Vedette de plusieurs émissions de télévision et auteur de multiples ouvrages sur la cuisine, le chef Michael Smith a roulé sa bosse dans les cuisines de Londres, de Manhattan, de l'Amérique du Sud et des Caraïbes... avant de déménager ses chaudrons à l'Île-du-Prince-Édouard, sur la côte est canadienne. Le passionné gastronome est devenu l'ambassadeur culinaire de l'Île-du-Prince-Édouard.

«Je travaillais à New York et il me manquait quelque chose», raconte le chef aux journalistes étrangers qui l'ont accompagné pendant quelques jours dans l'île. «Je suis venu ici pour des vacances en été et je me suis tout de suite senti chez moi.» En 1992, il devient chef à l'auberge The Inn at Fortune Bay, un établissement de style Cape Cod en bordure de la mer dans l'est de l'île, autrefois fréquenté par les acteurs de Broadway. Le chef en fait un véritable restaurant régional en créant des alliances avec 75 producteurs de l'île. Par son approche, il révolutionne la cuisine de la province. Michael Smith filme sa première émission de télé dans la cuisine de cette auberge, à laquelle il consacrera sept années de sa vie. L'auberge de Baie Fortune a été récipiendaire du prix 4 diamants décerné par le CAA-AAA pendant 10 années de suite. Aujourd'hui, le jeune chef Warren Barr, originaire de Vancouver, crée une cuisine contemporaine créative en utilisant les produits de l'île.

«J'ai voyagé à travers le monde, raconte Michael Smith. Des cuisiniers de divers pays font des pieds et des mains pour avoir des succès gastronomiques et touristiques, mais ils n'ont pas au départ ce qu'il faut. Ici, au contraire, nous pouvons toujours manger frais et localement. Car l'île est une immense ferme verdoyante flottant sur une mer abondante.»

Une destination culinaire

Avec ses routes tranquilles qui serpentent au travers des vastes champs, ses ports de pêche pittoresques, ses falaises rouges qui tombent dramatiquement dans une mer bleue et ses kilomètres de rubans de plages sablonneuses, l'Île-du-Prince-Édouard est un paradis de vacances, dans un décor de carte postale. Et depuis quelques années, la plus petite province canadienne est devenue une véritable destination culinaire. Alors, faire bombance durant les vacances... pourquoi pas?

Tous n'auront pas la chance de découvrir la culture culinaire de l'île en compagnie d'un chef célèbre, mais en empruntant le Sentier des saveurs (www.peiflavours.ca), ils croiseront des agriculteurs, des pêcheurs et des producteurs artisans qui, de génération en génération, ont cultivé la passion pour les aliments locaux. Ce Sentier des saveurs est aussi jalonné de restaurants de cuisine régionale et de lieux où il est possible de vivre une véritable aventure culinaire.

C'est ainsi que nous avons fait connaissance avec les frères Jenkins à Charlottetown, pêcheurs et propriétaires d'un bateau d'excursion de pêche, le Top Notch Charters. De la petite marina de Charlottetown, ils emmènent les touristes en mer pour leur faire découvrir cette ressource importante qu'est le homard, à l'aide d'un petit cours 101 sur le crustacé rouge. L'excursion est agrémentée d'un repas de homard. «La pêche a toujours été l'une des bases de l'économie insulaire», affirme Mark Jenkins. L'île compte en effet plus de 4500 pêcheurs et équipages qui se consacrent à la pêche commerciale, dont 1300 bateaux de pêche au homard et une soixantaine d'usines de transformation. Le homard représente la plus importante ressource de l'île, avec des prises d'environ 20 millions de livres chaque année.

