Même s'ils n'entendent pas démissionner en bloc comme l'ont fait leurs collègues de Terre-Neuve, les gynécologues oncologues du Québec préviennent que la province pourrait se retrouver avec une importante pénurie de ces médecins spécialistes si leurs conditions de pratique ne changent pas rapidement.

La mise en garde vient du Dr Philippe Gauthier, qui pratique au CHUM et qui préside le Regroupement des gynécologues oncologues du Québec. Il prévient que son petit groupe - 15 praticiens dans toute la province - pourrait rétrécir encore davantage en raison d'importants problèmes de recrutement.

Quatre de ces spécialistes, âgés de plus de 55 ans, prendront bientôt leur retraite. Au même moment, le vieillissement de la population entraîne une augmentation des cas de cancer. En moyenne, une patiente québécoise doit déjà attendre entre deux et quatre semaines avant d'être opérée par un gynécologue oncologue. Un délai plus long pourrait compromettre ses chances de survie.

«Dans les dernières années, on a recruté un médecin d'Israël, un autre d'Angleterre, un troisième de Suisse, explique le Dr Gauthier, rencontré dans son petit cabinet. Il n'y a pas de Québécois qui s'intéressent à la profession.»

La formation de ces médecins est parmi les plus ardues de la profession. Après cinq ans de médecine générale, ils se spécialisent en gynécologie pendant cinq années supplémentaires. Puis, ils se «surspécialisent» pendant deux autres années en gynécologie oncologique afin de traiter des cancers féminins comme celui de l'utérus et de l'ovaire.

Mais une fois leur résidence terminée, ils gagnent à peu près le même salaire que leurs collègues gynécologues, ce qui décourage bon nombre d'étudiants. Et plusieurs spécialistes formés à l'étranger établissent leur pratique en Ontario ou en Colombie-Britannique plutôt qu'au Québec.

Un salaire fixe

Dans ces provinces, les gynécologues oncologues ne sont pas payés à l'acte. Le gouvernement leur verse un salaire fixe. Ils voient moins de patientes, et on leur alloue un certain nombre d'heures par semaine pour le travail de bureau et l'enseignement. C'est cette formule que réclame le Dr Gauthier.

«Ça a permis de recruter neuf gynécologues oncologues en Ontario, affirme-t-il. En Colombie-Britannique, ils n'étaient que deux et ils sont passés à sept.»

Ici, dit-il, les quatre gynécologues oncologues du CHUM reçoivent en moyenne 150 patientes par semaine dans leur cabinet. Et environ 20% des tâches qu'ils accomplissent pourraient être faites par des gynécologues moins spécialisés.

Le Dr Philippe Gauthier soulève une pile de papier de près de 4 cm d'épaisseur. C'est la liste de ses patientes. «J'opère celle-ci cette semaine, dit-il, désignant un nom sur la liste. La première fois que je l'ai vue, c'était le 28 mai. Elle a dû attendre trois mois.»

Système bordélique

Mais comment venir à bout des listes d'attente tout en réduisant la charge de travail des spécialistes? «On est emmêlés dans un système bordélique qu'on ne gère pas, tonne le Dr Pierre Drouin, gynécologue oncologue au CHUM. C'est impossible de recruter des gens pour travailler dans ce système-là.»

«Il y a un effet d'entraînement, poursuit le Dr Gauthier. Si l'environnement de travail est agréable, les gens, les jeunes vont dire: «Moi, j'aimerais être gynécologue oncologue.» Ce n'est pas le cas en ce moment.»

Au bureau du ministre de la Santé, Yves Bolduc, on fait valoir que l'entente conclue avec les médecins spécialistes en septembre dernier prévoit un redressement des honoraires de l'ordre de 25%. Le pacte prévoit aussi l'élimination des plafonds et des primes de toutes sortes pour favoriser l'efficacité et l'accessibilité des soins.

«Il appartient à la Fédération des médecins spécialistes de négocier avec chacune des associations professionnelles afin de déterminer la part de l'entente qui leur reviendra», indique l'attachée de presse du ministre, Marie-Ève Bédard.

Il n'a pas été possible de joindre un porte-parole de la FMSQ hier.