La Régie des alcools a refusé vendredi une demande de la police qui réclamait la fermeture d'urgence du bar Muzique, sur le boulevard Saint-Laurent, de crainte d'une riposte imminente à un attentat survenu dans la nuit de dimanche à lundi contre un membre de gang qui sortait de l'établissement.

Le bar s'est toutefois engagé volontairement à prendre une pause de deux semaines dans ses activités et à cesser temporairement de faire jouer de la musique de style gangsta rap, le temps que les esprits se calment.

Pendant toute la journée et jusqu'à 23 h vendredi soir, les régisseurs ont soupesé les témoignages de policiers dans le cadre d'une audience extraordinaire. « Le danger est imminent », a martelé le procureur du contentieux de la Régie, Me Stéphane Cossette.

Un enquêteur du SPVM, Frédéric Dubé, a souligné qu'il existait un risque de riposte à l'attentat commis en pleine rue. « La principale raison de notre demande, c'est la protection de la vie humaine. Je n'ai pas envie qu'une balle perdue [atteigne] un citoyen et qu'on ait à constater le décès d'une innocente victime », a-t-il expliqué.

La victime de la tentative de meurtre de cette semaine, Michael Duchard, 30 ans, est reliée aux gangs de la famille des « Rouges ».

Il sortait du bar et venait de s'engouffrer dans un taxi avec deux femmes et un homme lorsqu'un tireur a ouvert le feu. Duchard a été atteint par balles à la mâchoire, au bras et au thorax, mais il a survécu.

« C'est un miracle qu'il n'y ait pas eu de victimes collatérales, par une balle perdue ou un ricochet », a indiqué l'enquêteur Dubé.

Jeudi, la police a arrêté un suspect dans cette affaire, lui aussi relié aux gangs de la famille des « Rouges ». La piste suivie est celle d'un conflit interne au sein de cette alliance de gangs.

BOMBE À RETARDEMENT

Le Muzique n'ouvre que du vendredi au dimanche. Il n'avait donc pas accueilli de clients depuis l'attentat. Comme l'endroit est connu pour être très fréquenté par plusieurs groupes criminels, les policiers croient qu'une étincelle risque maintenant de mettre le feu aux poudres. L'enquêteur Dubé a même déclaré que le SPVM déclinerait toute responsabilité si on permettait au bar d'ouvrir et qu'un événement violent s'y déroulait ce week-end.

Luc Chamberland, un résidant voisin du bar, est venu réclamer la fermeture de l'endroit. C'est la 11e fois qu'il témoignait devant la Régie pour ce motif. « Nous sommes dans la ligne de tir quand ça tire dans la rue. Il y a tellement de règlements de comptes, et ma fille est témoin de ça. Les deux tiers des résidants de l'édifice sont des jeunes familles. Beaucoup sont terrorisés à l'idée de venir témoigner. À côté, il y a un CPE et les parents arrivent sur une scène de crime le matin », a-t-il lancé avec émotion.

Mais l'avocat des tenanciers, Me Sébastien Sénéchal, a refusé qu'on fasse retomber sur les clients la responsabilité des actes de certains autres.

« S'il y a présence de gangs de rue, que les policiers les ramassent ! C'est une vraie farce, ce qui se passe ici. Je ne suis pas content de ce qui s'est passé, mes clients non plus, mais ce n'est pas la faute du bar ! » 

Les régisseurs ont donc refusé d'imposer la fermeture de l'établissement, mais pris acte de la proposition de prendre une pause de deux semaines. Le dossier reviendra devant la Régie en août, qui devra statuer sur l'avenir du permis d'alcool de l'établissement.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Jeudi, à Laval, la police a arrêté un suspect de la tentative de meurtre, lui aussi relié aux gangs de la famille des « Rouges ».

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

La victime de la tentative de meurtre de cette semaine, Michael Duchard, 30 ans, est reliée aux gangs de la famille des « Rouges ».