Marchant sur une échelle, Thérèse Trudel, 83 ans, s'agrippait fermement à trois pompiers venus l'aider à évacuer sa maison de la rue O'Cain à Saint-Jean-sur-Richelieu, lundi matin. «Êtes-vous sûrs que je ne tomberai pas?», a demandé la vieille dame, en avançant d'un pas hésitant en équilibre au dessus des eaux.

Les inondations records qui touchent les villes riveraines de la rivière Richelieu entre le lac Champlain et Saint-Jean-sur-Richelieu depuis maintenant une semaine ont continué de faire des dégâts. Poussées par des vents du sud, les eaux ont poursuivi leur montée, portant à 1700 le nombre de maisons touchées.

Comme Mme Trudel, 250 personnes ont dû quitter leur résidence jusqu'à maintenant. Et la situation s'aggravera dans les prochaines heures. Le directeur régional de la Sécurité civile en Montérégie et en Estrie, Yvan Leroux, prévoyait une hausse des eaux de 15 cm de lundi à mardi, en plus de la pluie qui tombera sur la région jusqu'à demain.

Dans le secteur de Saint-Eugène, à Saint-Jean-sur-Richelieu, difficile d'avoir accès aux maisons inondées. L'équipe de pompiers du lieutenant Clermont a accepté d'emmener La Presse dans sa tournée d'évacuation.

Les pompiers sont fatigués. Ils travaillent sans relâche depuis la semaine dernière. «Les gens ont besoin de nous», résume Daniel Galipeau, qui conduit le camion, les traits tirés.

Prisonniers des eaux

Mme Trudel et son conjoint, Marcel Joly, avaient grandement besoin d'aide. Atteint de sérieux problèmes de santé, M. Joly devait se rendre à l'hôpital, mais il était littéralement prisonnier de sa maison. «Il y a quatre pieds d'eau dans la cave. On ne peut pas marcher dans les rues inondées. On est trop fragiles. Et l'auto ne passe plus», a soufflé Mme Trudel, qui avait peur de perdre sa demeure.

C'est pour protéger leur maison que la majorité des riverains refusent de la quitter. Les refuges mis à la disposition des sinistrés sont vides.

Encore épargnés par les eaux, les militaires Lucie Descarie et Sean Moore aident leurs voisins. En canoë, ils ont amené La Presse chez Keith Fuller et France Boucher, qui demeurent avec leurs deux enfants et une grand-mère de 71 ans rue Verdi, à 250 m de la rivière Richelieu. Malgré les trois pompes qui travaillent sans relâche, leur maison est envahie par l'eau.

Muni d'un ruban à mesurer, M. Fuller calcule qu'il y a 45 centimètres d'eau dans le garage. Cette eau s'écoule comme une véritable chute dans les marches du sous-sol, qui a, par endroits, des allures de marécage. L'odeur d'humidité envahit toute la maison. Difficile de garder le moral dans de telles conditions. «On est très fatigués. On doit vérifier nos pompes toutes les heures. On a les nerfs à vif», a résumé M. Fuller.

Les voisins des Fuller, Karine Beauregard et Yanick Benny, ont acheté leur maison en janvier. Ils sont tout aussi découragés. Les cinq pompes au sous-sol n'ont pu empêcher l'eau de ruiner leur nouveau plancher de bois franc. Au moins 30 cm d'eau y stagnent en permanence depuis cinq jours.

Le vote? Non merci!

Alors que c'était jour d'élections, très peu de sinistrés ont voté. «Je dois vérifier mes pompes sans arrêt! L'eau n'arrête pas de monter. Je n'ai tout simplement pas le temps!» a dit Sébastien Goyette, résidant de la rue O'Cain.

Signe que les eaux ne cessent de monter, le ministère des Transports a ordonné la fermeture, lundi midi, du pont qui relie Saint-Jean-sur-Richelieu à Iberville. Les eaux sont maintenant trop proches du tablier du pont. Les municipalités de Sainte-Anne-de-Sabrevois, Venise-en-Québec et Saint-Paul-de-l'Île-aux-Noix sont également très touchées par les inondations.

Selon M. Leroux, il s'écoulera au moins une semaine avant que le niveau des eaux ne redevienne plus raisonnable. Presque aucune des maisons sinistrées n'est assurée puisqu'elles sont situées en zone inondable. Le gouvernement a toutefois annoncé qu'un programme d'indemnisation sera établi. Les citoyens de plusieurs municipalités touchées participeront à des rencontres, dès aujourd'hui, pour connaître les détails de l'aide financière.