Et que dire des moules bleues de l'Île-du-Prince-Édouard, célèbres dans le monde? On les récolte toute l'année, même durant l'hiver, à travers la glace. La production de moules bleues de l'île représente 80 % de la production canadienne. L'Île-du-Prince-Édouard compte également plus de 750 cueilleurs d'huîtres. À Souris, dans l'est de l'île, Léo Flynn cultive dans les eaux pures de la baie de Colville des huîtres dont la coquille est verte et la chair dodue. Comme tous les cueilleurs d'huîtres, Léo travaille avec une petite barque plate et ramène les huîtres depuis le fond, avec des pinces dentées. «L'huître est l'ingrédient qui exprime le mieux le terroir insulaire», affirme le chef Michael Smith, qui se plaît à dire que les huîtres de la baie de Colville (Colville Bay oysters) sont les meilleures de la province.

Nous accompagnons ensuite le chef à la ferme de Becky Town-shend, à Fortune (www.fortune organics.com). «Ici, raconte Becky, sept générations de ma famille ont cultivé cette terre qui servait à la culture traditionnelle de la pomme de terre. On en récoltait jusqu'à 15 millions de livres chaque année.» Becky a choisi de pratiquer une agriculture biologique. «Mes carottes goûtent celles de grand-maman», affirme la jeune productrice. «Et c'est ce que les gens recherchent, s'empresse d'ajouter Michael Smith. Ils veulent savoir d'où viennent les aliments qu'ils mangent.»

En tout, 55 producteurs biologiques certifiés ont choisi, comme Becky Townshend, la culture et l'élevage biologiques. Sur les 566 000 hectares qu'occupe l'Île-du-Prince-Édouard, environ 25 000 sont consacrés à l'agriculture. Industrie numéro un de la province, l'agriculture est constituée de fermes laitières, de fermes porcines et bovines, de la culture de petits fruits et de légumes, dont, bien sûr, la fameuse pomme de terre... La riche terre sablonneuse, l'air pur et l'eau constituent l'environnement idéal pour la culture de la pomme de terre, qui est récoltée dans l'île depuis le XVIIIe siècle. D'un bout à l'autre, l'île est émaillée de multiples champs de pommes de terre; elles sont cultivées en plus de 30 variétés et expédiées dans plus de 30 pays du monde. Et les recettes de l'île qui lui font honneur témoignent de l'esprit de créativité des insulaires.

Julie Shore est la première femme de l'île à fabriquer une vodka avec la pomme de terre. Elle nous reçoit vêtue d'un t-shirt sur lequel on peut lire : «I like my potatoes smashed, distilled and on the rocks.» Et elle possède un chien qui se nomme Whisky. Julie Shore vient d'une famille de distilleurs et après avoir voyagé à l'extérieur de son île, elle a décidé de revenir s'y installer. Sa vodka à la pomme de terre a mérité une médaille d'or (www.princeedward distillery.com). Julie gère également l'auberge Johnson Shore Inn, sur l'une des côtes les plus spectaculaires de l'île. Son auberge domine une falaise rouge avec vue imprenable sur le golfe du Saint-Laurent. Tôt le matin, on peut y admirer de magnifiques levers de soleil sur la mer.

À Rollo Bay, tout près de Souris, Ken et Danielle Mill ont mis sur pied la première petite distillerie artisanale dans laquelle ils reproduisent les anciens spiritueux de l'Île-du-Prince-Édouard. L'époque de la prohibition a été très longue dans l'île, apprend-t-on à la Myriad View Artisans Distillery (www.straits hine.com); tous les insulaires fabriquaient de l'alcool de contrebande et faisaient de la bagosse à la maison. Ken et Danielle Mill reproduisent cinq alcools différents, dont le gin, le rhum et la vodka, qu'utilisent à l'occasion les chefs de l'île dans leurs créations culinaires.

