Le gouvernement Harper présentera à son tour un projet de loi pour punir plus sévèrement les personnes coupables d'avoir attaqué une femme enceinte. Ce nouveau projet de loi, dont les détails n'ont pas été dévoilés, reprendrait en substance le fort controversé C-484 - moyennant certains changements.

Intitulé Loi sur les enfants non encore nés victimes d'actes criminels, C-484 a fait craindre à plusieurs que l'on tente de donner des droits au foetus, de manière à ébranler les règles canadiennes en matière d'avortement. Plusieurs groupes de protection des femmes et du droit à l'avortement, mais aussi des juristes et des médecins, se sont ouvertement opposés à son adoption. La semaine dernière, le chef libéral Stéphane Dion a invité le premier ministre Stephen Harper à clarifier ses intentions quant au droit à l'avortement.

En conférence de presse à Ottawa, hier, le ministre de la Justice, Rob Nicholson, a déclaré que cette nouvelle initiative du gouvernement avait pour but de dissiper ces craintes, tout en poursuivant sa lutte contre la criminalité.

«Nous avons entendu des critiques à travers le pays, incluant des représentants de la communauté médicale, à l'effet que la rédaction du projet de loi de M. Ken Epp pourrait introduire des droits pour le foetus», a déclaré d'entrée de jeu le ministre Nicholson.

«Je veux être clair: notre gouvernement ne rouvrira pas le débat sur l'avortement.»

«Pour cette raison, () le gouvernement introduira un projet de loi qui punira les criminels qui commettront un acte de violence contre une femme enceinte, mais d'une manière qui ne laissera pas de place à l'introduction de droits pour le foetus.»

Le projet de loi C-484 du député albertain Ken Epp créait une infraction à l'encontre d'une personne tuant ou blessant un enfant «pendant sa naissance ou à toute étape de son développement intra-utérin, en perpétrant ou en tentant de perpétrer une infraction à l'égard de la mère».

Le projet de loi annoncé hier ne créerait pas de nouvelle infraction, mais plutôt un facteur aggravant pour couvrir ce genre de situation. Ces facteurs servent de guides aux juges au moment de décider de la sévérité ou de la clémence d'une peine.

Électoralisme

Des sources conservatrices ont confirmé hier que le fait que les Canadiens pourraient bientôt aller aux urnes a été déterminant dans la décision du gouvernement d'ainsi chercher à clarifier sa position.

"Le premier ministre essaie d'enlever de la table électorale une question difficile pour le Parti conservateur", a conclu le critique libéral en matière de justice, Dominic Leblanc.

"C'est très clair que ça allait être un problème au Québec dans les élections qui s'en viennent, a renchéri le porte-parole du NPD en justice. Mais ils ont décidé en même temps que c'était nécessaire de protéger leur base de fondamentalistes conservateurs."

Le Bloc québécois n'a pas voulu réagir.

D'autres ont accueilli l'annonce avec scepticisme. Gaétan Barrette, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, avait été l'un des premiers à dénoncer le projet de loi C-484. Il avait alors réclamé que le gouvernement prenne la voie des facteurs aggravants plutôt que celle de l'infraction.

Or, M. Barrette était loin d'être convaincu, hier. Le fait que le projet de loi du député Ken Epp pourrait rester inscrit au feuilleton même si le gouvernement introduit sa propre législation l'inquiète. C-484 a passé l'étape de la deuxième lecture et doit maintenant être étudié par le comité parlementaire de la justice.

"Ce qui est intéressant pour nous, c'est que le ministre admet implicitement que son projet de loi donnait implicitement des droits au foetus", a-t-il dit.

Mais "que M. Harper assume son rôle de chef, a-t-il ajouté. S'il ne veut pas duper la population, qu'il demande à son joueur de retirer son projet de loi, ainsi que les autres, comme cela, on va lui faire confiance."

Ken Epp n'a pas rappelé La Presse.