L'entraîneur de tennis n'est jamais loin des exploits de Bianca Andreescu, qui a fait tourner bien des têtes en remportant le tournoi d'Indian Wells. Le discours de motivation qu'il a livré à sa protégée lors de la finale est rapidement devenu viral. Sylvain Bruneau est notre personnalité de la semaine.

Au Québec, cette semaine, tout le monde a été frappé par la conviction, l'énergie et la justesse efficace des encouragements de l'entraîneur de tennis Sylvain Bruneau, celui qui n'est jamais loin des exploits de la jeune joueuse de tennis d'origine ontarienne Bianca Andreescu, maintenant installée à Montréal.

Alors que la motivation et le succès de son athlète étaient en péril, en finale contre une ancienne numéro un mondiale, l'Allemande Angelique Kerber, dimanche dernier, l'entraîneur lui a parlé - conversation filmée et devenue ensuite virale -, expliquant à la jeune femme souffrant de tous ses membres pourquoi elle ne devait pas abandonner et pourquoi, profondément, elle ne voulait pas abandonner.

Andreescu, qui n'a que 18 ans, est ensuite retournée sur le court pour remonter la pente et remporter la compétition. La dernière fois qu'une joueuse plus jeune avait gagné ce tournoi crucial à Indian Wells, dans le sud de la Californie, elle s'appelait Serena Williams et avait 17 ans. C'était en 1999.

« Je suis surpris, je dois l'admettre », affirme Bruneau, joint en entrevue téléphonique en Floride, où Andreescu a poursuivi sa semaine, dans un autre tournoi. Pas surpris de la performance de la joueuse, en qui il croit profondément. Surpris qu'on ait tant parlé de lui, de ce pep talk, sur les réseaux sociaux, aux nouvelles, qu'on ait tant réagi à ces quelques phrases où le coach encourage son athlète et lui dit tout simplement que la souffrance de l'effort surhumain qu'elle est en train de faire ne doit pas l'arrêter parce qu'elle est essentielle à ce qu'elle veut : gagner.

« Je ne me suis pas dit : "Wow ! Ça va tout changer" », raconte l'ancien joueur devenu entraîneur très jeune. « Je suis vraiment super content que ça ait marché. »

Peut-on tenir ce discours à soi-même ?

En gros, ce qu'explique Bruneau, c'est que lorsqu'on se lance dans une quête de surpassement, que l'on soit une athlète professionnelle ou que l'on soit une coureuse ou une cycliste du dimanche, on fait le choix d'essayer d'aller plus loin parce qu'on le veut. « On recherche ça, se tester, se surpasser. » Et il faut être conséquent avec ce choix.

Il faut que la voix intérieure qui nous implore de relâcher les efforts au milieu d'une épreuve parce que c'est trop douloureux forme une alliance avec la partie de soi qui veut gagner. Cette conversation intérieure que tous ceux qui font du sport reconnaîtront, il faut qu'elle devienne une alliance, un pacte avec soi et non pas une querelle. « On pense à tous les efforts investis, à tout ce qu'on a mis en place, on se rappelle tout ce qu'on a fait et on se dit : "Allez, on y va." »

Et la voix qui veut arrêter doit comprendre l'autre et laisser le chemin ouvert au dépassement.

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Sylvain Bruneau ne se souvient pas à quel moment il a compris que parmi tous les sports qu'il aimait pratiquer, à Repentigny, où il a grandi, le tennis était vraiment le premier. Mais il s'est imposé comme ça. Aller frapper des balles est rapidement devenu une passion. « J'adorais ça. »

L'été, surtout, parce que dans son secteur, il n'y avait pas de courts intérieurs.

Et puis, quand il avait 14 ans, on en a construit un. C'est là que la compétition a commencé. Du tennis, il en aurait fait tout le temps, même si ses parents auraient préféré qu'il investisse autant de temps et d'énergie dans sa réussite scolaire.

Ces parents qui ne jouaient pas au tennis, un père électricien, une mère directrice de pastorale investie auprès de personnes âgées en difficulté, tenaient à ce que leur fils ait une bonne éducation.

Sylvain Bruneau s'est donc rendu jusqu'à l'université, à McGill en éducation physique. C'est là qu'il était quand les responsables du tennis à Repentigny l'ont appelé pour qu'il s'occupe de leur programme d'élite. Cela signifiait l'abandon de ses études. La décision a été difficile à prendre. Contre l'avis de ses parents, il a choisi le tennis.

De là, les expériences se sont succédé et il a grimpé les échelons. Il dirige maintenant le tennis féminin à Tennis Canada. Au fil des années, l'entraîneur a travaillé avec beaucoup de jeunes prometteurs, de Sébastien Lareau à Eugenie Bouchard. C'est son patron, Louis Borfiga, vice-président au développement de l'élite chez Tennis Canada, qui lui a demandé de s'occuper personnellement d'Andreescu, estimant qu'elle avait un potentiel particulièrement intéressant.

Au gré de toutes ces étapes, Sylvain Bruneau a fait des choix. En 2005, il a quitté Tennis Canada pour aller à Tennis Québec, où on lui offrait un emploi qui permettait une meilleure conciliation travail-famille. L'homme qui a aujourd'hui 53 ans venait d'avoir sa première fille et ne voulait plus voyager autant que l'exigeait son ancien poste à Tennis Canada.

Rapidement, Tennis Canada est revenu le chercher en lui promettant d'adapter ses horaires. « Il faut de l'équilibre, dit-il. Ça fait des employés plus performants. Je suis content que mon employeur ait eu une oreille attentive à ça. »

Bruneau observe ceux qui travaillent dans le monde du tennis sur la scène internationale et constate qu'il y a souvent des gens qui n'ont pas de place pour autre chose dans leur vie. « Je le vois que les athlètes ne sont pas toujours heureuses. »

Et lui, ce qu'il veut, c'est qu'elles gagnent. Mais qu'elles soient heureuses aussi.

Sylvain Bruneau en quelques choix

Un livre 

Le guerrier pacifique de Dan Millman. « [Ce livre] a eu beaucoup d'impact sur moi, il m'a beaucoup interpellé. » Deuxième choix : L'alchimiste de Paulo Coelho.

Un film

« J'adore le cinéma et Bianca aussi. Et je suis facile à divertir », dit-il. En voyage, ils vont souvent se changer les idées au cinéma, en voyant des films d'action. Bruneau adore les films de superhéros qui travaillent en équipe. Sinon, l'entraîneur aime les films d'auteur comme Mulholland Drive de David Lynch ou Crash de David Cronenberg.

Un personnage contemporain

« Difficile de choisir entre Martin Luther King, Nelson Mandela et Barack Obama. Ils sont tous inspirants, rassembleurs, avec une belle énergie calme. »

Un personnage historique

« Christophe Colomb. J'aime l'idée du marin qui part découvrir. »

Une phrase

« Donne, reçois, partage et ton rêve se réalisera. » Une phrase de Louis Borfiga, vice-président au développement de l'élite chez Tennis Canada, peinte sur un des murs du centre d'entraînement au parc Jarry.

Une cause

« J'ai plein de causes, je crois en plein de trucs, même si je n'ai jamais manifesté. Une de celles qui me tiennent le plus à coeur, c'est l'importance de l'éducation physique pour les jeunes. Je manifesterais pour en demander plus à l'école. Plus de sport. Les jeunes ont besoin de plus bouger. Ça influence tout. Sinon, ça serait pour un meilleur contrôle des armes. Il y a aussi l'environnement... »