Il pleut des milliards sur les transports en commun de la métropole depuis un an.

Des locomotives et des voitures flambant neuves pour les trains de banlieue. Des rames de métro plus spacieuses, pour donner un peu d'air aux usagers dans les foules de l'heure de pointe. Des autobus express dans tous les grands axes pour accélérer les déplacements de milliers de travailleurs et d'étudiants, le matin, dès l'aube. Dans les rues du centre-ville et le Vieux-Montréal, il y aura peut-être un tramway. Un jour, il mènera peut-être même quelque part.

Les transports en commun sont hot. Depuis l'hiver dernier, la demande ne dérougit pas.

Mais les réseaux ne sont pas prêts à répondre. Entre les rêves d'une ville «réinventée» par les transports en commun et la réalité des usagers actuels des réseaux de transport public, il y a comme un décalage qui va prendre quelques années à combler.

Le métro déborde. Les trains de banlieue sont pleins. Les autobus sont lents, pris dans le trafic. Quand ils arrivent, ils sont bondés. Il n'y a plus assez de place au Terminus centre-ville pour les autobus qui arrivent de la Rive-Sud. On ne sait pas quand – ni comment – on pourra en accueillir davantage.

Dans la couronne nord, des Lavallois commencent à laisser passer des rames de métro pleines dès leur départ de Montmorency, un an après les Montréalais qui doivent en laisser passer deux ou trois tous les matins depuis la mise en service des stations de Laval.

Ça change quoi, qu'il pleuve des milliards dans les transports en commun quand le train de banlieue arrête au milieu de nulle part pour la 250e fois, quand l'escalier mécanique de la station de métro n'est pas fonctionnel depuis des mois; quand le seul autobus du quartier est encore – toujours ! – en retard ?

Le vent tourne

«Mais les choses s'améliorent», assure Normand Parisien, directeur de Transports 2000 Québec et vétéran de la défense des transports en commun qui a connu les heures noires du milieu des années 90 quand des subvention de Québec à la STCUM de l'époque, aboutissaient dans les coffres des services de police.

«Ça a pris du temps, poursuit-il, mais on sent que le vent est vraiment en train de tourner, et que ce n'est pas juste des discours. Des fonctionnaires, des élus, même des décideurs d'entreprise qui ne voulaient rien savoir des transports en commun, il y a seulement quelques années, sont maintenant convaincus.»

En quelques mois, l'Agence métropolitaine de transport (AMT) a annoncé des achats de matériel roulant neuf totalisant plus de 600 millions pour les trains de banlieue de la métropole.

Au printemps, le Plan de transport de Montréal a confirmé la volonté de la Ville de Montréal d'investir dans le développement d'un tramway au centre-ville, d'une navette ferroviaire entre le centre-ville et l'aéroport Trudeau, à Dorval, d'un nouveau tronçon de métro d'environ un kilomètre vers l'est, et d'un projet de Bus Rapid Transit (BRT) sur le boulevard Pie-IX, dans l'est de Montréal. À eux seuls, ces projets totalisent autour de 1,5 milliard.

À la fin juillet, la Société de transport de Montréal a annoncé – avec quatre ou cinq ans de retard – le lancement d'un appel d'offres international pour 315 voitures de métro neuves pour près de 1,2 milliard.

Le Train de l'Est, un projet de plus de 300 millions, pourrait relier le sud de la région de Lanaudière au centre de la métropole en 61 minutes, avant la fin de 2010. Avec un peu d'optimisme, l'un des meilleurs circuits d'autobus express de Montréal pourrait même être enfin rétabli sur le boulevard Pie-IX, dans l'est de la ville, six ans après sa fermeture temporaire, en juin 2002.

Patience

Mais ces projets sont encore, au mieux, sur une planche à dessin, au pire, dans des plans à long terme, qui ne sont pas pour demain. Quant aux voitures et aux trains neufs, ils ne seront pas livrés avant trois ou quatre ans.

Cet «embouteillage» des réseaux de transport collectif de Montréal et des banlieues, ne se résorbera donc vraisemblablement pas avant 2011-2012, après les livraisons d'un matériel roulant flambant neuf pour les trains de banlieue et la mise en service des nouvelles rames du métro de Montréal, l'année suivante.

Et ça tombe mal. Parce que sur le réseau routier, ça ne va pas mieux. Les conditions de circulation sont exécrables. En ville comme en banlieue, il y a des petits chantiers partout. Trois ponts (île Charron, Mercier, Galipeault) majeurs, qui donnent accès à l'île de Montréal, sont en reconstruction. Et deux des autoroutes les plus achalandées de la métropole (Ville-Marie et Décarie) sont partiellement fermées, dont une jusqu'à Noël.

Sur l'autoroute Décarie en direction sud (A-15 Sud), les délais d'attente de 30 à 45 minutes sont fréquents depuis deux semaines, en raison d'un chantier de remplacement de bassin de rétention, juste au sud des autoroutes Métropolitaine et Côte-de-Liesse. Le trafic refoulé déborde sur les boulevards Décarie et Marcel-Laurin, et de là sur le réseau local de Mont-Royal à la recherche d'échappatoires.

Transports Québec a demandé une surveillance policière constante pour prévenir les mouvements d'impatience des conducteurs frustrés.

Un peu plus loin, la bretelle de l'A-15 Sud qui mène vers l'autoroute Ville-Marie et le centre-ville de Montréal, est aussi réduite à une seule voie au lieu de deux. Cette restriction a pour but d'éviter des bouchons encore plus monstrueux à l'entrée du centre-ville, parce que Ville-Marie (A-720) est elle-même amputée de deux voies sur quatre, jusqu'à vendredi prochain.

La rentrée du trafic métropolitain, en ce lendemain de fête du Travail, sera épique. Elle l'est tout le temps. La patience est recommandée. Quant au rêve, il est permis. La ville «réinventée» du Plan de transport de Montréal est, peut-être, déjà en marche.

En attendant, ceux qui ont de bonnes jambes devraient aller à pied ou en vélo.