En entrevue exclusive avec La Presse, celui qui est littéralement pourchassé par les médias pour s'expliquer sur les raisons de son départ a dit que c'est au début de septembre qu'il avait pris la décision de quitter l'UPAC, au beau milieu de son deuxième mandat.

« En 2016, j'ai décidé de renouveler et je me sentais capable de faire un autre mandat de cinq ans. Mais là, de plus en plus, la fatigue m'atteignait. J'aurai 65 ans dans trois semaines, j'ai 45 ans de carrière, et l'été passé, j'ai pensé à mon affaire. Je suis parti en vacances durant trois semaines et je me suis reposé. Lorsque je suis revenu au bureau, je n'étais plus dedans, j'étais fatigué. Au début de juillet, j'ai dit à un proche que j'allais me payer un cadeau pour mes 65 ans, prendre ma retraite », a-t-il dit avec émotion.

Durant l'entrevue, M. Lafrenière a égrené ses longues années de service, marquées souvent par des moments de stress intense. Il a aussi convenu que les critiques l'avaient miné.

« À l'UPAC, il y a de la pression, les résultats doivent venir rapidement. Il y a un stress quotidien. J'ai toujours dit que la journée où je ne pourrais pas donner mon 100 %, j'allais quitter l'unité. C'est sûr que les critiques nous affectent, mais c'est une accumulation. On ne quitte pas un tel emploi sur un seul élément. Je suis fatigué, je suis très fatigué. »

« Les policiers meurent souvent à 68, 69, 70 ans. J'ai 65 ans. Est-ce que je peux m'amuser ? Je suis un maniaque de ski et de vélo de montagne. Est-ce que je peux en faire sans penser aux dossiers ? Mon frère est mort il y a trois ans, six mois après avoir pris sa retraite. J'ai eu un cancer qui a laissé des séquelles et qui pourrait revenir. »

« Le Superman que l'on a décrit n'est pas un Superman. Il est un être humain, un père et un grand-père. »

PAS UN COUP D'ÉCLAT

Quant à la date de l'annonce de la décision, le matin même des élections du premier octobre dernier, Robert Lafrenière affirme qu'il ne faut pas chercher un coup d'éclat là où il n'y en a pas.

« Si j'avais fait mon annonce durant la campagne, on aurait dit : "Lafrenière veut attirer l'attention." Si je l'avais fait après, on aurait dit : "Ah, bien sûr, il s'en va, car il était l'homme des libéraux." Je n'ai jamais été associé au Parti libéral. Je n'ai jamais senti de pression politique. »

« Je me suis dit en démissionnant le jour des élections que je ne portais ombrage à personne. Rappelez-vous comme les sondages étaient serrés. Je me suis dit qu'on ne pourrait pas faire d'amalgame et affirmer que c'était le résultat de l'élection qui m'avait influencé. »

« Je donnais un mois au gouvernement, la relève était en place et je partais pour deux semaines de vacances le lendemain. Je croyais que c'était la façon la plus adéquate et la plus respectueuse de le faire », dit-il.

Robert Lafrenière nie aussi que la décision du DPCP de casser les mandats contre le député Guy Ouellette dans l'enquête interne de l'UPAC sur les fuites de l'enquête Mâchurer sur le financement du Parti libéral du Québec ait influé sur sa décision.

« Ma décision était prise à la fin de l'été. Il n'y a pas eu de dernier clou dans le cercueil ici. Je voulais régler ça avant de partir pour l'Europe, c'est tout », assure M. Lafrenière, qui dit ne pas savoir pourquoi les mandats ont été cassés et répète que tout au long de l'enquête interne sur les fuites, les enquêteurs ont été accompagnés par un procureur et les mandats avaient été signés par des juges de la Cour du Québec. 

Au sujet de sa relation avec Guy Ouellette, Robert Lafrenière nie qu'il y ait un conflit entre les deux hommes. 

« C'est quelqu'un que j'ai connu comme policier. On ne s'est jamais engueulés. Il n'a jamais été un ami qui venait souper chez nous, mais c'est une bonne connaissance. »

« On est allés une fois à un spectacle de U2 en 2011. Il avait eu des billets, il me les a offerts et je les ai achetés. Je ne peux pas parler de l'enquête [qui l'a visé], mais quand on a une enquête à faire, on a une enquête. »

« Est-ce qu'il vous offrirait encore des billets de U2 aujourd'hui ? a demandé La Presse.

- Disons que je suis saturé de U2 », a répondu Robert Lafrenière, en esquivant la question. 

Le premier commissaire de l'histoire de l'UPAC affirme qu'il part sans recevoir d'indemnité de départ ni d'allocation.

 « J'y aurais eu droit si j'avais fait tout mon mandat, mais la santé, ça n'a pas de prix. J'ai quand même une bonne rente, avec toutes les années que j'ai passées au gouvernement. Je n'ai rien demandé. J'ai combattu des gens qui pensent comme ça, je ne pouvais pas faire ça », explique-t-il. 

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