Dans le cadre d'une collaboration spéciale avec Singa-Québec, organisme voué à l'intégration des immigrés, La Presse a invité des réfugiés à apprendre les rudiments du métier avec des journalistes de la salle de rédaction et à publier dans ses pages sur des sujets de leur choix. 

Les achats en ligne ont changé la réalité de nombreux commerçants ayant pignon sur rue. Et pas seulement de la façon qu'on croit. 

Certains clients ne se gênent plus pour dire ouvertement aux vendeurs qu'ils viennent en magasin pour essayer des vêtements qu'ils prévoient acheter en ligne. C'est le cas chez Schreter, qui vend des vêtements et des chaussures sur le boulevard Saint-Laurent à Montréal depuis 1928. 

Certains clients veulent réduire les risques liés à l'achat de la marchandise en ligne et se présentent donc dans un magasin pour l'essayer avant de conclure la transaction. D'autres trouvent que cette technique est plus efficace que d'acheter un vêtement dans trois tailles et de retourner les deux qui ne conviennent pas.

L'absence de tailles normalisées n'est évidemment pas étrangère au problème. Un même vêtement peut être considéré comme de taille moyenne dans une marque, petite dans une autre et grande dans une troisième. 

Certaines personnes utilisent le magasin comme si elle n'était qu'une salle d'exposition. Elles essaient différents articles, puis se retournent vers le propriétaire pour lui dire : « Vous savez quoi ? Je vais simplement vérifier en ligne et voir où je peux obtenir le prix le moins cher. » 

D'autres profitent de la politique de retour des achats. Steve Schreter dit recevoir des appels de clients qui lui disent : « Est-ce que ça vous dérange si je viens chez vous échanger un article que j'ai acheté sur une autre boutique en ligne ? » Il n'en revient pas de voir que certaines personnes lui posent une telle question.

Petit ou gros ? Mystère...

Schreter, qui a aussi une boutique en ligne, ne voit pas que des inconvénients aux nouvelles technologies. Le web lui permet, malgré la petite taille de son commerce, d'avoir accès aux consommateurs du monde entier. « Nous avons réalisé que si le site web est bien conçu, les gens ne peuvent pas savoir s'il y a une personne ou 100 personnes derrière. » Avec les nouvelles technologies, il dit avoir la capacité de faire un site acceptable sans que ça lui coûte une fortune. D'ailleurs, Steve Schreter fait tout lui-même, en utilisant un logiciel gratuit.

De plus, le web permet à l'entreprise familiale d'atteindre plus de clients sans devoir ouvrir d'autres magasins, fait valoir Steve Schreter, qui dirige l'entreprise avec son fils, la quatrième génération à exploiter le commerce.

Au cours d'un entretien avec La Presse, le détaillant nous a dit que, en raison de la vente de vêtements et chaussures de marques renommées, comme Adidas et Timberland, il subit la concurrence de grands détaillants comme Amazon, ou des marques elles-mêmes. Il préfère donc ne pas dépenser des masses d'argent sur la publicité en ligne. 

« Plutôt que de dépenser de l'argent pour les concurrencer et n'aller nulle part, je préfère ne pas dépenser d'argent et être dans le statu quo. » C'est pourquoi il préfère miser sur un service à la clientèle supérieur à celui que la plupart des entreprises en ligne peuvent offrir. « Toutes les achats de plus de 100$ sont livrés gratuitement, et nous nous chargeons nous-même de faire la livraison à Montréal. »

Ça va de soi mise sur son unicité

Chez Ça va de soi, détaillant québécois de chandails haut de gamme en tricot, les comportements des clients ne sont pas les mêmes que chez Schreter. Pour la simple raison que ses produits sont uniques et ne se vendent nulle part ailleurs.

La vice-présidente du marketing, Kinza Nasri, estime que 70 % de ses clients qui entrent dans le magasin font un achat. Le 30 % restant dépend de la capacité de la boutique à offrir une variété de produits et de la qualité de son service à la clientèle.

« Avoir un produit spécial présenté dans notre concept spécial nous rend uniques », rappelle Kinza Nasri. Mais vendre en ligne est complètement différent, l'unicité ne suffit pas. Il faut quand même comprendre ce que le client cherche, lui proposer de la marchandise de grande qualité et s'assurer qu'il soit facile pour le client de compléter son achat.

Kinza voit la vente au détail en ligne comme une occasion d'affaires. D'ailleurs, Ça va de soi a lancé un nouveau site web le mois dernier. « Vendre en ligne aujourd'hui est aussi important que vendre au magasin. C'est très important pour compléter l'interaction humaine. »

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La vision d'Aldo sur le commerce en ligne

La vente en ligne a beaucoup changé le modèle d'affaires d'Aldo, explique sa vice-présidente e-Commerce, Jennifer Maks.

Q. Quels sont les principaux objectifs de votre site web ?

R. « Nous savons que nos clients utilisent notre site web pour en savoir plus sur notre marque et nos produits avant de se rendre en magasin. Le site web sert à des fins multiples et la vente en ligne est l'une d'entre elles, mais il sert également d'outil de préachat. »

Q. Comment définissez-vous la concurrence actuelle ?

R. « Aldo est unique. Et avoir notre propre marque renforce la valeur de nos produits et ce qu'on offre aux consommateurs, peu importe la concurrence. Être unique est une différence clé pour nous. Nous voulons nous assurer que nous répondons aux attentes de nos clients. »

Q. Quels sont les principaux défis pour vos magasins ?

« Nous avons l'occasion de réellement construire une connexion émotionnelle avec nos clients afin qu'ils aient des moments privilégiés avec notre marque et nos associés. C'est le grand défi, ce qui le rend unique, et puis, il faut s'assurer de livrer quelque chose de différent au client. »

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BAHJAT JOUBI

Âge: 29 ans

Origine: Syrie

Arrivée en 2016

Âgé de 29 ans, Bahjat Joubi est diplômé en administration des Universités d'Alep (Syrie) et de Leeds (Angleterre). Il a déjà possédé son propre hôtel dans sa ville natale d'Alep. À partir de 2012, il a travaillé au Liban dans le domaine de la logistique et la chaîne d'approvisionnement, jusqu'à son départ pour le Canada en 2016. Il vit aujourd'hui à Montréal et travaille pour une entreprise de vente de vêtements au détail.