Courir sur la cadence de Gangnam Style. Pédaler au rythme de Like a Virgin. Ou soulever des poids sur l'air de Sweet Home Alabama. Depuis la miniaturisation du baladeur numérique, la musique s'est ancrée dans les moeurs de bon nombre de sportifs. Les mélodies ont-elles un effet réel sur l'entraînement? Quelle est la meilleure chanson pour maintenir la cadence? Un dossier à lire avec vos écouteurs!

Il court en écoutant de la musique pour se sentir moins seul; elle, pour ne pas ruminer ses pensées. Il écoute du vieux rock; elle, des chansons pop de l'heure. Mais ces notes qui remplissent leurs oreilles ont-elles un réel impact sur leurs pas de course ou leurs coups de pédale? Douze ans après la mise en marché du premier iPod, les avis demeurent partagés.

Un appel lancé dans un groupe de discussion consacré à la course a montré que le sujet déchaîne les passions. Si la plupart des coureurs ont affirmé qu'ils s'entraînent avec leur baladeur, d'autres ont indiqué qu'ils préfèrent le chant des oiseaux aux chansons pop de Rihanna. Et ce, même si les recherches tendent à démontrer qu'en plus des moeurs, la musique adoucit aussi l'entraînement.

Le Dr Costas Karageorghis, chercheur à l'Université Brunel de Londres et coauteur du livre Inside Sport Psychology, est connu mondialement pour ses recherches consacrées à l'influence de la musique sur l'entraînement. Selon lui, les effets positifs de la musique sur la performance sont indéniables pour une activité physique d'intensité faible à modérée. Quand l'activité devient plus intense, comme c'est le cas du sprint à vélo ou de la course très rapide, la musique devient moins efficace, parce que le cerveau ne peut pas la traiter adéquatement.

Selon le Dr Karageorghis, une musique bien sélectionnée influence positivement certains aspects de l'humeur, comme la vigueur, le bonheur et l'excitation, tout en réduisant des aspects négatifs comme la tension, la dépression, la colère et la fatigue. Par un processus appelé dissociation, la musique détourne l'attention des sensations de fatigue et diminue la perception de l'effort.

«Les personnes qui écoutent de la musique ont souvent tendance à s'entraîner plus longtemps, parce que la musique les motive», remarque Arielle Bonneville-Roussy, candidate au doctorat au Centre de psychométrie de l'Université de Cambridge, en Angleterre, qui étudie la psychologie de la musique.

L'influence de la musique sur la performance ne se limite pas à la course. Une étude a démontré une réduction de la consommation d'oxygène de 7 % lors d'exercices réalisés sur un vélo stationnaire en synchronisation avec la musique.

Une autre étude, réalisée par le Dr Karageorghis, a révélé que la musique a même un impact sur la natation. Les performances de nageurs ont ainsi été améliorées de 2% lors d'une nage style libre sur 200 mètres.

Il ajoute qu'en général, la musique peut accroître les performances de 15 % chez les sportifs de tous les jours - et non l'élite -, à condition que la vitesse de la foulée soit synchronisée au rythme de la musique. Bien qu'il soit un inconditionnel de la musique, le Dr Karageorghis tient à préciser qu'il vaut mieux éviter d'en écouter lorsqu'on s'entraîne sur la voie publique.

Une question de tempo

Le tempo compte donc pour beaucoup. Concevoir une liste de lecture adaptée à l'intensité de son entraînement en accroîtra l'efficacité. Le tempo idéal pour des activités comme l'escaladeur, le tapis roulant et le vélo stationnaire est entre 125 et 140 battements par minute (BPM). «Par exemple, le récent succès de PSY, Gentleman, qui a un tempo de 126 bpm, s'inscrit parfaitement dans cette gamme, note Costas Karageorghis. Pour faire des échauffements, des étirements ou pour se calmer, un tempo plus lent, soit entre 80 et 115 bpm, est plus approprié.»

