C’est une « vague » de dénonciations qui a déferlé après le témoignage en cour d’Éric Salvail l’hiver dernier. Langue dans l’oreille, prise des organes génitaux, frottage de sexe : trois anciens collègues de l’animateur déchu ont confié aux policiers de troublants récits de harcèlement et d’agressions sexuelles. De nouveaux témoignages que le ministère public souhaite utiliser afin de démolir la défense de « bonne réputation » d’Éric Salvail à son procès.

« Il a senti la main de [M. Salvail] glisser sur sa craque de fesses jusqu’à se rendre à ses testicules. Il a senti le bout de ses doigts sur ses testicules, sans les agripper. Il s’est retourné pour se déprendre et s’est reculé en lui demandant ce qu’il faisait là. »

Ce troublant récit d’un ancien collègue d’Éric Salvail à l’émission Sucré salé est l’un des témoignages inédits relatés dans une requête en autorisation d’une contre-preuve déposée vendredi par la procureure de la Couronne, MAmélie Rivard, au palais de justice de Montréal.

Trois ex-collègues de l’homme de 51 ans ont fait des déclarations au Service de police de la Ville de Montréal à la mi-mars, sans toutefois porter plainte, à la suite du témoignage hyper médiatisé d’Éric Salvail. Ces récits « spontanés et non sollicités » sont la pierre d’assise d’une contre-attaque de la Couronne au procès d’Éric Salvail pour agression sexuelle, harcèlement criminel et séquestration à l’égard de Donald Duguay.

Fin des années 1990, début 2000, Éric Salvail est un animateur de foule peu connu. Dès sa première rencontre avec M. B., l’accusé aurait lancé des commentaires de nature sexuelle de façon répétée à son collègue. « Rapidement, il a coincé physiquement M. B. derrière un décor en tentant de façon insistante de l’embrasser, avant d’être repoussé », indique la requête.

Même si M. B. affirme avoir clairement manifesté son absence d’intérêt, Éric Salvail aurait continué de tenir des propos insistants et répétés de nature sexuelle.

[Éric Salvail] pouvait le suivre dans l’ascenseur, tenter de lui mettre la langue dans l’oreille, de se frotter le sexe contre lui ou de lui tâter les fesses. M. B. a dû, à un certain moment, lui donner des coups aux côtes pour se faire respecter.

Extrait du témoignage de M. B. tel que relaté dans la requête déposée vendredi par la Couronne

Un ancien collègue d’Éric Salvail chez Productions J. allègue avoir fait l’objet de commentaires déplacés et de gestes de nature sexuelle en 2003 par l’animateur déchu.

« [Il] était penché vers l’avant sur son bureau. […] [Salvail] est entré subtilement pour se rentrer [sic] derrière lui, le saisit par-derrière, se frotte le tronc contre lui en lui touchant le torse de ses deux mains. [Le témoin] précise avoir à ce moment senti son souffle dans son cou. Il a dû repousser physiquement violemment l’accusé en le poussant dans un classeur », relate la requête.

Un troisième témoin a connu Éric Salvail en 2002 sur le plateau de l’émission estivale Sucré salé. L’accusé était alors chroniqueur. Un soir, alors que J. R. cherchait quelque chose sur un bureau, Éric Salvail serait arrivé discrètement de l’arrière pour lui toucher les testicules. « Dérouté et mal à l’aise », J. R. s’en va. « [Salvail] le suit dans le corridor et baisse son pantalon vers le bas exhibant son pénis en l’invitant dans le bureau des recherchistes », peut-on lire.

Notons que ces trois personnes n’ont pas souhaité porter plainte à la police, selon la requête. Ainsi, Éric Salvail ne fait l’objet d’aucune accusation criminelle pour ces gestes allégués. MMichel Massicotte a indiqué à La Presse que son client ne ferait pas de commentaires à ce sujet. « Nous allons contester la requête lundi », a-t-il indiqué.

Démonter la preuve de « bonne réputation »

Accusé d’agression sexuelle, de harcèlement criminel et de séquestration à l’égard de Donald Duguay, Éric Salvail s’est présenté à la barre des témoins pour se défendre vigoureusement en février dernier. Il a alors nié s’en être pris à la victime, ex-collègue de Radio-Canada, en 1993, et a martelé n’avoir jamais agressé sexuellement quiconque. « Je n’agresse pas les gens dans la vie », a-t-il lancé.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Donald Duguay, le plaignant

Aux yeux de la Couronne, Éric Salvail a « mis en jeu sa bonne réputation en tentant de démontrer qu’il n’est pas le “genre de personne” qui agresse les gens dans la vie ». Même si les parties ont clos leur preuve, le ministère public demande au juge Alexandre Dalmau la permission de présenter une « contre-preuve » portant sur des « faits similaires ». Une requête qui sera plaidée lundi prochain.

« [M. Salvail] ajoute spontanément […] qu’il n’a pas agressé [M. Duguay], parce qu’il n’agresse pas les gens dans la vie. Il ne fait pas ça. Suivant cette affirmation, [M. Salvail] confirme l’inférence sur laquelle il appuie son témoignage, à savoir que puisqu’il n’agresse pas les gens dans la vie, il n’a donc pas pu agresser M. Duguay. »

Généralement, la Couronne n’a pas le droit de présenter une preuve de « conduite indigne » de l’accusé pour établir qu’il est plus susceptible d’avoir commis le crime reproché. Or, si l’accusé met en jeu sa « bonne réputation » pour laisser entendre qu’il n’a pas pu commettre le crime, la Couronne peut obtenir la permission de présenter une preuve pour réfuter cette prétention.

Autrement dit, la Couronne veut présenter ces trois témoignages, même s’ils ne concernent pas l’infraction reprochée, puisqu’ils sont « similaires » au récit du plaignant Donald Duguay. Leur valeur probante est d’ailleurs « forte », selon la poursuite. Ces nouveaux témoignages permettront ainsi de démonter la preuve de « bonne réputation » d’Éric Salvail, laquelle est un « point central » de sa défense.

« Traqué comme un animal »

Au procès, Donald Duguay a raconté avoir été « traqué comme un animal » par Éric Salvail dès le premier jour de leur rencontre à Radio-Canada, en 1993. L’accusé lui aurait ainsi fait une vingtaine d’attouchements cet été-là. Le plaignant soutient avoir « échappé au viol de presque rien » dans les toilettes du diffuseur public.

Selon Donald Duguay, Éric Salvail lui a demandé de toucher son sexe dans les toilettes du sous-sol, mais il a refusé. L’accusé l’a alors « embrassé partout » et s’est frotté contre lui. Il aurait ensuite essayé de toucher son pénis pour le lui « arracher ». « C’est la pire expérience que j’ai vécue », a-t-il témoigné.