Dans une décision rendue il y a deux semaines, la Cour fédérale vient de donner raison à Équiterre et à la Fondation David Suzuki. Les deux groupes écologiques demandaient au ministre de la Santé qui chapeaute l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (l'ARLA) d'appliquer la loi fédérale qui l'oblige à faire un « examen spécial » des pesticides interdits par un pays membre de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).

Santé Canada devra ainsi faire l'examen spécial de 350 pesticides contenant 23 ingrédients interdits dans un pays membre de l'OCDE pour des raisons de santé.

Nadine Bachand, chargée de projet chez Équiterre, s'est réjouie de la décision de la Cour fédérale. « C'est un jugement important qui confirme que la ministre de la Santé n'a pas de pouvoir discrétionnaire concernant l'examen des pesticides. Au fond, tout ce qu'on demandait, c'est que le gouvernement applique sa loi. C'est ce que la Cour fédérale vient de reconnaître. »

Selon Mme Bachand, dès le dépôt de la poursuite judiciaire d'Équiterre en 2013, l'Agence fédérale a commencé à faire l'examen de certains pesticides, mais pas de manière systématique.

Malgré la décision de la Cour fédérale, le combat des groupes écologiques pour interdire des pesticides bannis dans d'autres pays est loin d'être gagné.

Le 15 décembre dernier (avant même la décision de la Cour fédérale), Santé Canada a commencé l'examen spécial de l'atrazine (comme la loi l'exige). Il a conclu qu'il « ne pose pas de risques inacceptables en ce qui concerne l'eau potable, la santé humaine ou l'environnement ». L'Agence fédérale propose ainsi de maintenir l'homologation des pesticides qui contiennent de l'atrazine, un herbicide de synthèse interdit depuis 2004 en Europe, qui sert essentiellement à éradiquer les mauvaises herbes dans les champs de maïs.

Décision finale d'ici un an

L'ARLA rendra une décision finale d'ici un an, après avoir pris connaissance des commentaires formulés par le public et les groupes d'intérêts - comme le prévoit la procédure de l'Agence.

« Nous avons soumis nos commentaires à l'Agence, a indiqué Nadine Bachand, qui travaille de près avec l'Association des médecins pour l'environnement. Une rencontre avec la ministre de la Santé Jane Philpott est aussi prévue au mois de juin. C'est un signe encourageant. » Selon cette spécialiste des pesticides, l'atrazine est un « perturbateur endocrinien reconnu ».

« L'atrazine est l'un des plus importants contaminants des nappes d'eau, estime Équiterre. Il affecte directement le système immunitaire et la croissance des poissons et des amphibiens. L'eau potable qui contient des résidus d'atrazine augmente aussi de 2,5 fois le risque de cancer du système lymphatique » chez l'humain, selon une étude publiée dans Environment Health Insights en 2013.

Le processus d'évaluation de Santé Canada est au coeur des préoccupations d'Équiterre. « On ne sait pas quelles sont les données prises en compte dans les décisions de l'Agence, nous a dit Mme Bachand. On aimerait améliorer la transparence de ce processus. Y a-t-il des études indépendantes ou proviennent-elles de l'industrie ? Quelles études sont écartées ? Pourquoi ? On veut savoir. »

Pour l'instant, Équiterre n'a pas l'intention de mettre en place de nouveaux moyens de pression - une pétition pour bannir l'atrazine avait été envoyée au gouvernement au mois de mars dernier. « Nous allons d'abord rencontrer la ministre de la Santé et puis nous évaluerons les moyens à notre disposition pour continuer de faire pression sur le gouvernement. »

Parmi les autres ingrédients dans la ligne de mire d'Équiterre : le 2,4-D, l'un des herbicides les plus vendus au Canada (1 million de kilogrammes par année). Selon l'Agence pour la recherche sur le cancer de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le 2,4-D serait un ingrédient « cancérigène probable » chez l'humain. Il a notamment été banni en Norvège, pays membre de l'OCDE.