Il n'y a rien de tel pour découvrir la culture d'un pays que d'en goûter la cuisine traditionnelle locale. Certes, mais ce n'est pas évident quand on voyage dans un pays où l'on ne connaît ni la langue ni personne, et que l'on se voit confinés dans les restaurants fréquentés essentiellement par les étrangers. Un couple de Français, Marine Mandrila et Louis Martin, s'est mis au défi de bourlinguer pendant six mois en Asie, en Amérique latine et au Moyen-Orient en prenant le plus de repas possible chez l'habitant, une expérience riche dont ils viennent de tirer un livre de recettes et une série de vidéos. Ils nous dévoilent, d'une voix, leurs conseils pour suivre leur exemple lors des prochaines vacances, le temps d'un repas au moins.

Manger chez l'habitant? Mais pourquoi?

L'idée d'aller systématiquement cuisiner et manger chez l'habitant est un alibi pour voyager différemment, en allant à la rencontre de vraies personnes. Le moment du repas permet, autorise, provoque la rencontre, la conversation et ce moment de partage et d'échanges tant recherché, qu'on retrouve plus difficilement en allant au restaurant.

Mais comment se faire inviter chez des inconnus?

Quand on arrivait dans une ville, on prenait immédiatement la direction du marché et on allait parler «cuisine» avec les personnes qui faisaient leurs courses. On leur demandait comment elles cuisinaient tel ou tel ingrédient, tel ou tel plat. On échangeait sur nos expériences culinaires respectives et certains nous proposaient de venir cuisiner avec eux pour nous faire découvrir une recette locale. On leur offrait parfois en échange de cuisiner une recette française... et c'était parti! Certains repas en appellent d'autres: nos hôtes nous mettaient en relation avec des amis ou de la famille chez qui nous allions manger ensuite.

Manger chez l'habitant... ne s'agit-il pas surtout d'un moyen détourné de soigner son budget? Comme le couchsurfing?

Non. Faire à manger peut coûter cher. Ainsi, pour ne pas être une charge pour ses hôtes, surtout dans les familles les plus modestes, il est préférable de participer au coût du repas, voire d'en assumer l'intégralité. L'idéal est d'aller faire les courses avec ses hôtes et de régler directement la note au marché. Quand nous n'avions pas la possibilité de faire les courses avec nos hôtes, nous apportions un cadeau et un beau dessert, exactement comme c'est l'usage en France.

Risque-t-on d'être malade?

On est très peu tombés malades pendant notre aventure, et pourtant nous goûtions absolument à tout: des plats les plus pimentés jusqu'à la viande crue (notamment du foie de mouton et un coeur de serpent...). Nous ne refusions jamais de manger ce que nos hôtes nous servaient, ne serait-ce que pour leur faire honneur. La plupart du temps, c'était d'ailleurs absolument délicieux. Globalement, on a beaucoup moins de risques de tomber malade en allant manger chez l'habitant que dans les restaurants à touristes: les gens ne s'empoisonnent pas chez eux! L'eau est la seule chose à laquelle nous faisions très attention, car c'est la première source de maladie, notamment dans les campagnes. Nous avions toujours avec nous des pastilles pour la purifier au moindre doute.

Au secours, ce qu'on a mis devant moi me répugne! Faut-il tout goûter?

C'est parfois compliqué de refuser de manger ce qu'on vous offre quand on est invité: on risque de froisser son hôte, de lui faire perdre la face. Si vous n'arrivez vraiment pas à manger ce que vous avez dans votre assiette, vous pouvez dire à votre hôte que votre organisme ne supporte pas un ingrédient en particulier, soit parce que vous êtes allergique, soit parce que vous n'y êtes pas habitué. C'est une façon de le dédouaner de toute responsabilité: ce n'est pas sa recette qui est en cause, mais l'ingrédient.

Visiter un marché permet d'en apprendre beaucoup sur la culture locale: mais comment profiter pleinement de cette expérience si l'on n'a pas accès à une cuisine et que l'on ne connaît pas le quart des produits vendus?

Si vous souhaitez manger dans un stand où l'on prépare des plats, orientez-vous vers ceux qui ont un gros débit: c'est un bon indicateur. Dans la plupart des cas, les plats sont préparés le jour même et consommés dans la journée. Vous n'aurez alors aucun risque de tomber malade. Vous pouvez aussi manger sans risques tous les fruits à peau, à condition de les peler. Armez-vous d'un couteau et demandez conseil pour savoir ceux qu'il faut absolument goûter.

Quel est votre meilleur souvenir culinaire?

Notre repas coup de coeur, nous l'avons mangé à Yangshuo, dans le sud de la Chine. Chez Sam, qui nous a fait découvrir toutes les spécialités de Yangshuo, notamment le poisson à la bière, les fleurs de courgette et les escargots farcis. Nous nous régalons chaque fois que nous refaisons ses recettes (transcrites dans le livre Very Food Trip).

Quel est votre pire souvenir?

Un oeil de poulet mangé dans une communauté karène au nord de la Thaïlande!

Pour en savoir plus sur le Very Food Trip

Marine Mandrila et Louis Martin viennent de publier Very Food Trip, un très bel ouvrage, en français

(oui, en français, comme son nom ne l'indique pas du tout!) aux éditions de La Martinière. On y retrouve 130 recettes issues des 10 pays visités, photographiées dans leur cadre naturel, directement chez l'habitant. Leurs aventures sont racontées dans une série de 10 webdocumentaires (un par pays). 

Very Food Trip, Éditions La Martinière, 2015, 320 pages.

Quelques sites internet sont apparus au cours des dernières années pour faciliter les repas chez l'habitant (Marine Mandrila et Louis Martin n'y ont pas eu recours, se fiant toujours à leur entregent pour établir les contacts). En voici quelques exemples, qui affichent toutefois un répertoire mieux garni dans les grandes villes et les pays développés que dans les régions plus reculées et exotiques.

Cookening: cookening.com

VizEat: fr.vizeat.com

Eatwith: eatwith.com

EatFeastly: eatfeastly.com