«Résultats inédits en 30 jours.» «Transformation extraordinaire!» Les défis de conditionnement physique d'un mois abondent sur les réseaux sociaux, accompagnés de photos on ne peut plus convaincantes. Supercherie ou source de motivation? Avant de passer de 20 à 250 squats en 30 jours, voici l'avis d'experts.

Ces dernières années, les programmes d'entraînement de type 30 jours ont gagné des millions d'adeptes sur les réseaux sociaux. Le mouvement fétiche de ces défis de mise en forme: le squat.

Alors, aura-t-on vraiment ces fesses d'enfer si on passe de 20 à 200, voire 300 accroupissements chaque jour, en un mois? Y laissera-t-on la santé au passage?

«C'est certain qu'un des meilleurs exercices pour les fesses, c'est le squat!», lance d'abord en riant Francis Gilbert, président de la Fédération des kinésiologues du Québec. Il considère toutefois ce genre de défi avec circonspection: «Quand on tente de relever un défi, on sort de notre zone de confort. Et ça, c'est excellent! Mais il faut s'assurer que ce défi est adéquat pour nous.»

Il suffit de taper «mise en forme» dans le moteur de recherche des réseaux sociaux pour se voir proposer des programmes dont la progression est très rapide. Squats, planche, redressements assis, pompes... ces défis tiennent sur une page, avec, au centre, la photo d'un mannequin musclé.

Le concept: démarrer le jour 1 avec quelques répétitions d'un mouvement qui développera un groupe de muscles bien précis. Quotidiennement, pendant un mois, on ajoute des répétitions. Les jours de repos sont rares et la progression, rapide. Dans un monde où tout va vite, la tentation est grande.

«Ceux qui ne se sont jamais entraînés vont voir des résultats, c'est certain. Ils vont voir un changement, car ils n'ont jamais rien fait», affirme Dean Hollingworth, entraîneur physique qui compte notamment la joueuse de tennis Eugenie Bouchard parmi ses clients. Une fois l'entraînement bien intégré à la routine, mieux vaut toutefois varier les exercices, ajoute-t-il. «N'importe quel exercice où l'on utilise notre corps, comme les squats, la planche, les redressements assis, c'est intéressant. Par contre, un seul exercice pendant 30 jours? Et après, on fait quoi? Si on a la piqûre, il faut varier, avoir un plan à plus long terme.»

Une question de technique 

Varier, d'accord, mais se protéger aussi des blessures en adoptant une bonne technique et en respectant ses limites, peu importe les promesses du défi en question. «Je le vois dans le gym, avec certaines personnes, il est même difficile de faire trois séries de dix squats la première fois!, constate Dean Hollingworth. Et encore, faire un squat correctement, c'est un défi!»

Il estime que trois personnes sur quatre ne font pas ce type d'exercice correctement. Pieds trop rapprochés, dos courbé... sans la bonne technique, il est difficile de soutirer un maximum de bienfaits de ces mouvements.

Mais quand on lui demande comment faire un squat de la bonne façon, l'entraîneur explique que le mouvement varie d'une personne à l'autre. «Oui, c'est vrai que je pourrais dire que pour faire un squat, il faut placer les pieds un peu plus larges que les épaules, et qu'il faut descendre en gardant les fesses vers l'arrière, la poitrine haute. Par contre, on a souvent un débalancement musculaire qui fait qu'il est impossible de le faire de cette façon. Il faut adapter le mouvement.»

Il ajoute que, pour certains sportifs amateurs, il peut être bénéfique de diminuer le nombre de répétitions d'un exercice et d'ajouter du poids au mouvement, avec de petits haltères.

«On est tous des humains, mais à l'intérieur, la structure de notre corps est très différente, confirme Francis Gilbert. Si on fait ce genre de défi et qu'on n'est pas à l'écoute de notre corps ou encore qu'on tolère bien la douleur, on peut nuire à notre condition physique. Par contre, si on y va prudemment et que l'effet à long terme, c'est qu'on bouge enfin, les bénéfices sont intéressants!»

