En dépit de la diffusion d'une vidéo jugée troublante par les défenseurs des droits de l'homme, l'avocat militaire d'Omar Khadr ne croit pas que ce dernier obtiendra un procès juste devant la commission militaire qui le jugera l'automne prochain.

Selon le lieutenant-commandeur Bill Kuebler, les commissions militaires sont truquées dans le but d'obtenir la condamnation des détenus de la prison de Guantánamo où Khadr est détenu. Aujourd'hui âgé de 21 ans, ce jeune Canadien est accusé du meurtre d'un sergent américain commis en 2002.

Tôt mardi matin, les deux avocats civils de Khadr ont rendu publique une vidéo dans laquelle le jeune homme est soumis à un interrogatoire par des agents du Service canadien du renseignement de sécurité, en février 2003. Les images, qui ont fait le tour du monde, sont les premières à être vues de l'intérieur des geôles de Guantánamo depuis les attentats du 11 septembre 2001.

Visionnez des extraits de l'interrogatoire



Sur la bande, on voit un jeune homme troublé, pleurant beaucoup, implorant sa mère et engagé dans un dialogue de sourds avec ses interlocuteurs. Du coup, cela a relancé les nombreux appels auprès du gouvernement conservateur afin qu'il rapatrie ce citoyen canadien au pays. Le lieutenant-commandeur Kuebler y a joint sa voix, hier. Pour lui, le contenu de la vidéo montre un «enfant apeuré» et non un «dangereux terroriste».

Selon David Remes, avocat de Washington qui représente bénévolement 18 prisonniers, dont 16 Yéménites, de Guantánamo, la diffusion de la vidéo ne peut que l'aider dans sa démarche. «Il me semble que l'on pourra difficilement se fier aux déclarations faites par les prisonniers à la suite des interrogatoires lorsqu'on voit dans quelles conditions elles ont été obtenues», dit cet avocat qui revenait tout juste d'un voyage au Yémen lorsqu'on l'a joint à Washington.

À Chicago, l'avocat Gary Isaac, qui a représenté un ressortissant australien à Guantánamo, estime lui aussi que la diffusion de la bande ne peut qu'aider les avocats des détenus. «L'administration Bush a sans cesse essayé de les diaboliser, dit-il. Cette vidéo vient couper l'herbe sous le pied de cette administration qui a tout tenté pour retirer toute forme d'humanité à ces détenus.»

Il ajoute que le document met en lumière des techniques d'interrogatoires abusives. «Peut-être cela permettra-t-il de convaincre les tribunaux américains que le visionnement de telles bandes est nécessaire dans la tenue de procès», dit-il.

Aux États-Unis aussi, des avocats et groupes de défenseurs des droits de l'homme tentent d'obtenir des documents relatifs aux interrogatoires de détenus dans la prison de l'île cubaine. En 2005 d'ailleurs, un juge américain, Henry Kennedy, avait statué que tous les documents relatifs à des formes de torture, mauvais traitements ou sévices commis à l'endroit des prisonniers de Guantánamo devaient être préservés.

Or, en décembre dernier, la CIA s'était retrouvée sur la sellette après avoir avoué qu'elle avait détruit les vidéos d'interrogatoires de membres présumés d'Al-Qaeda. L'organisme s'était défendu en affirmant que les actes n'avaient pas été commis à Guantánamo et que les documents avaient été détruits pour préserver l'identité des agents.

Selon Stéphane Beaulac, professeur agrégé de droit à l'Université de Montréal, cette vidéo avait «de toute évidence», une importance juridique dans la défense d'Omar Khadr. Mais il n'est pas évident qu'elle peut servir davantage la cause des avocats américains.

«Il y a déjà eu un gros début de preuve au sujet des irrégularités», dit-il au sujet des techniques d'interrogatoire. «Ce sera peut-être un élément supplémentaire, peut-être jugé utile, mais pas crucial», analyse-t-il.

Avec La Presse Canadienne.

La plus grande nouvelle canadienne

La firme de veille médiatique Influence Communications a recensé 3423 nouveaux reportages ou mentions sur l'affaire Khadr hier entre 6h et 14h et ce, dans plus de 140 pays. «En seulement 48 heures, cette nouvelle est devenue la nouvelle canadienne la plus citée à l'international depuis l'an 2000, indique Jean-François Dumas, président de l'entreprise. Depuis le 1er janvier 2008, cette histoire représente 20% de tout ce qui s'est dit sur le Canada dans l'ensemble des médias de la planète.» Au cours des deux derniers jours, l'affaire Khadr a non seulement fait les manchettes des plus grands médias, mais elle s'est aussi retrouvée dans de nombreux médias nationaux ou régionaux. Le New Zealand Herald, le Anchorage Daily News, le Sydney Morning Herald, le Burlington Free Press, le Mail & Guardian Online (Afrique du Sud), pour ne nommer que ceux-là, ont tous rapporté la nouvelle.