Embarquer sur un voilier pour la première fois, ou presque, pour prendre la mer, voilà qui peut sembler téméraire. Mais l'expérience du convoyage permet justement de tenter l'expérience en compagnie da navigateurs d'expérience tout en testant ses propres capacités à affronter les éléments. Récit d'un convoyage entre les Bahamas et New York, en forme de journal de bord.

La rencontre: Trois semaines avant le départ

Pour ramener son bateau, le Zelkova, au lac Champlain, Martin Bouffard a choisi des équipiers aux tempéraments compatibles. Choisir un équipage formé d'inconnus, c'est un peu comme jouer à la roulette russe. Un individu peut, à lui seul, ruiner l'ambiance sur le navire, créer des problèmes de communication et du même coup augmenter les risques d'incidents malheureux. Après une rencontre dans un restaurant de Montréal, un trait de caractère s'est imposé: l'humour. Au premier regard, cette aventure se fera avec le sourire, et ce, même si le mauvais temps s'en mêle.

La préparation: Jours 1 et 2

Le 3 mai, l'équipage s'envole en direction de Nassau, la capitale des Bahamas. Arrivé à la marina, il fait face pour la première fois au Zelkova, le voilier de 51 pi qui lui servira de demeure pour les 12 prochains jours. À l'exception de Martin et de sa conjointe Marie-Josée, qui partagent la même cabine, tous ont droit à leurs quartiers privés. Les chambres, d'une superficie raisonnable, sont toutes équipées d'une douche et d'une toilette. Rapidement, chacun se voit remettre une tâche à effectuer. Certains prennent la direction de l'épicerie et d'autres se retrouvent avec les «jobs de bras», soit l'approvisionnement en huile, en diesel, etc. Les besognes de chacun complétées, Martin réunit l'équipage pour un rappel des rôles et du code de conduite sur le bateau à la veille du départ. Le code de conduite est implicitement lié à la règle numéro 1: le convoyage se fera sans alcool.

Le grand départ: Jour 3

Le départ est prévu à 13h. Une dernière vérification de routine sur le moteur laisse le groupe pantois: il ne démarre pas. À 17h, grâce aux talents du capitaine en matière de mécanique, le bateau quitte le quai de Nassau en direction de l'archipel des Abacos. Un voyage d'une quinzaine d'heures très houleux, qui donne le mal de mer à Nathalie et force Sébastien à dormir sur la banquette de la cuisine. Sa chambre située à l'avant de l'embarcation s'est subitement transformée en malaxeur à peinture. La première nuit ne laissait rien présager de facile pour les prochains jours.

Escale dans les îles Abacos: Jour 4

Debout à 4h, mon rôle d'équipier est simple: regarder l'horizon pour m'assurer qu'aucun objet ou bateau n'entre en collision avec le voilier. L'ancre jetée dans les eaux turquoise des îles, l'équipage profite d'une dernière journée sur la terre ferme. Plage, snorkelling et match du Canadien sous une hutte sont à l'horaire. Après la victoire des Glorieux contre les Bruins, tous partent se coucher.

Du vent, S.V.P.: Jours 5, 6 et 7

Les trois premiers jours en haute mer se résument en deux mots: soleil et moteur. Le Zelkova navigue sans l'aide des vents et sous un soleil de plomb. Avec la propulsion mécanique, la vitesse de croisière est d'environ 5 à 7 noeuds. Les journées sont consacrées au repos et au bronzage. Pierre-Paul, le second, profite du calme pour nous initier à la terminologie de la voile et à quelques manoeuvres de base qui seront utiles lors du voyage. Mais rares sont les occasions de mettre à profit ces apprentissages. À l'exception de quelques opérations avec la grand-voile et le génois, l'équipage est poussé au diesel et un GPS veille à maintenir le cap. Le calme de l'Atlantique permet à Nathalie de parfaire ses connaissances des noeuds marins et à Sébastien d'animer une séance de yoga sur le pont.

La bipolarité de Neptune: Jours 8 et 9

Depuis le départ des îles, Martin lance, jour après jour, sa ligne à pêche à l'eau et rêve de mahi-mahi. Le cinquième jour, sa ténacité est récompensée. Dès l'aube, la période où je veille sur l'horizon, nous sommes surpris par le hisse de la canne à pêche. Trente minutes de combat et un premier poisson est sorti de la mer. Le bruit de notre excitation réveille une partie de l'équipage. Au troisième mahi-mahi, Marie déclare la saison de pêche officiellement terminée et Nathalie change le menu du jour. La réaction des éléments à cette chasse est immédiate: la houle et le vent se mettent de la partie. Pendant le reste de la journée, mieux vaut se tenir pour se déplacer. Les vents combinés au courant du Gulf Stream poussent le Zelkova à une allure de 12 noeuds! Le lendemain, l'océan se transforme en une nappe d'huile irréelle, le bateau flotte sur un nuage de velours. Après la grogne de Neptune, les dieux présentent un coucher de soleil mémorable où un petit oiseau vint valser dans les couleurs du ciel et de la mer.

