La partition, la Loi sur la clarté, «la police de la langue». Ces mots-là, disparus depuis quelques années, ont repris du service au cours des derniers mois, ce qui illustre le retour du contentieux entre les deux solitudes. Ça va, les anglos? Non, ça ne va pas.

«La question, ce n'est pas de savoir si la nomination de Jean-François Lisée était la bonne. La question, c'est de savoir si vous achèteriez une voiture d'occasion de cet homme-là.»

Ce soir de mars, dans Notre-Dame-de-Grâce, l'avocate Anne-France Goldwater était déchaînée et semblait déterminée à transformer en poupée vaudou le ministre péquiste, assis à ses côtés, qui participait alors à une énième soirée d'échange avec la communauté anglophone.

«Ici, c'est chez vous»

Sur un ton posé, Terry Mosher, caricaturiste à The Gazette, a volé au secours de Lisée. «Il est ici, il vient à notre rencontre, il y a un dialogue et c'est bien. Assez de tout cela. Baissez le ton.»

«Le Québec et Montréal sont des endroits formidables et je ne voudrais pas vivre ailleurs», a-t-il ajouté. Les interventions d'Anne-France Goldwater ont été saluées par l'auditoire autant que les rappels à l'ordre de Terry Mosher.

Le topo de Jean-François Lisée, ce soir-là? «Arrêtez de demander la permission d'être québécois. Ici, c'est chez vous.»

Pas aux yeux du producteur Kevin Tierney. Un comité québécois sur le cinéma a récemment été mis sur pied, a-t-il indiqué pour appuyer son propos. «Sa composition: 85% d'hommes, 95% de Blancs, 98% de «de souche».Nous n'existons pas au sein de ce comité... et nous n'existons pas non plus pour le Canada anglais», a tranché Tierney.

Dans le fond, a ensuite dit Jean-François Lisée, «les Premières Nations, les anglophones, les francophones, nous avons tous une même angoisse: celle de disparaître».

Déjà, en avril 2012, le chroniqueur Don Macpherson de The Gazette qualifiait les anglos de «parias». «Ils ne veulent plus qu'une chose de nous: nous voir partir, que ce soit par l'émigration ou l'assimilation.»

Au cours des derniers mois, dans The Gazette, plein «d'ex» sont réapparus dans les pages d'opinion - d'ex-leaders du Parti égalité, d'ex-dirigeants d'Alliance Québec, qui ont notamment fait des analyses sur les lendemains d'un éventuel référendum.

Tout cela alors que le dernier sondage sur la question en février, dans La Presse, a donné le Non gagnant à 66%.

Alliance Québec et le Parti égalité sont certes au point mort, mais si des lois plus musclées étaient promulguées, de tels organismes pourraient sans doute refaire rapidement le plein de militants parmi les mécontents, avance Mike Finnerty, animateur de Daybreak à CBC.

M. Finnerty, dont l'émission comprend une tribune téléphonique, est bien placé pour prendre le pouls de sa communauté. Oui, l'élection du Parti québécois a mal passé et le projet de loi 14 n'a certes pas aidé.

«En général, les gens avaient fini par accepter la loi 101. Mais de se faire menacer de nouvelles restrictions alors qu'ils estiment avoir fait un grand bout de chemin, ça les a vexés.»

«Jean-François Lisée fait de grands efforts de rapprochement, enchaîne M. Finnerty, mais on a l'impression, parfois, que certains péquistes n'aiment pas le fait anglophone au Québec.»