Le front commun des secteurs public et parapublic avait prévenu qu'avant de commencer son mouvement de journées de grève, il tiendrait des «activités de perturbations socioéconomiques». Et c'est ce qu'il a fait au centre-ville de Montréal à compter de 8h30 mercredi matin.

Quelques centaines de syndiqués ont occupé le rez-de-chaussée de la tour KPMG, au centre-ville de Montréal, et ils s'y sont fait bruyamment entendre à coups de sifflets, de trompettes et autres sirènes. Certains manifestants ont pu monter aux étages, mais la majorité est restée au rez-de-chaussée de l'édifice ou à l'extérieur.

Au lieu de cibler les bureaux des ministres, du premier ministre ou des députés, comme ils le font habituellement, les manifestants ont visé le milieu financier et plus particulièrement la firme KPMG, en faisant un lien avec les paradis fiscaux et l'évitement fiscal qui privent les gouvernements de revenus, donc d'une plus grande capacité financière pour mieux payer les employés de l'État.

«On veut manifester notre colère de plusieurs façons, dont celle-ci, et remettre sur le programme politique que là où on investit de l'argent, là où on va le chercher ou pas, ça découle d'une volonté politique. Et les pratiques du gouvernement Couillard ne laissent aucun doute quant à sa volonté politique: il va bien davantage du côté de ses amis, comme KPMG», a critiqué Dominique Daigneault, présidente du Conseil central du Montréal métropolitain de la CSN, au cours d'une entrevue.

Les manifestants sur le trottoir ont plusieurs fois pu entendre des klaxons approbateurs, provenant de compagnies de lavage de vitres, d'ouvriers de la construction, de conducteurs non identifiés qui voyaient la banderole «Refusons l'austérité Refusons les paradis fiscaux» et qui les saluaient ou klaxonnaient.

Les policiers sont arrivés à la tour KPMG, mais n'ont pas eu à intervenir.

Un caméraman de Radio-Canada qui filmait la manifestation s'est fait dire de sortir de l'édifice par le service de sécurité qui n'appréciait pas le fait que la scène soit filmée.

Une gestionnaire de l'édifice a finalement lu un avis d'éviction au porte-voix et les manifestants ont accepté de quitter les lieux.

Ils se sont ensuite dirigés vers un second édifice abritant des bureaux de la firme KPMG au centre-ville de Montréal.

Et cette fois, le ton a monté et des insultes ont été échangées avec des locataires de l'édifice. La police est aussi arrivée en plus grand nombre.

On a d'ailleurs pu assister à des scènes cocasses, puisque des hommes qui manifestaient portaient un pantalon de camouflage coloré, comme des policiers de Montréal venus surveiller le déroulement de la manifestation. Et sur des voitures de police, on pouvait voir un autocollant «libre négo», alors que les manifestants dénonçaient la lenteur de leur propre négociation.

Au second édifice visité, un homme qui semblait être un cadre ou un gestionnaire a eu des échanges acerbes avec des manifestants. Des policiers ont dû l'escorter vers l'ascenseur pour qu'il quitte les lieux sans que la situation ne s'envenime davantage. «Es-tu fier de toi quand tu te regardes dans le miroir?» «Qu'est-ce que tu fais de tes journées, toi?» se lançaient-ils de part et d'autre.

Une manifestante placée tout près d'un policier est tombée par terre, poussée malencontreusement lorsqu'il a voulu reculer. Il l'a aidée à se relever.

«Ça va être deux semaines de perturbations économiques à travers le Québec. Donc il y en a à peu près dans toutes les grandes villes du Québec. Pour Montréal, on a un agenda pour les deux prochaines semaines qui nous amène jusqu'au déclenchement des votes de grèves tournantes», a prévenu Patrick Rondeau, conseiller régional à la FTQ.

Les manifestants se dirigeaient ensuite vers des banques, laissant dans le second édifice des tracts qu'ils ont lancés dans les airs.

Le front commun représente quelque 400 000 employés de l'État. Il a obtenu de ses syndicats membres un mandat de six journées de grève tournante, sur une base régionale et nationale.

La première journée de grève aura lieu dans la semaine du 26 octobre, à raison d'une journée par région.

Si les progrès aux tables de négociation ne sont pas jugés suffisants, la grève se poursuivra dès le 9 novembre, mais à compter de deux journées pour chaque région du Québec.

S'il n'y a toujours pas de progrès, il y aura une grève nationale les 1er, 2 et 3 décembre.

Johanne Gagnon, représentante de la CSQ, croit qu'il sera difficile d'éviter cette grève. «Présentement non, parce que le gouvernement est fermé; il ne veut rien changer», a-t-elle opiné.

Le gouvernement offre aux employés de l'État deux années de gel, suivies de trois années avec des augmentations de 1 pour cent. Il veut aussi faire passer de 60 à 62 ans l'âge auquel il sera possible de prendre sa retraite sans pénalité.

Le front commun réclame des augmentations de 4,5 pour cent par année pendant trois ans.