À mesure que les travailleurs du baby-boom prennent leur retraite, la main-d'oeuvre se fait de plus en plus rare. Plusieurs acteurs du monde économique s'inquiètent. Sam Hamad, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, a réagi en ciblant deux groupes de travailleurs potentiels: les personnes handicapées et les personnes retraitées.

Ainsi, une stratégie nationale d'intégration et de maintien en emploi des personnes handicapées a été élaborée et diffusée en mai 2008. Le projet de loi 68, réformant quelque peu les lois québécoises sur les modalités de retraite des travailleurs âgés, vient d'être adopté.

La stratégie nationale semble s'intéresser surtout aux personnes nées handicapées ou devenues handicapées très jeunes, telles celles ayant une défience intellectuelle, des troubles envahissants du développement ou une déficience physique ou mentale. La stratégie nationale prévoit intervenir dès la petite enfance, au préscolaire, à l'école et encore lors des études secondaires et post-secondaires des enfants ou jeunes personnes handicapées. Puis, intervenir en préparation à l'emploi et encore, par accompagnement et par accommodement, sur le lieu même de l'emploi des jeunes personnes handicapées adultes n'ayant pas encore travaillé.

Mais, qu'en est-il des travailleurs actifs et compétents qui développent une déficience physique au mi-temps de la vie, alors qu'ils sont déjà diplômés, qu'ils ont cheminé dans une carrière et acquis des compétences comme adulte autonome? Qu'en est-il de la conciliation travail-famille-handicap quand la personne handicapée est aussi parent? La stratégie nationale reste muette sur ces aspects.

Pour trouver des réponses aux travailleurs devenant handicapés à mi-carrière, par accident ou développement d'une maladie chronique évolutive, j'ai consulté les communiqués de presse annonçant la mise en oeuvre du projet de loi 68. Le ministre Hamad annonce deux séries de mesures pour les travailleurs âgés: l'une pour les 55 ans et plus et l'autre pour les 60 ans et plus. Le travail à temps partiel et la retraite progressive deviendront une option pour les travailleurs âgées dès janvier 2009, avec possibilité concomitante de cotiser encore à son plan de pension. Voilà une souplesse administrative nouvelle pour les travailleurs âgés en vieillissement progressif!

Mais, cette nouveauté administrative de la conciliation travail-retraite pour les travailleurs âgés n'est pas reconnue pour les ex- travailleurs touchant aujourd'hui la rente d'invalidité de la RRQ pour cause de handicap. N'y a-t-il pas là une injustice sociale majeure entre bénéficiaires de la RRQ? Pourquoi allouer des bénéfices aux rentiers en raison d'âge et pas aux rentiers pour cause de handicap? Dans la Charte, tous les motifs discriminatoires sont mis sur un égal pied!

L'État et la société ont tout intérêt à reconnaître à l'égal de l'effet du vieillissement sur la main-d'oeuvre, l'impact de la mise en invalidité de personnes compétentes, mais épuisables en raison de leur handicap survenu au mi-temps de la vie. Pourquoi tant le projet de loi 68 que la stratégie nationale pour l'intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées ont-ils éclipsé cette réalité? La condition de handicap n'est pas que de naissance. Tous les travailleurs peuvent y basculer en cours de carrière. Si la santé se fragilise par développement d'un handicap, plutôt que par l'âge, les compétences ne s'éclipsent pas pour autant!

Luce S. Bérard

Granby