Comment expliquer alors que certaines personnes s'entraînent au son de Mozart ou de Jean-Sébastien Bach? «Les recherches en préférence musicale démontrent que peu importe les activités que les gens font, s'ils aiment la musique, ils vont avoir tendance à persévérer, répond Arielle Bonneville-Roussy. Par exemple, si des coureurs écoutent de la pop et qu'ils n'aiment pas la pop, ils vont avoir tendance soit à changer de musique ou, le plus souvent, à arrêter. Pour ces gens-là, la musique classique est toujours motivatrice.»

Elle conseille donc aux gens qui fréquentent le gym d'apporter leur propre baladeur plutôt que de s'en remettre aux chansons crachées dans les haut-parleurs.

Chez Énergie Cardio, comme chez Nautilus Plus, les morceaux diffusés dans les salles d'entraînement proviennent d'une radio de type satellite. Les chansons choisies sont la plupart du temps rythmées. «On peut avoir du Marie-Mai suivi d'une chanson de Bon Jovi, indique la porte-parole d'Énergie Cardio, Marie-Ève Tardif. Ce qu'on veut, c'est que les gens aient une motivation, qu'ils disent: j'aime ça, cette toune-là, et que ça leur donne un boost

La chanteuse Luce Dufault est un exemple de coureuse mélomane atypique. Il lui arrive d'écouter la même chanson pendant presque toute la durée de son marathon. Et on ne parle pas ici du dernier tube de PSY, mais plutôt d'une ballade au rythme plutôt lent. «Mon premier marathon, je l'ai couru sur Pleine lune en décembre de Zachary Richard, se souvient-elle. C'est difficile de trouver plus lent et plus ballade que ça! À la toute fin, j'ai mis la chanson de Marc Anthony, My Baby You. C'est mon plaisir coupable. Il y a un crescendo hyper quétaine dans cette toune-là qui me donne des ailes. Et je me mets à la chanter en courant, ce qui est encore plus quétaine!»

Pour elle, la musique pendant la course est tellement importante que le jour où elle a aspergé d'eau son iPod pendant un marathon, un ami a dû lui prêter le sien pour l'aider à terminer la course.

Dans les marathons

L'utilisation des baladeurs dans les événements sportifs est controversée. Aux États-Unis, certains marathons interdisent le port d'écouteurs pour des raisons de sécurité. En 2007, la U.S. Track&Field, la fédération nationale d'athlétisme des États-Unis, a décidé d'interdire les écouteurs et les baladeurs numériques lors des courses officielles. Plusieurs coureurs ont déjoué l'interdiction, au risque de ne pas voir leur temps reconnu. L'année suivante, la U.S. Track&Field a revu sa décision pour ne l'appliquer qu'à la classe élite.

À Montréal, l'iPod est accepté sans problème, indique la directrice des communications du marathon de Montréal, Dominique Arsenault, elle-même fidèle utilisatrice du baladeur. «Comme nous sommes maintenant associés au marathon rock n'roll [Rock'n'Roll Marathon Series], la musique prend beaucoup de place avec 22 bands placés tout au long du parcours», explique-t-elle.

Le kinésiologue et ostéopathe Jean-François Harvey, auteur du livre Courir mieux, met toutefois en garde contre l'utilisation systématique de la musique en courant. «Quand on court sans musique, on favorise une meilleure conscience corporelle, explique-t-il. On est plus à l'écoute de nos sensations internes. On n'est pas influencé par une cadence dictée par la musique, qui n'est pas nécessairement notre cadence optimale.» Courir sans musique s'apprend, insiste-t-il. Êtes-vous prêts à tenter le coup?

La liste du Dr Karageorghis

Oliver Twist

D'Banj (125 bpm)

Gentleman

PSY (126 bpm)

Love me

Stooshe feat. Travie McCoy (128 bpm)

Let it Roll

Flo Rida (128 bpm)

Scream & Shout

will.i.am feat. Britney Spears (130 bpm)

Gangnam Style

PSY (132 bpm)

Feel This Moment

Pitbull feat. Christina Aguilera (136 bpm)

Slip

Stooshe (140 bpm)