Précision : dans des textes publiés dans nos numéros des 7 et 8 décembre derniers concernant les relations entre Jean-Claude Cyr, président de la Société d'habitation et de développement de Montréal et le promoteur immobilier Georges Dayan nous avons pu laisser entendre que ce dernier faisait l'objet d'une enquête policière, qu'il est impliqué dans une manoeuvre de blanchiment d'argent et qu'il est lié au monde criminel. Or, à la demande des procureurs de M. Georges Dayan, nous précisons qu'à notre connaissance, cela n'est pas le cas.

Le président du conseil de la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM) a approuvé un engagement de 40 millions de dollars du bras immobilier de la Ville dans un projet où il s'était personnellement impliqué comme consultant pour un promoteur privé.

La Presse a appris que Jean-Claude Cyr, qui est à la tête du conseil d'administration de la SHDM depuis 2008, a déjà travaillé pour Groupe Dayan, entreprise du promoteur Georges Dayan.

Ce mandat n'est pas mentionné dans le rapport annuel de la SHDM. M. Cyr l'avait aussi passé sous silence au cours d'un entretien sur ses liens avec Georges Dayan dans le cadre de ce reportage.

Mais La Presse lui a ensuite présenté une courte note dans le rapport annuel 2008-2009 du Musée canadien des civilisations, où il a été administrateur. «Depuis 2003, [Jean-Claude Cyr] agit comme consultant auprès de diverses firmes, dont [...] le Groupe Dayan», y lit-on.

Par l'entremise de sa porte-parole, M. Cyr a alors admis avoir agi à titre de consultant en 2005 et 2006 pour des projets immobiliers de Dayan et avoir «travaillé brièvement au plan de remise en valeur de tout le quartier Chabanel».

Or, c'est justement pour la revitalisation de ce quartier moribond d'Ahuntsic que Georges Dayan reçoit maintenant l'aide de la SHDM.

Son projet est ambitieux et suscite beaucoup d'enthousiasme. À sa soirée de lancement, en avril, Georges Dayan était entouré de la ministre Christine St-Pierre, du maire d'Ahuntsic, Pierre Gagnier, et de l'ancien président de la Caisse de dépôt Jean-Claude Scraire.

Des liens malgré le fiasco

C'est à la fin de 2005 que Dayan a acheté sept grands immeubles du quartier Chabanel en partenariat avec PSP, l'organisme qui investit dans les caisses de retraite du secteur public fédéral. À cette époque, il employait déjà Jean-Claude Cyr comme consultant.

Les deux hommes se connaissaient bien. Ils avaient fait affaire ensemble dans les années 90 lorsque Jean-Claude Cyr était à la direction de la Caisse de dépôt. Dayan avait transformé en hôtel de luxe le vieil édifice de la Banque du Canada et l'avait vendu à la Caisse. «Le prix payé était très correct. Et les négociations difficiles, mais très correctes avec Dayan», se souvient M. Cyr.

À terme, l'opération a été désastreuse pour la Caisse de dépôt. Le vérificateur général du Québec a enquêté sur ce fiasco. Les gains estimés du Groupe Dayan étaient de 5 à 10 millions de dollars. Les pertes estimées pour la Caisse oscillaient entre 15 et 20 millions.

L'aventure n'a pas laissé d'amertume entre les deux hommes. Ils sont restés en relation.

Devenu consultant pour Dayan, Jean-Claude Cyr a travaillé sur un projet dans l'arrondissement du Sud-Ouest et sur le projet de la rue Chabanel.

Il est ensuite devenu président du conseil du Regroupement pour le développement et la promotion du quartier Chabanel, organisme à but non lucratif créé par Dayan et d'autres partenaires.

«J'ai accepté à la demande de PSP et de Dayan qui m'ont demandé si, compte tenu de mon expérience, cela m'intéressait de participer bénévolement», dit-il.

Puis, en décembre 2008, Jean-Claude Cyr est nommé président du conseil d'administration de la SHDM.

«Quand j'ai accepté le poste de président du conseil de la SHDM, nous avons convenu clairement que je ne pouvais pas demeurer comme président du conseil de Chabanel, car cela m'aurait mis dans une situation plus délicate», observe-t-il.

Délicate, car un des dossiers importants que M. Cyr a eu à étudier est celui du partenariat avec Georges Dayan pour la mise en valeur de la rue Chabanel. Le projet a reçu le feu vert au début de 2011.

Par l'entremise de son programme Accès Condos, la SHDM appuie Dayan dans la construction de 197 appartements en copropriété au 125, rue Chabanel. Elle promet notamment de lui acheter tout condo qui ne trouverait pas preneur. Un engagement de 40 millions.

Un projet comme les autres

Jean-Claude Cyr insiste: ce n'est pas lui qui a fait la différence pour l'acceptation du projet de son ex-employeur.

«Une équipe de sélection a fait la recommandation à la direction de la SHDM qui, elle, a fait une recommandation au conseil d'administration. Au conseil, on a accepté le projet, car cela faisait partie des objectifs d'Accès Condos», raconte-t-il.

Il précise qu'à l'époque où il était sous contrat avec le Groupe Dayan, il n'a pas travaillé précisément sur le 125, rue Chabanel.

Le directeur général de la SHDM, Guy Hébert, assure que le conseil a étudié le dossier minutieusement.

«Le rôle du conseil est de s'assurer que tout est fait dans les règles de l'art et que nous ne prenons pas de risques indus. Ils ont beaucoup à dire quant aux orientations. Ils questionnent beaucoup et nos réunions durent longtemps», dit-il.

Tout comme M. Cyr, Guy Hébert était très proche d'une personne participant au projet Chabanel.

Il a fréquenté intimement pendant quelques mois, en 2007, la mairesse d'Ahuntsic de l'époque, Marie-André Beaudoin. Celle-ci faisait partie de l'organisme à but non lucratif créé par Dayan et s'était retrouvée au coeur d'une controverse parce qu'elle avait déménagé les bureaux de l'arrondissement dans la rue Chabanel. Mais cette idylle n'a eu aucune influence sur son opinion, assure-t-il.

«Elle ne m'a jamais parlé de ça», assure M. Hébert.