Études contradictoires, remise en question du rôle des parents et des enseignants, doutes sur l'existence même du trouble... mais pourquoi le TDAH soulève-t-il autant les passions ?

« J'aimerais bien que vous trouviez la réponse à cette question ! », s'exclame d'emblée Marie-Claude Guay, psychologue et professeure à l'Université du Québec à Montréal. Évidemment, souligne-t-elle, c'est la question de la médicamentation des enfants qui, spécifiquement, demeure un sujet très délicat.

« On est plus sensibles au fait qu'on donne des médicaments à un enfant pour traiter des comportements problématiques, et on a l'impression, je pense, que ça pourrait se traiter autrement, ajoute le Dr Martin Gignac, pédopsychiatre et directeur adjoint au département de psychiatrie à l'Université de Montréal. C'est une maladie qui est basée d'abord et avant tout sur des aspects neurobiologiques. »

Le médecin estime qu'il est sain de se questionner, d'explorer de nouvelles avenues, mais il soutient que plusieurs mythes demeurent. « Il y a encore beaucoup de gens qui voient un enfant tannant et qui disent "ses parents ne sont pas compétents". Souvent, ça n'a rien à voir, parce que cet enfant est vraiment différent. »

« Il faut cesser de culpabiliser les parents : outillons-les, plutôt, et aidons-les à encadrer cet enfant-là. Et parfois, la médication va les aider. »

Il suggère aussi de regarder la situation autrement : « Je comprends qu'on puisse s'offusquer si on traite des enfants qui n'en ont pas besoin. Par contre, si on ne traite pas ceux qui en ont besoin, il me semble qu'il est là, le scandale. »

Même son de cloche auprès de Marie-Claude Guay. « J'ai vu des enfants et des adolescents qui se ramassaient dans des classes pour jeunes avec troubles du comportement, ou en échec scolaire, et voilà que lorsqu'on introduit la médication, l'enfant réussit à l'école et les problèmes de comportement diminuent. On entend toujours parler du surdiagnostic, mais l'envers de la médaille, le préjudice qu'on cause à un enfant qui a un problème neurologique et qu'on ne traite pas est aussi grand que de traiter un enfant qui n'en a pas besoin. »

Les deux médecins précisent que, la plupart du temps, ils doivent rassurer des parents incertains d'avoir recours à la médication. « La médication fait partie souvent du tableau clinique, mais on va aussi regarder s'il y a de l'aide aux devoirs, de l'encadrement, la présence d'un éducateur autour de l'enfant, explique le Dr Gignac. Plus on est capable de mobiliser des ressources autour de lui, meilleures sont les chances de l'aider. »

La difficile recherche d'un test

Pour mettre fin au débat sur le possible surdiagnostic du TDAH, est-ce que la recherche permettra prochainement aux médecins de se prononcer à l'aide de l'imagerie médicale, par exemple ? Ou encore d'utiliser un test qui prouvera noir sur blanc que leur patient en souffre, hors de tout doute ? Rien n'est moins sûr, croient les deux spécialistes. « Aux États-Unis, quand on aborde la question, on parle de "quest for the test" [la quête du test] !, lance le Dr Gignac. Mais le principal obstacle, c'est que la pathologie est très hétérogène. On voit des manifestations, mais les mécanismes sous-jacents sont très hétérogènes d'un enfant à un autre. »

Tout le bruit autour du TDAH a toutefois ceci de positif, conclut Marie-Claude Guay : des chercheurs de partout dans le monde tentent de cerner ce trouble neurologique, et de trouver des moyens d'en diminuer les impacts. « Je regarde les conférences que je faisais en 2001 et celles que je fais aujourd'hui, et je constate qu'il y a plein de connaissances qui ont évolué ! C'est très encourageant. »