Au coeur de l'été, les plages de Torremolinos, sur la Costa del sol espagnole, sont généralement bondées, mais cette année, les rangées de chaises longues sont orphelines de touristes douchés par la crise.

Chaleur et soleil n'y font rien, sur le front de mer de cette station balnéaire du sud de l'Espagne, les bars, restaurants et autres magasins de souvenirs proposant des robes de danseuses de flamenco ou des maillots du Real Madrid tournent au ralenti. Certains ont même choisi de fermer pour travaux.

«C'est le pire été que j'ai jamais vu. Il n'y a personne sur la plage», déclare Pedro Hervas, morose à l'intérieur de son échoppe en forme d'orange géante, où il propose aux touristes assoiffés du jus d'agrumes depuis 20 ans.

«Si vous étiez venus l'an dernier, vous n'auriez même pas pu approcher, tellement il y avait de monde», affirme cet Espagnol de 57 ans.

L'Espagne, troisième destination touristique mondiale, fameuse pour ses vastes plages prises d'assaut par les Britanniques, les Allemands ou les Néerlandais, sent passer la crise. Et la chute de la livre sterling n'a rien arrangé, étant donné que les Britanniques représentent un quart du total des touristes.

Au cours des six premiers mois de l'année, l'Espagne a accueilli 23,6 millions de visiteurs étrangers, 11,4 % de moins que l'an dernier, selon le ministère du Tourisme. La chute est de 16,3 % pour les Britanniques.

Le gouvernement prévoit une baisse de 10 % sur les mois d'été: juin, juillet, août. De plus, ceux qui viennent quand même dépensent moins.

Robert Downey, ancien chauffeur de taxi à Glasgow devenu tenancier d'un pub qui propose les fameux fish and chips chers au coeur des sujets d'Elizabeth II, dit que son activité a diminué de 30 à 40 % cette année.

«D'habitude, les clients venaient à 21 h et prenaient quatre ou cinq boissons. Maintenant, ils arrivent à 22 h et n'en prennent que deux ou trois», se plaint-il, derrière le bar de son pub vide en fin d'après-midi.

Les étrangers en Espagne ont dépensé 20,9 milliards d'euros au cours des six premiers mois, en baisse de 7,6 % sur 2008, selon le ministère.

C'est un problème pour le gouvernement socialiste espagnol, confronté à la profonde récession de l'économie, et alors que le secteur compte pour 11 % du total des emplois du pays.

Le pouvoir a décidé d'allouer un milliard d'euros au secteur pour lui permettre d'affronter la crise, et surtout, de moderniser ses infrastructures.

En effet, les plages du pays, largement bétonnées par de grands complexes hôteliers, répondent de moins en moins aux nouvelles attentes des touristes, de plus en plus indépendants des tours operators, selon les analystes du secteur.

Les autorités espagnoles ont récemment lancé une série de promotions en Grande-Bretagne, baptisée «A Taste of Spain», pour vanter la culture et la nourriture espagnoles, plutôt que les plages et le soleil.

Car aujourd'hui, le ministère estime que «plus de 65 % des touristes qui viennent en Espagne cherchent le soleil et la plage».

Pour autant, Trevor Davis, directeur de Co-opérative Travel, réseau d'agences de voyage indépendantes en Grande-Bretagne, n'envisage pas que l'Espagne soit délaissée par ses compatriotes.

«Pas du tout. Nous prévoyons un retour en force de l'Espagne quand la livre sterling va remonter», a-t-il déclaré.