École de chefs

Bon nombre des chefs de l'île ont été formés à l'Institut culinaire du Canada, à Charlottetown, qui est l'une des grandes écoles culinaires du Canada. Durant l'été, les touristes et visiteurs d'un jour peuvent également y vivre diverses expériences culinaires en s'inscrivant à des demi-journées ou des journées de cours dans une cuisine ultramoderne. Ils peuvent par exemple participer à un atelier d'introduction aux fruits de mer, suivi d'un repas dégustation, ou encore s'inscrire à un atelier sur l'accord des chocolats ou des vins. «Ici, nous optons pour du comfort food comme la cuisine de grand-mère», souligne Marc Brunet, responsable d'un des ateliers (www.culinarybootcamps.com).

Avec toute cette abondance de produits frais, l'Île-du-Prince-Édouard est l'hôte de nombreux festivals culinaires, dont le Festival des fruits de mer de Charlottetown et le grand Festival des saveurs d'automne. Elle a aussi un petit Festival du chocolat. À Victoria-by-the-Sea, un minuscule village au cachet vieillot, Linda Gilbert et son fils dirigent la Island Chocolate Factory, une entreprise installée dans le vieux magasin général de l'endroit. Le lieu est décoré de vieilles boîtes de chocolat, moules anciens, livres sur l'histoire du chocolat, etc. Linda et son fils ont créé ce festival pour plaire aux amoureux du chocolat. Il se déroule sur une journée au mois de septembre et inclut diverses activités, telles thérapie au chocolat, massage au chocolat, atelier sur la façon de manger le chocolat et, bien sûr, dégustations...

L'Île-du-Prince-Édouard s'est fait connaître avec la fabuleuse histoire d'Anne et la maison aux pignons verts. Et aujourd'hui, on la découvre de plus en plus comme étant le paradis des gourmets et des gastronomes. Et les visiteurs ont la chance d'être en contact avec les producteurs, les éleveurs et les pêcheurs. «Ce qui est impossible à New York et à Londres», affirme le chef Michael Smith.

www.gentleisland.com

Événements culinaires

> Festival international des fruits de mer de l'Île-du-Prince-Édouard Une occasion de déguster des tonnes de fruits de mer de l'île et de rencontrer des gastronomes et chefs réputés. Du 16 au 18 septembre, en bordure de la mer, à Charlottetown. 1 866 955-2003 www.peishellfish.com

> Saveurs d'automne de l'Île-du-Prince-Édouard. Plus de 250 activités culinaires à travers l'île qui célèbrent les goûts et les traditions qui font la renommée de l'île. Le meilleur de la terre et de la mer. Du 2 au 25 septembre. www.peiflavours.ca

> Festival des bleuets de Saint Peters, du 1er au 7 août. Pour satisfaire les papilles gustatives : tartes, tartelettes et autres douceurs. Aussi des démonstrations de barbecue, des feux d'artifice au-dessus de la baie de Saint Peters. www.stpetersblueberryfestival.ca

Restaurants

> Restaurant Lot 30. La relation étroite que le chef Gordon Bailey entretient avec les plus grands producteurs artisans de l'île lui permet de composer avec les meilleurs aliments de l'île. Huîtres absolument fraîches, pétoncles délicieux. Atmosphère urbaine, décor très moderne et branché. 1541, rue Kent, Charlottetown. www.lot30restaurant.ca

> Resto Ship to Shore. Un resto au milieu de nulle part, qui ressemble à un vieux motel au bord de la route. Le menu est écrit avec un caractère de dactylo. On constate tout de suite que l'accent n'est pas mis dans la décoration du restaurant, mais dans l'assiette : tout est absolument délicieux. Sur le menu, on trouve clam chowder, fish cakes, huîtres, moules et frites et aussi les cheeseburger, spaghetti meat balls... Ce restaurant a été classé septième au palmarès des meilleurs nouveaux restaurants au Canada en 2009, par le magazine En Route. 2684, route 20, Darnley. www.shiptoshorelounge.com

> Sims Corner Steakhouse and Oyster Bar. On y sert une grande variété de steaks de boeuf et des huîtres. À la terrasse, on peut déguster notre repas en écoutant et regardant des musiciens locaux. 86, rue Queen, Charlottetown. sims@murphyrestaurants.ca