Le dialogue de sourds entre le premier ministre Stephen Harper et les chefs des partis d'opposition s'est poursuivi, dimanche, le chef libéral Stéphane Dion étant le dernier en lice à sortir du 24 Sussex avec la conviction que des élections générales sont inévitables.

En fait, M. Dion affirme même avoir eu droit à tout un aveu de son adversaire, qui lui aurait affirmé sans détour qu'il allait bientôt déclencher des élections, oubliant du coup l'esprit de sa loi sur les élections à date fixe. En vertu de cette loi, les élections générales devaient avoir lieu à la fin 2009, à moins de circonstances exceptionnelles.

«Oui, on va en élection, il me l'a dit, a lâché le chef libéral, à l'issue de la rencontre. Je le savais de toute façon, mais je voulais lui dire face à face à quel point il est irresponsable de sa part de montrer un tel manque de respect pour l'Etat de droit.»

Il est vrai que cette rencontre n'était pas nécessaire pour parvenir à la conclusion que des élections générales sont désormais imminentes. Depuis près de deux semaines déjà, le premier ministre et son entourage multiplient les signes et les déclarations qui laissent entendre que les Canadiens iront aux urnes sous peu.

Selon le scénario le plus plausible, les élections seraient déclenchées à la fin de cette semaine, fort probablement dimanche, ce qui mènerait à une journée de scrutin le 14 octobre.

L'entretien avec M. Dion était le troisième et dernier que tenait le premier ministre Harper avec les chefs des partis d'opposition.

Le chef libéral, qui aurait préféré rencontrer Stephen Harper que la semaine prochaine, a finalement plié et ajusté son horaire plutôt que de courir le risque de ne pas avoir d'entretien du tout avant les élections.

M. Dion a expliqué, dimanche, qu'il a voulu utiliser la rencontre pour rappeler à M. Harper qu'il ne montrait pas l'exemple.

«Le premier ministre n'est pas déterminé à respecter la loi, la loi sur les élections à date fixe qu'il a lui même fait voter en Chambre. Il cherche à revisiter la définition de cette loi d'une façon qui manque d'élégance et de respect pour la vérité. Je lui ai dit tout cela, je suis persuadé qu'il veut aller en élection de toute façon», a résumé le chef du Parti libéral.

Les conservateurs soutiennent que la loi n'enlève aucun pouvoir à la gouverneure générale, qui peut toujours dissoudre le Parlement à la demande du premier ministre.

Le directeur des communications de M. Harper, Kory Teneycke, a admis que devant l'absence de «terrain d'entente» avec les partis d'opposition, le premier ministre allait devoir réfléchir à la suite des choses, au cours des prochains jours.

Avec un climat de plus en plus partisan en Chambre, il «sera très difficile d'accomplir des progrès» au point de vue législatif, a souligné M. Teneycke.

Toutes ces raisons ne sont que des prétextes, estime M. Dion, qui a fait valoir que la discussion avec M. Harper était, à son avis, une «mise en scène» et

une «comédie».

Il fait ainsi écho au chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, et au chef du Nouveau Parti démocratique, Jack Layton, qui ont tour à tour défilé devant M. Harper depuis vendredi et en sont parvenus à la même conclusion.

Pendant sa brève conversation de 20 minutes avec Stéphane Dion, le premier ministre lui a demandé de but en blanc s'il pouvait compter sur l'appui des libéraux aux Communes, et ce, jusqu'en octobre 2009. Depuis l'automne dernier, les libéraux se sont abstenus ou absentés des votes cruciaux pour éviter le déclenchement d'élections anticipées.

«Jamais un gouvernement minoritaire ne va obtenir un tel chèque en blanc de la part d'un parti politique, et M. Harper le sait», a soutenu M. Dion devant les journalistes.

Selon une source libérale, devant ce refus de M. Dion, le premier ministre aurait alors indiqué qu'il y aurait des élections «très bientôt».