L'image que projette une destination est très importante dans ce monde où les pays s'arrachent les touristes en leur promettant le voyage de leur vie. Le Canada, et le Québec, en perte de vitesse, sont-ils de bons vendeurs?

On ne choisit pas sa destination de vacances par hasard. On a aperçu un panneau à la sortie du pont, lu un reportage dans un magazine ou sur un blogue où l'on racontait une escapade en famille dans un endroit si beau qu'on a décidé d'y aller à son tour.

Derrière ces impressions qui semblent innocentes et spontanées, il y a souvent une efficace équipe de promotion qui a su vendre le bon élément à la bonne personne.

Le marketing touristique est essentiel à la croissance d'une destination. «Si les gens ne nous connaissent pas, ils ne viendront pas», dit Lucie Charland, directrice générale de l'Association québécoise de l'industrie touristique (AQIT).

Le Québec, tout comme le Canada, a connu des jours meilleurs en matière de tourisme. Des observateurs et acteurs du milieu croient que notre difficulté à bien nous vendre est en partie responsable de notre performance décevante en tant que destination. «Le budget de la Commission canadienne du tourisme avait fondu en 10 ans, note Lucie Charland. Nous sommes en période de restriction budgétaire, mais il ne faut pas voir les organismes de promotion touristique comme un poste de dépenses. C'est un investissement qui génère d'importantes retombées économiques.»

Elle n'est pas la seule de cet avis. «Couper dans le marketing est la pire erreur à faire quand les affaires ne vont pas bien», dit André Roy, directeur de l'Office de tourisme de Québec.

Conscient qu'il faut attirer plus de voyageurs, Ottawa vient d'augmenter le financement de la CCT, précisément pour réinvestir dans le marketing touristique. Québec dévoilera le mois prochain son plan pour relancer l'industrie, dans lequel il sera aussi question de marketing, confirme la ministre du Tourisme, Dominique Vien.

Car la situation est préoccupante: le Québec fait face à un important déficit touristique. «La balance touristique, c'est l'écart entre les visiteurs qui entrent et les résidants qui sortent», explique Lucie Charland. En 2012, les Québécois ont dépensé 3,4 milliards de plus dans leurs voyages à l'étranger que les étrangers en visite ici. Pour réduire cet écart qui joue en défaveur du Québec, il faut impérativement miser sur l'augmentation du nombre de touristes étrangers en visite ici, dit-elle. Et pour qu'ils viennent, il faut bien se vendre.

L'Association québécoise de l'industrie touristique croit qu'il faudrait confier le marketing à une agence indépendante plutôt qu'à Tourisme Québec. «On souhaite que l'entité qui fait la promotion soit plus agile», dit Lucie Charland.

Le tourisme est lié à plusieurs facteurs incontrôlables.

Si le taux de change est en faveur des touristes américains, une campagne ciblée peut leur donner envie de visiter le Québec, si elle est faite au bon moment. Un ministère n'a pas cette souplesse, explique la directrice générale de l'AQIT.

Surtout dans un monde où le marketing touristique évolue à la vitesse grand V. Ce que confirme François Lacoursière, associé principal chez Sid Lee, qui a réalisé des mandats dans l'industrie du tourisme, notamment chez Tourisme Montréal, où l'agence a orchestré la campagne Montréal Moments. «En tourisme, on ne doit pas mettre de l'avant la même chose selon que l'on fasse la promotion aux États-Unis ou en Europe, explique ce spécialiste de l'image. On ne va pas vendre le côté français du Vieux-Montréal à des Français!»

La grande séduction

Afin d'être attrayant pour les touristes, il faut d'abord les comprendre. Et les touristes ont changé. Ayant le monde à leur portée, ils veulent maintenant passer des vacances sur mesure: une semaine de randonnée, quatre jours intenses d'escapade en ville, un voyage détox sans tablette ni téléphone, une tournée épicurienne des vignobles, des fromagers, des microbrasseries...