Plomberie 101: Jour 10

Avant de mettre le pied à terre, Martin initie Sébastien à un autre type de bonheur de la navigation, la plomberie... En mer, il est permis d'envoyer le contenu des toilettes à l'eau, mais pas sur les côtes. Sébastien passe l'après-midi à connecter les tuyaux des cinq toilettes aux réservoirs internes. Une activité qui n'avait pas été mentionnée lors de la première rencontre.

La nostalgie: Jour 11

Le 14 mai, nous regardons un dernier lever de soleil avec un brin de nostalgie. Tous sont heureux d'arriver, mais les silhouettes des gratte-ciel new-yorkais annoncent la fin du convoyage ainsi que le retour des obligations quotidiennes. Chaque membre de l'équipage se dit prêt à revivre cette expérience. Les conditions de navigation n'étaient peut-être pas idéales, mais le plaisir n'a jamais pris congé. Martin, Marie-Josée et Pierre-Paul poursuivront le périple jusqu'au lac Champlain. Cette section du convoyage se fera sans grand-voile, au moteur.

L'équipage du Zelkova

Outre l'auteur de ces lignes, voici ceux qui ont pris part au convoyage.

MARTIN BOUFFARD, 43 ans

Profession: Travailleur autonome

Rôle sur le bateau: Capitaine et copropriétaire du Zelkova

Expérience de voile: Il pratique cette activité depuis 1996 sur différents types d'embarcations. Il s'agit de son troisième convoyage.

PIERRE-PAUL AREND, 34 ans

Profession: Aventurier, instructeur de voile et de planche à voile

Rôle sur le bateau: Second

Expérience de voile: Plus de 30 ans. Il s'agit toutefois de son premier convoyage.

NATHALIE GAGNON, 43 ans, 1er convoyage

Profession: Vice-présidente gestion de projets et d'installations, NKF Devencore

Rôle sur le bateau: Cuisinière

Expérience de voile: Avant ce convoyage, elle avait navigué trois heures sur le lac Champlain avec une amie quand elle avait 16 ans.

SÉBASTIEN LAMOTHE, 34 ans 1er convoyage

Profession: Travailleur autonome

Rôle sur le bateau: Équipier

Expérience de voile: Quelques séjours d'une journée en mer.

MARIE-JOSÉE POTVIN, 34 ans, 1er convoyage

Profession: Directrice adjointe intérimaire, UQAM

Rôle sur le bateau: Routeur météo et copropriétaire du Zelkova

Expérience de voile: Elle pratique la voile depuis plusieurs années.

Qu'est-ce qu'un convoyage?

Aux dires d'un vieux sage, un convoyage est la façon la plus dangereuse de relier deux points. Chaque année, plus d'une centaine de bateaux quittent les Bahamas pour le lac Champlain. Afin de compléter leur équipage, certains capitaines recherchent des équipiers pour effectuer quelques tâches sur le vaisseau. Les besognes à effectuer, telles que la cuisine et l'assistance à certaines manoeuvres, demandent souvent peu de connaissances de la pratique de la voile.

Les qualités recherchées sont principalement la débrouillardise, la curiosité et, surtout, l'autonomie. Les équipiers doivent être prêts à faire face à différentes situations. Une mer calme est idéale pour lire et se reposer. En revanche, une météo moins clémente demandera souvent un engagement plus physique et peut causer le mal de mer. La facilité qu'a un individu à vivre en groupe est également un facteur à considérer avant de monter à bord.

Le convoyage que nous avons vécu s'est avéré facile et agréable pour tous. Mais chaque aventure est unique et peut avoir une conclusion bien différente.

L'équipier doit assumer ses frais de déplacement pour se rendre à destination. Il doit aussi contribuer à la caisse de bord qui servira à payer l'eau et la nourriture pour la durée du périple. Le montant varie d'un bateau à l'autre. Sur le Zelkova, il avait été fixé à 225$.

Envie de tenter l'expérience?

Voici quelques sites qui permettent aux équipiers de trouver un voilier sur lequel voguer.

La prochaine vague de convoyages aura lieu cet automne à destination des Bahamas.

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