La photothérapie pour les bébés à risque de jaunisse est de plus en plus populaire, grâce à l'introduction de modèles portatifs pouvant être utilisés à la maison, ce qui inquiète les oncologues.

Ceux-ci préviennent depuis les années 70 que la photothérapie pourrait augmenter le risque de contracter certains cancers. Deux nouvelles études américaines parues dans la revue Pediatrics relancent ces inquiétudes.

«La plupart des spécialistes s'entendent pour dire que nous devons être plus prudents avec la photothérapie», indique Thomas Newman, épidémiologiste pédiatrique à l'Université de Californie à San Francisco.

«Elle est souvent donnée aux nouveau-nés à des niveaux de risque inférieurs aux lignes directrices de l'Académie américaine de pédiatrie. Et même là, pour éviter un cas de dommage au cerveau à cause de la jaunisse, le nombre de bébés qu'il faut traiter avec la photothérapie est très élevé. Il est très probable que les lignes directrices changent.» Le Dr Newman fait partie du comité chargé de modifier ces lignes directrices, ce qui sera fait d'ici deux ans.

L'étude du Dr Newman a suivi 500 000 bébés californiens pendant deux mois après leur naissance. Le risque de leucémie était 2,1 fois plus élevé chez les 40 000 bébés soumis à la photothérapie, mais il n'était plus statistiquement significatif quand les chercheurs tenaient compte de certains facteurs de risque pour la leucémie, comme des anomalies congénitales. «Il y a cependant de petits indices d'effet de dose, alors il est fort possible qu'avec un suivi plus long, l'augmentation du risque soit statistiquement significative», dit le Dr Newman.

L'autre étude, qui a suivi 5 millions d'enfants californiens pendant un an après la naissance, a calculé que la photothérapie augmentait de 2,6 fois le risque de contracter une leucémie myéloïde et de 1,6 fois le risque d'avoir un cancer en général, mais n'a pas tenu compte des facteurs de risque comme celle du Dr Newman. «La leucémie myéloïde est particulièrement grave, alors ça renforce le besoin d'être prudents et de bien évaluer la nécessité de la photothérapie, dit le chercheur de l'UCSF. Ceci dit, il n'y a pas eu d'augmentation de la prévalence dans la population de cancers pour lesquels il existe un lien de cause à effet avec la photothérapie.»

Mutations chez des bactéries

Le signal d'alarme sur la photothérapie a tout d'abord été sonné en 1979 par des chercheurs américains qui avaient observé un taux anormal de mutations génétiques chez des bactéries exposées à une telle lumière. L'inquiétude a été relancée en 1995 par une vaste étude suédoise ayant analysé toutes les naissances entre 1973 et 1989. Le risque de développer une leucémie myéloïde augmentait de 7,5 fois chez les enfants exposés à la photothérapie, mais ce risque n'était plus statistiquement significatif (de peu) quand les chercheurs suédois excluaient les enfants trisomiques.

«Les chercheurs suédois n'ont pas voulu inquiéter les gens, explique le Dr Newman. Nous n'avons pas encore de lien causal entre la photothérapie néonatale et le cancer, mais plusieurs raisons biologiques laissent penser que la photothérapie pourrait jouer un rôle.»

La photothérapie n'augmenterait pas nécessairement le risque de contracter un cancer pendant toute la vie. Le Dr Newman veut maintenant voir durant combien de temps le risque est augmenté après la photothérapie néonatale.

L'utilisation de la photothérapie est particulièrement élevée en Californie: près de 16 % des bébés nés de parents clients de l'assureur Kaiser Permanente y étaient soumis en 2011, généralement à la maison; ce taux était de 3 % en 1995, quand la photothérapie à la maison n'existait pas. Au Canada, la photothérapie a «d'ordinaire» lieu en hôpital, selon la Société canadienne de pédiatrie.