Ari Ben-Menashe, un lobbyiste établi à Montréal qui a travaillé pour plusieurs régimes autoritaires, vient d’être embauché par le ministère de la Défense de Birmanie pour défendre les intérêts de la junte militaire birmane auprès de divers acteurs internationaux clés, dont l’administration Biden.

Cette information a été révélée vendredi par le média américain Foreign Lobby puis relayée par le Jerusalem Post. Samedi, le lobbyiste israélo-canadien a expliqué à l’agence Reuters que les généraux birmans souhaitaient quitter l’arène politique après leur coup d’État. Ils chercheraient – toujours selon M. Ben-Menashe – à améliorer leurs relations avec les États-Unis et à se distancier de la Chine.

M. Ben-Menashe n’a pas répondu à la demande d’entrevue de La Presse samedi, transmise par téléphone et par message texte.

Il a affirmé à Reuters samedi matin avoir signé une entente avec la junte militaire birmane et a soutenu qu’une certaine somme lui serait versée si les sanctions contre l’armée étaient levées.

Les États-Unis ont annoncé jeudi que les exportations « sensibles » vers la Birmanie seront soumises à un contrôle accru. Ces mesures s’ajoutent aux sanctions financières déjà imposées aux chefs de la junte militaire. Un appel à un embargo mondial sur les livraisons d’armes a aussi été lancé.

Ari Ben-Menashe a déclaré qu’il avait été chargé de faire la promotion auprès de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis d’un plan de rapatriement de la minorité musulmane rohingya.

L’objectif du contrat accordé à M. Ben-Menashe serait d’attirer les faveurs d’acteurs clés à l’international envers la junte militaire birmane. Selon Foreign Lobby, des membres du Congrès américain et de l’administration du président Joe Biden sont visés par cette campagne, tout comme les gouvernements de pays jouissant d’une influence sur le plan international comme la Russie, l’Arabie saoudite, Israël et les Émirats arabes unis. Le lobbyiste a été embauché pour « offrir son aide en expliquant la situation réelle en Birmanie », selon un document obtenu par Foreign Lobby.

Contrat de 6 millions au Soudan

Ari Ben-Menashe est propriétaire de Dickens & Madson, une firme de lobbyisme dont le siège est à Montréal. Le lobbyiste, qui est né en Iran et a grandi en Israël, possède plusieurs propriétés luxueuses à Montréal, où il est désormais établi.

La Presse avait rapporté en 2019 le travail du lobbyiste au profit des militaires soudanais.

M. Ben-Menashe avait signé un contrat de 6 millions de dollars avec le général Mohammed Hamdan Daglo, alias Hemetti, numéro deux du Conseil militaire de transition qui avait pris le pouvoir au Soudan, en avril 2019, à la suite d’un coup d’État.

Il affirmait vouloir « aider ce régime à mettre en œuvre la transition démocratique ».

En mai 2010, quelques mois avant la chute de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, M. Ben-Menashe lui avait proposé de mettre sur pied une légion étrangère formée de 2000 combattants zimbabwéens.

La firme Dickens & Madson promettait alors au dirigeant ivoirien de bâtir « un programme visant à stabiliser le pays et à le ramener sous le ferme contrôle du président ».

Plusieurs personnes ont perdu des plumes en frayant avec Ari Ben-Menashe, selon un reportage de La Presse datant de 2012. Ç’a été le cas de feu Arthur Porter, ancien directeur général du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), originaire de la Sierra Leone. M. Porter avait perdu son poste au CUSM après que ses relations d’affaires avec M. Ben-Menashe avaient été dévoilées.

En 2001, Morgan Tsvangirai, rival politique de Robert Mugabe, alors président du Zimbabwe, était venu à Montréal, invité par M. Ben-Menashe. Ce dernier avait alors filmé leur conversation à l’insu de M. Tsvangirai et envoyé la vidéo au Zimbabwe, affirmant que M. Tsvangirai avait requis ses services pour assassiner le président Mugabe. L’homme politique africain a été accusé de complot et de trahison, avant d’être acquitté trois ans plus tard.

Répression meurtrière

Le matin du 1er février, l’armée a pris le pouvoir en Birmanie à la suite d’un coup d’État. La junte militaire a décrété l’état d’urgence pour un an, après avoir arrêté plusieurs personnalités politiques. Parmi les détenus, Aung San Suu Kyi, qui était à la tête du gouvernement depuis cinq ans.

Depuis, la population multiplie les appels à l’aide.

Les manifestants prodémocratie sont de nouveau descendus dans les rues samedi en Birmanie, au lendemain d’une nouvelle réunion du Conseil de sécurité de l’ONU.

Au moins 55 personnes ont été tuées depuis le début de l’insurrection pacifique contre le coup d’État du 1er février qui a renversé le gouvernement civil.

Avec Reuters et l’Agence France-Presse