Régis Labeaume s'inquiète de la répétition de «gestes haineux» envers des membres de la communauté musulmane de Québec, après l'incendie criminel qui a ravagé la voiture du président du Centre culturel islamique de Québec, Mohamed Labidi.

L'acte considéré comme haineux par le maire a été dénoncé par presque toute la classe politique, à l'exception de quelques-uns. Le syndicaliste Bernard Gauthier, porte-parole du parti Citoyens au pouvoir, a écrit sur Facebook que M. Labidi avait peut-être lui-même mis le feu à sa voiture, position partagée par le groupe d'extrême droite PEGIDA Québec.

La voiture de M. Labidi a pris feu à 1h30 le 6 août dernier. Deux jours plus tôt, le président du Centre culturel islamique participait à une conférence de presse avec Régis Labeaume. Le maire de Québec avait alors annoncé son intention de vendre un terrain à la communauté musulmane pour l'aménagement d'un cimetière.

C'est la séquence des événements qui fait croire au maire de Québec qu'il s'agit d'un geste haineux. «Ce serait un curieux hasard qu'il n'y ait pas de lien», fait valoir le maire, même si le Service de police de la ville de Québec (SPVQ) ne confirme pas encore que le ou les responsables étaient motivés par la haine.

«Est-ce qu'il s'agit d'un acte haineux? Il faut faire attention. C'est une hypothèse qui est envisagée. Toutes les hypothèses sont envisagées», affirme le lieutenant Jean-François Vézina, du SPVQ. 

«On traite l'événement avec sérieux».

M. Vézina confirme toutefois que le feu n'a pas été accidentel. Aucun message n'a été laissé sur les lieux du crime et aucun groupe n'a revendiqué le geste, dit-il.

«Beaucoup d'inquiétude»

Au lendemain de l'incident, la police, le maire et le Centre culturel islamique de Québec (CCIQ) avaient convenu de taire l'affaire, pour permettre à l'enquête de progresser. C'est finalement le CCIQ qui a choisi de briser le silence, hier, soit trois semaines après les faits.

«Il y a dans la communauté beaucoup, beaucoup d'inquiétude. Je crois qu'ils ont senti que pour agir de façon responsable, [les gens à la tête du CCIQ] ne pouvaient plus garder le secret pour eux», explique Régis Labeaume.

«Ça s'additionne. Ça ne peut pas devenir un pattern. Ça nous préoccupe beaucoup», affirme le maire. 

«Le 29 janvier, c'était un geste isolé. Là, on a un autre geste isolé. À vue de nez comme ça, c'est extrêmement préoccupant. Il y a addition de gestes haineux.»

Le 29 janvier dernier, un attentat à la Grande Mosquée de Québec avait fait six victimes. En juin 2016, une tête de porc avait été déposée en plein ramadan à l'entrée du CCIQ. Plus récemment, «quelques jours» après l'incendie de la voiture de M. Labidi, des excréments avaient été jetés à la porte de la Grande Mosquée de Québec, a révélé le CCIQ hier.

«Nous exhortons le public et les politiciens du Québec et du Canada à porter une attention particulière à la montée de l'extrême droite dans la Ville de Québec», écrit le Centre culturel islamique dans un communiqué.

«Nous devons faire vite pour que ces extrémismes n'aient aucun espace, ni pour semer la terreur dans notre société, ni pour tuer quiconque, peut-on lire. La société québécoise et canadienne ne mérite pas cette haine.»

Une «spirale d'intolérance»

La classe politique s'est empressée de dénoncer le geste. Sur Twitter, le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, a écrit : «Un geste d'une violence inacceptable ! Soyons unis dans la dénonciation.» Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a dénoncé « ce geste répugnant».

Pour Manon Massé, co-porte-parole de Québec solidaire, le Québec assiste à une «spirale d'intolérance, de haine», et «c'est épeurant».

«On va attendre les résultats de l'enquête, mais c'est une couche supplémentaire», a déclaré le ministre libéral Martin Coiteux. «Un crime, c'est inacceptable, mais un crime haineux, c'est encore plus inacceptable.»

tirée de la page Facebook du centre culturel islamique de Québec

La voiture de Mohamed Labidi a été incendiée à 1h30, le 6 août.

Le syndicaliste Bernard Gauthier, qui compte se lancer en politique aux prochaines élections provinciales, a quant à lui laissé entendre que M. Labidi aurait pu lui-même incendier sa voiture.

Dans un statut sur Facebook, il a dénoncé une journaliste qui parlait d'attentat. «Ça s'trouve c'est peut-être lui qui l'a, ou fait flambée!! Méchant québécois "RACISTE". N'importe quoi au nom du sensationnalisme!», a-t-il écrit sur sa page.

En entrevue avec La Presse, le porte-parole du parti Citoyens au pouvoir a maintenu que sa publication «dit ce que ça dit». «Moi, j'appelle ça du vandalisme. Pourquoi aussitôt que ça touche un musulman, on parle de terrorisme?», a demandé celui qui doit briguer les suffrages dans Duplessis en 2018. «C'est encore du sensationnalisme».

Insinue-t-il que M. Labidi aurait lui-même incendié son véhicule? Non plus, dit-il.

«Qui dit vrai? Je dis que c'est trop rapide pour faire des interprétations», a poursuivi Bernard Gauthier, ajoutant que selon lui, de telles «prétentions rajoutent de l'huile sur le feu».

Parmi les groupes d'extrême droite, la théorie de la mise en scène a vite commencé à circuler hier. «Sûrement un des leur qui a fait se méfait. Pour passez pour des pauvres petites victimes», a écrit par exemple le groupe PEGIDA Québec.

PC

Bernard Gauthier