«Plus le touriste vient de loin, plus il faut lui présenter une offre ciblée», dit Marc-Vincent Bobée, directeur général du groupe Le Massif. Les grands espaces, c'est bien, mais il faut désormais être plus précis. «Je pense qu'on doit trouver trois ou quatre produits d'appel plutôt que de faire la promotion de 42 pour vouloir satisfaire tout le monde», dit M. Bobée. Dans Charlevoix, il y a le Massif, les parcs nationaux, le fleuve et les baleines, explique-t-il. À cela se greffe une offre gastronomique et culturelle intéressante, mais que les touristes peuvent trouver ailleurs. Selon Marc-Vincent Bobée, il faut établir des points forts, appuyés d'une offre complémentaire tout aussi forte.

Laurent Bourdeau est du même avis. Le professeur du département de géographie de l'Université Laval travaille sur un projet de tourisme sensoriel dans la Forêt Montmorency. Derrière cette description un peu ésotérique, les projets touristiques élaborés dans la forêt sont on ne peut plus terre à terre. On propose notamment aux visiteurs une journée champignons qui commence le matin par la cueillette, se poursuit l'après-midi par l'identification avec un mycologue et se termine avec un chef, qui montre aux participants comment apprêter les champignons.

Huit préoccupations pour la ministre

À l'été, la ministre du tourisme, Dominique Vien, va prendre des vacances en Gaspésie. Avant de partir, elle doit déposer son Plan pour la révision du modèle d'affaires et de gouvernance du tourisme au Québec, un important document qui guidera l'avenir de ce secteur économique. Nous l'avons rencontrée pour en discuter.



Économie

«Pour certaines municipalités du Québec, le tourisme est pratiquement "mono-industriel". Des gens comptent sur le tourisme, alors on ne peut pas l'ignorer. [...] C'est le troisième produit d'exportation, après l'aluminium et l'aéronautique. Ce n'est pas rien.»

Marketing

«Nous avons le défi de bien nous positionner, car nous avons une occasion à saisir. [...] Dans les prochaines années, il va y avoir 1,8 milliard de nouveaux touristes dans le monde. C'est 1,8 milliard de personnes qui vont se demander où aller en voyage.»

Régions

«Nous avons besoin de cohérence. Les régions vont se vendre à l'étranger, chacune de leur côté, et le message est dilué. [...] Ça va prendre quelqu'un qui va gérer ça.»

Développement

En 2012, le gouvernement a lancé le Plan de développement de l'industrie touristique 2012-2020, le PDIT. «C'est mon plan de match à moi aussi. Le PDIT, c'est ma bible. [...] Les objectifs sont ambitieux: augmenter de 5% les recettes touristiques d'ici 2020. Si tout va bien, cela apportera 7 milliards de dollars en retombées et la création de 50 000 emplois.»

Nord

«Le Grand Nord est un produit qui va s'adresser aux touristes étrangers en quête d'une destination exotique. Je suis réaliste. Ce n'est pas demain la veille que 200 000 personnes vont débarquer dans le Grand Nord, mais l'important était de commencer le développement. Les communautés sont mobilisées, les gens d'affaires aussi.»

Croisières

«Nous avons développé six escales, hormis Montréal, Trois-Rivières et Québec et dépensé 50 millions dans ce projet. Maintenant, les croisiéristes reviennent, c'est un marché exponentiel. Nous sommes rendus à 1600 emplois directs générés par les dépenses des passagers et des compagnies de croisière.»

Hébergement

«En région, le parc hôtelier a besoin d'un coup de barre. Peut-être d'une aide particulière. Le financement est difficile à obtenir. Elles [les régions] n'ont peut-être pas les mêmes moyens que les grands centres.»

Croissance

«On pourrait lancer un appel aux Québécois: passez une fin de semaine par année au Québec. Ça représenterait 3 milliards de dollars en retombées économiques.»