Motivation, quand tu nous tiens

En février 2014, avant un voyage à la plage avec des copines, Sylvie Parent a créé la page Facebook «Défi squat 30 jours - fesses de fer». L'objectif était plutôt ludique et sans prétention, mais rapidement, son initiative a fait mouche.

«C'était un projet entre nous au départ. On se disait en riant qu'on voulait avoir de belles fesses sur la plage, mais deux mois plus tard, j'avais entre 5000 et 6000 personnes qui suivaient ma page! Ça a fait fureur!», raconte la mère de famille, employée de la fonction publique. 

Motivée par ce type de défi, elle a alors commencé à relayer sur sa page les programmes qu'elle juge pertinents. De son côté, elle a aussi entrepris une remise en forme totale: sédentaire il y a trois ans, elle s'est mise au karaté, puis au culturisme et à la boxe. Au total, elle a perdu plus de 20 kg.

Elle précise régulièrement aux internautes avec qui elle échange qu'elle n'est ni nutritionniste ni kinésiologue. Elle se montre toutefois préoccupée par les attentes «irréalistes» de certains.

IMAGE EXTRAITE DE LA PAGE «Défi squat 30 jours-Fesses de fer»

Ce type de défi touche toutefois une corde sensible: les images de femmes en bikini et d'hommes en jeans ajustés, les fesses rebondies, mettent l'apparence au premier plan.

«Est-ce que c'est une bonne chose? Je crois que si ta motivation pour aller t'entraîner, c'est d'améliorer ton apparence, O.K., vas-y! Mais pour arriver à ce résultat, il faut voir plus large, répète Dean Hollingworth, entraîneur. Tu peux t'entraîner pendant des heures, mais si tu ne changes pas tes habitudes alimentaires, si tu ne prends pas soin de toi, tu n'auras pas les résultats qui te font rêver.»

Dans ce plan à plus long terme, la nutrition doit effectivement être au premier plan, croit Francis Gilbert, kinésiologue: «On fait des exercices pour avoir une plus grande masse musculaire. On fait des abdos, des squats... mais s'il y a une couche de gras par-dessus, on ne les verra pas. N'empêche: tout ce que je fais de plus qu'hier pour me mettre en forme améliorera ma condition physique. Si je suis assis sur mon divan et que je fais seulement des squats, c'est toujours ça de plus! C'est un départ, et on peut construire là-dessus par la suite.»

Sylvie Parent abonde dans le même sens. «Il faut que ce soit ludique. Qu'on le fasse pour le plaisir. Un défi 30 jours, c'est accessible: on le réalise rapidement. Quand on se met des objectifs sur un an, par exemple, ça peut être décourageant! J'ai été sédentaire pendant 10 ans, et je sais que lorsqu'on recommence à bouger, les petits défis nous permettent d'avoir un objectif plus réaliste. Après on va plus loin!»

Passion et image corporelle 

Lorsqu'elle a développé son intérêt pour le conditionnement physique et qu'elle a voulu se lancer dans le culturisme, Sylvie Parent s'est posé cette question: et si, avec sa musculature développée, elle envoyait le mauvais message à ses quatre enfants?

«Je ne voulais pas leur envoyer le message que le «six-pack» et les cuisses musclées, c'est nécessaire, parce que mes filles vont avoir un jour 20 ou 25 ans. Elles vont avoir des enfants, elles vont peut-être prendre du poids et je ne veux pas que, lorsqu'elles auront de la broue dans le toupet, avec deux ou trois enfants et le lavage à faire, elles se regardent dans le miroir et se disent que leur mère avait un physique ultramusclé à 40 ans... Je ne veux pas qu'elles se sentent inadéquates.»

Elle a donc abordé la question avec ses enfants, et insisté sur ce point: l'entraînement et les défis de conditionnement physique, pour elle, c'est une question de dépassement. «J'ai travaillé mon estime de moi à travers l'entraînement, mais j'aurais tout aussi pu développer une autre passion! Ma cousine fait du tricot, et elle met autant d'énergie dans sa passion que moi dans mon entraînement, et c'est tout à fait correct!»