Il est moins charismatique que Rick Hillier. Moins flamboyant aussi. Et les médias ne semblent pas être son truc. N'empêche, l'arrivée du nouveau chef d'état-major des Forces canadiennes, le général Walt Natynczyk, annonce la continuité du travail de transformation amorcée sous son prédécesseur.

«Il s'agit clairement d'une volonté de continuité, indique Marc-André Boivin, directeur adjoint du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix. Sous Hillier, Natynczyk était vice-chef d'état-major, en charge de la transformation des Forces. Il orchestrait, en coulisse, le chambardement des structures.»

Par transformation, on entend le passage d'une structure militaire bâtie en fonction des enjeux de la guerre froide à celle adaptée aux réalités du XXIe siècle: guerre au terrorisme, intervention internationale, etc.

Le fait que ces bouleversements surviennent alors que le Canada est engagé dans le conflit afghan a favorisé la nomination de Natynczyk. Comme Hillier, ce dernier provient de l'armée de terre.

«Normalement, il y a une rotation entre des hauts gradés des armées de terre, de l'air et des forces navales. Mais en ce moment, le choix de Natynczyk est excellent. Il possède une expérience sur le terrain que les autres n'ont pas», dit Jack Granatstein, professeur retraité de l'Université York et spécialiste en histoire militaire canadienne.

Avant sa nomination, annoncée le 6 juin dernier, Walt Natynczyk était peu connu du public. Rares étaient ceux, par exemple, qui savaient qu'il a séjourné en Irak à l'occasion d'un programme d'échange avec l'armée américaine. Or, ce séjour avait fait bondir les opposants à la guerre en Irak au Canada.

Le critique du Bloc québécois en matière de défense, Claude Bachand, avait exhorté, sans succès, le premier ministre Paul Martin à ne pas envoyer de représentant militaire dans ce pays. Il jugeait que cette affectation était contraire à la position canadienne.

«Il est très compétent pour le poste. Il aura aussi un profil plus bas qu'Hillier, une bonne chose. Mais j'ai peur que son arrivée signifie une approche plus américaine, plus militariste, où l'on tire en premier et pose des questions par la suite», dit M. Bachand.

Expérience internationale

Né à Winnipeg, Walt Natynczyk s'est enrôlé en août 1975. Outre ses diverses affectations au pays, il a servi en Allemagne, en ex-Yougoslavie, en Bosnie. En janvier 1998, on le retrouve dans la région d'Ottawa où il commande un détachement chargé de venir en aide à la population civile dans le cadre de la crise du verglas.

Si son arrivée à la tête des Forces indique la continuité, son mandat sera néanmoins plus encadré, estime Marc-André Boivin. «Rick Hillier est arrivé avec une vision de transformation qui cadrait avec la volonté du gouvernement de Paul Martin de jouer un plus grand rôle sur la scène internationale, dit-il. Mais M. Martin a rapidement été placé sur la défensive sur des questions intérieures (scandale des commandites, etc.).»

Résultat: Hillier a eu les coudées franches pour opérer les changements. À leur arrivée au pouvoir, les conservateurs ont acheté son modèle de changements, mais ils ont été plus interventionnistes dans son ministère. «Le général Natynczyk devra davantage tenir sa place», en conclut M. Boivin.