maîtrisés, envisageons des compétitions impliquant des groupes d’une dizaine d’athlètes. En gymnastique ou en plongeon, un participant peut facilement présenter sa routine tout en maintenant une distance avec les juges et ses concurrents.

Sports collectifs à l’intérieur

Bon. Le cœur du problème. Concentrons-nous sur le hockey, sport que le virus aime malheureusement un peu trop.

> Relisez la chronique « Le virus aime trop le hockey »

Partout dans le monde, le hockey a causé des éclosions majeures. Dans la Ligue nationale. En Europe. Dans les universités américaines. Ici aussi. Depuis le début de la deuxième vague, près de 60 % des éclosions dans le milieu sportif au Québec sont associées au hockey, révèle une compilation de la Santé publique qu’on m’a résumée. Depuis l’automne, la presque totalité des hockeyeurs de la province ne peuvent plus s’entraîner. (Seuls les élèves en sports-études ont le feu vert.)

De plus, des chercheurs finlandais viennent de démontrer que le virus se transmet bel et bien entre adversaires pendant un match. Les auteurs ont relié 49 infections, au sein de cinq équipes qui venaient de s’affronter.

Sans surprise, la Santé publique et le gouvernement s’opposent à la reprise immédiate des parties de hockey. Ça déplaît aux joueurs et à leurs parents, surtout ceux de l’élite, qui manifestent bruyamment sur les réseaux sociaux. Et dans la rue, comme on l’a vu dimanche.

Leurs arguments ? Après des mois d’entraînement, les jeunes en sports-études ont besoin d’un nouveau défi. Leur discipline mérite d’être récompensée. Des propos auxquels je suis sensible, et qui doivent être considérés. Par contre, je n’adhère pas au discours d’adultes selon lesquels nos meilleurs espoirs pee-wee et bantam « perdent une année » et accumulent du retard sur ceux d’ailleurs.

Je rappelle que les chances qu’un Québécois devienne un joueur régulier dans la LNH sont de 1 sur 7500. On parle ici de deux à quatre joueurs par année de naissance. Aussi, nos meilleurs espoirs continuent de s’entraîner. Plusieurs fois par semaine, depuis huit mois. Quant au Québec, il n’est pas le seul endroit où les parties sont interdites. C’est le cas presque partout au Canada. Seules exceptions : le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et les zones vertes de l’Ontario, regroupées autour de Kingston.

Aux États-Unis ? C’est vrai que chez nos voisins, c’est plus permissif. Leur tolérance au risque est assurément plus élevée qu’ailleurs. Tellement que 525 000 Américains ont succombé au virus. C’est plus que le nombre de soldats américains morts lors des deux grandes guerres – combinées.

Entre l’autorisation et l’interdiction des matchs, il existe une position mitoyenne. La reprise des entraînements. Une proposition insuffisante pour les 5 % qui y ont déjà droit, mais qui réjouirait ceux qui n’ont pas vu leurs coéquipiers depuis octobre. C’est la mesure en vigueur dans l’Ouest canadien. C’est aussi celle que privilégie le gouvernement de François Legault en zone orange. Un compromis acceptable, que j’étendrais rapidement aux zones rouges où les variants sont absents, afin de profiter des derniers jours avant la fermeture des patinoires pour l’été.

Et les matchs, ce sera pour quand ?

Pour bientôt, espère-t-on. Probablement pour la fin de l’été. À trois conditions : que la vaccination se déroule comme prévu, que les hospitalisations soient contrôlées et qu’on réussisse à se débarrasser des variants les plus dangereux.