(Québec) Les enfants sous la responsabilité des Directeurs de la protection de la jeunesse (DPJ) « n’ont pas accès rapidement aux services dont ils ont besoin pour que la situation qui compromet leur sécurité ou leur développement soit corrigée ».  

Dans son rapport 2019-2020, déposé mercredi à l’Assemblée nationale, la Vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, dénonce que « le délai moyen entre le signalement et le début de l’application de mesures pour corriger cette situation varie de 158 à 226 jours. »

« Si on prend en compte le fait que le nombre de signalements ne cesse d’augmenter, le délai d’attente risque de perdurer et même de s’aggraver, si rien n’est fait », prévient-elle.

Entre 2013-2014 et 2018-2019, le nombre de signalements reçus aux DPJ a augmenté de 27 %.

De plus, affirme Mme Leclerc, « le ministère de la Santé et des Services sociaux ne surveille pas les interventions des DPJ de manière à évaluer leur efficacité et à pouvoir intervenir en temps opportun ».  

Rappelons que Québec a créé en mai dernier une Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, présidée par Régine Laurent, suite au décès tragique d’une fillette à Granby. Un rapport et des recommandations seront soumis au gouvernement en novembre 2020.  

Gestion déficiente d’un chantier d’un milliard 

La Vérificatrice générale dénonce qu’un « chantier [de plus d’un milliard] visant à brancher 340  000 foyers à un service Internet performant a été lancé sans planification d’ensemble ». Résultat : le ministère de l’Économie et de l’Innovation (MEI) a consenti 206,6 millions d’août 2017 à septembre 2019 pour brancher « un peu moins du tiers des foyers mal ou non desservis » en connexion internet. L’échéance prévue pour brancher tous les foyers a finalement dû être repoussée.

« Une planification globale pour l’ensemble de la province est essentielle, car plus une région est éloignée, plus les travaux sont complexes et coûteux. C’est le cas par exemple du Nord-du-Québec. Il y a donc un risque que les promoteurs sélectionnent les travaux les plus simples et délaissent les plus complexes », note par ailleurs Guylaine Leclerc.

Mme Leclerc dénonce aussi un manque de « cohérence et d’efficience » du ministère de l’Économie et de l’Innovation où « on dénombre toujours un trop grand nombre de programmes et d’organismes d’aide qui se chevauchent, ce qui complexifie les démarches des entreprises ».  

Québec accorde chaque année plus de 3 milliards pour l’aide au développement économique.  

Croissance des subventions hors programmes 

La part des subventions hors programmes du MEI a également bondi entre 2014-2015 et 2017-2018, année pour laquelle elle a largement dépassé la part des subventions dans les programmes normés. Dominique Anglade, aujourd’hui aspirante cheffe du Parti libéral, était pour une partie de cette période ministre de l’Économie.  

« De 2016-2017 à 2018-2019, le MEI a accordé 262,7 millions de dollars en subventions hors programmes sur la base d’analyses incomplètes et d’une documentation insuffisante. Cela représente 65 % des dossiers vérifiés », dénonce aussi la Vérificatrice générale.  

Pour comprendre la différence, un programme normé « doit respecter des règles autorisées par le Conseil du trésor », notamment en matière d’objectifs et de critères d’admissibilité. Une subvention hors programmes n’est pas assujettie à de telles règles.  

« C’est pourquoi chacune doit être autorisée par le Conseil des ministres ou le Conseil du trésor sur recommandation du ministre de l’Économie et de l’Innovation. Pour assurer le traitement rigoureux, objectif et équitable de chaque demande d’aide […], nous nous attendions à ce que chaque dossier soit appuyé par une analyse complète et une justification adéquate », déplore la Vérificatrice générale.  

« Plusieurs documents à la base d’une analyse rigoureuse sont absents […]. Dans certains cas, les documents sont présents, mais ont été reçus par le MEI alors que sa recommandation avait déjà été faite ou que la subvention était déjà autorisée par le Conseil des ministres », complète-t-on dans le rapport.  

Les droits des personnes inaptes bafoués 

La Vérificatrice générale déplore aussi que « le curateur public ne prend pas les mesures nécessaires pour veiller au respect des droits et à la sauvegarde de l’autonomie des personnes qu’il représente. ”

Entre 2013-2014 et 2017-2018, le nombre de visites réalisées auprès des personnes inaptes a même diminué, et ce, malgré une légère hausse du nombre de personnes inaptes prises en charge par le Curateur public. »

« Les personnes inaptes ne sont pas toujours en mesure de se plaindre de mauvais services, ajoute Mme Leclerc. Plusieurs d’entre elles sont isolées, aucun proche ne peut se plaindre à leur place. »

Des écoles en mauvais état 

Malgré des investissements massifs déployés par Québec pour rénover et construire de nouvelles écoles, « la situation actuelle ne permet pas de répondre adéquatement aux besoins des élèves et du personnel dans plusieurs commissions scolaires », déplore la Vérificatrice générale.  

« Les sommes consenties par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) au maintien des bâtiments scolaires ont presque toujours été inférieures à 2 % de leur valeur de remplacement. Non seulement les sommes consenties pour le maintien des bâtiments scolaires sont insuffisantes, mais en outre elles ne sont pas toutes utilisées », écrit Guylaine Leclerc dans son rapport.

Les défis sont donc « importants », dit-elle, notamment en raison « du faible taux de réalisation des projets de construction, des indices de surchauffe dans le marché de la construction, de la baisse du nombre de soumissions reçues par appel d’offres [et] de la hausse des exigences pour la construction d’écoles primaires. »

En janvier 2019, poursuit-elle, « seulement 46 % des bâtiments scolaires étaient dans un état satisfaisant, alors que le MEES a fixé une cible de 85 % pour 2022 et une cible de 100 % pour 2030. » Le déficit de maintien d’actifs était en janvier de près de 4,5 milliards de dollars.