(La Sarre ) Après 42 ans comme député péquiste d’Abitibi-Ouest, François Gendron est retourné dans ses terres. Un an après son départ à la retraite, nous l’avons rencontré chez lui, à La Sarre. L’an I du gouvernement Legault, l’avenir du PQ, la difficulté de faire de la politique : le « doyen » n’a pas perdu son franc-parler.

Nous avons donné rendez-vous à celui que l’on appelait le « doyen » de l’Assemblée nationale au local qui lui a servi de bureau pendant 42 ans. Son chez-lui politique, où La Presse le rencontrait en avril 2018 avant son dernier tour de piste. M. Gendron a été élu pour la première fois lors de la première victoire du Parti québécois (PQ), en 1976. Aujourd’hui, quand il regarde François Legault gouverner, il pense parfois à son chef d’alors, René Lévesque.

« Il fait globalement bien ça. Il le fait un peu comme Lévesque. Il lit le peuple. Il sent le peuple. Il se trompe, il recule, puis il avance », analyse François Gendron, à qui le premier ministre a succédé comme doyen de l’Assemblée nationale.

« M. Legault, c’est un pragmatique. Il est très concret. Il a été 17 ans avec nous autres, et tout le monde disait que c’était l’un de nos meilleurs », poursuit-il, tout en critiquant certaines de ses politiques.

L’analyse de la défaite

« Je ne changerai pas ma façon de m’exprimer », précise François Gendron à plusieurs occasions pendant l’entrevue.

Quand il a raccroché ses patins, avant la dernière campagne électorale, il pouvait prédire la cuisante défaite de son parti. Il nous le raconte dans ses mots.

L’élection partielle, quand Geneviève Guilbault est rentrée dans Louis-Hébert, c’était écrit sur le front des électeurs.

François Gendron

« On me disait : “Ça, c’est ce qu’on va faire à la générale. On vous donne le signal tout de suite. On vire tout, on les essaie.’’ »

« Je répondais : “Oui, mais ils n’ont pas d’expérience !” »

« On s’en fout ! Vous n’en aviez pas non plus, en 1976 », lui répondait-on.

Les résultats électoraux ont confirmé son intuition. La Coalition avenir Québec était portée au pouvoir. « Un revirement aussi gros qu’en 1976 », dit François Gendron.

« Un gouvernement ne peut pas juste avoir le souci de balancer les colonnes comptables de l’État du Québec, enchaîne-t-il. C’était ça, le problème des libéraux. C’était de l’austérité toxique. Le monde a décidé une seule affaire : se débarrasser de ce gouvernement. Et il voulait s’assurer que ça se passe. »

Alors que le PQ doit se « refonder » les 9 et 10 novembre prochain, François Gendron prépare son bâton du pèlerin. Le temps est à la reconstruction. Il faut recommencer à expliquer le projet de souveraineté, dit-il. Comme en 1968, quand René Lévesque fondait le parti.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

François Gendron a été le premier récipiendaire de la Médaille régionale de l’Abitibi-Témiscamingue, en mai dernier.

« Y’a plus de rigueur ! »

S’il avait aujourd’hui 32 ans comme en 1976, François Gendron ne croit pas qu’il se lancerait en politique.

« Ti-cul Gendron, fils de cultivateur du Rang 7 à La Sarre » était (et est toujours) un homme de principes. Quelque chose qu’il voit moins de nos jours en politique.

« C’est clair que je vais dire ce que je pense, comme d’habitude », commence-t-il en tassant du revers de la main le doctorat honoris causa qu’il nous a exhibé pour illustrer le premier chapitre de sa retraite.

« Y’a plus de rigueur ! Il y a trop d’écrasement des convictions. J’ai adoré mes 30 premières années en politique, mais j’ai aimé un peu moins les 10 dernières. Pas à cause des nombreux chefs et des chicanes. C’est à cause du glissement des principes fondamentaux », explique M. Gendron, visiblement nostalgique de la rivalité entre « les rouges et les bleus ».

À quelques mois d’une course à la direction du PQ, le doyen n’attend pas un sauveur. Il se dit tout de même déçu que la députée de Joliette, Véronique Hivon, ne s’y présente pas.

« Tout le monde voyait la vigueur intellectuelle et la force de persuasion que cette dame a pour les grandes causes. Et ça va prendre quelqu’un de grandes causes, dit-il, parce qu’il faut remettre [à l’avant-scène] la plus grande : la souveraineté du Québec. »

Au début de sa retraite, François Gendron s’est cherché. « Le téléphone sonnait moins, je me demandais si j’étais devenu inutile », se rappelle-t-il. Mais ces jours-ci, il milite pour le Bloc québécois. Il reprend les patins qu’il avait pourtant raccrochés il y a quelques mois : il refait du porte-à-porte.