Proposées dans les spas, les studios de yoga, les cabinets de naturopathes et sur le web, les cures de détoxification ont aujourd'hui la cote. Pendant quelques jours ou quelques semaines, on fait des coupes là où ça fait mal: alcool, caféine, aliments transformés, viande, sucre, gluten, produits laitiers. On se nourrit essentiellement de fruits, de légumes et de pousses diverses qu'on mange crus, souvent en jus. On ajoute à cela des suppléments (pour pallier les carences alimentaires) et des herbes aux vertus laxatives. Il est suggéré de pratiquer des activités physiques parce que, dit-on, la transpiration complète le processus de détoxification.

«L'accumulation de toxines se fait surtout l'hiver. Le printemps est donc le moment privilégié pour retrouver notre légèreté et notre vitalité. On fait la vidange d'huile sur notre automobile, on fait le ménage du printemps dans notre maison, pourquoi ne s'occuperait-on pas de nettoyer notre corps, qui nous suivra toute notre vie?», soulève Karine Ricard. Coordonnatrice marketing au spa Balnéa, à Bromont, elle est aussi coordonnatrice de la cure de détoxification proposée par l'établissement. La prochaine cure se déroulera du 1er au 21 avril.

Directrice du studio de yoga Ashtanga Montréal, Allison Ulan propose une cure ayurvédique printanière, avec une monodiète à base de haricot mungo. «Le corps se détoxifie chaque jour naturellement, mais certains signes peuvent montrer que le corps ne fonctionne pas bien et qu'il a besoin d'aide pour être détoxifié: acné, allergies, insomnie, maux de tête, anxiété, dépression, douleurs et tensions musculaires. En fin d'hiver, beaucoup plus de gens meurent. Le sang est figé et, au changement de saison, il a besoin d'être éclairci et d'être rééquilibré. Les organes ont aussi besoin de repos.»

Après les excès des Fêtes et une baisse d'énergie inhabituelle, Justine Laberge a décidé d'entreprendre une cure de détoxification de trois semaines. «J'avais envie d'un temps d'arrêt, d'une pause pour penser à moi. C'était aussi un défi personnel de santé globale que je souhaitais relever.» Elle s'est soumise à une diète restrictive à base d'aliments crus. Elle a fait beaucoup de yoga. Une première expérience difficile, mais enrichissante, confie la chanteuse d'Alfa Rococo, qui n'hésiterait pas à recommencer.

«Après trois jours, je manquais d'énergie, j'avais des maux de tête, j'ai failli tout lâcher. Après une semaine, toutefois, j'étais une bombe d'énergie! Cette diète m'a incitée à faire preuve de créativité culinaire, à sortir des banales salades. Manger cru lors de grands froids et éliminer l'alcool a été difficile, mais je me suis gâtée, j'ai fait beaucoup de desserts. Je n'ai jamais triché.»

Des croyances de longue date

Le principe de détoxification corporelle, en lui-même, n'a rien de nouveau. Dans l'Égypte ancienne, on croyait que les maladies prenaient naissance dans le tube digestif en raison de la fermentation d'excréments. Dans la Grèce antique, Hippocrate parlait d'auto-intoxication et prescrivait l'élimination des humeurs (liquides humains) impures par le jeûne ou par des lavements, encore préconisés dans la médecine au XIXe siècle. Un éventail de symptômes, de la fatigue à l'épilepsie, étaient expliqués par l'empoisonnement interne.

«Il y a toujours eu cette idée que l'on devait purifier son corps, qu'il y avait une fonction excrémentielle à vivre, indique Jean-Pierre Lemasson, sociologue de l'alimentation et professeur invité au département d'études urbaines et touristiques de l'UQAM. Les propositions de régimes, parfois farfelues, ont changé avec les époques.»

La nouveauté? «Les cures contemporaines sont associées à de solides stratégies de marketing. Elles sont proposées dans un cadre urbain et dans un temps court à des femmes jeunes et professionnelles», souligne-t-il. Alors que l'on se préoccupe de la prolifération des substances chimiques dans notre environnement (des pesticides aux phtalates) et de leurs effets néfastes sur les humains, les cures de détox tombent à point. Et dans un quotidien tourbillonnant, c'est aussi un temps d'arrêt pour se recentrer et penser à soi.

Jean-Pierre Lemasson y voit aussi une volonté de se réapproprier son corps. «Nous vivons de plus en plus dans des espaces virtuels, devant nos ordinateurs, nos téléphones. C'est comme si l'essentiel de nos fonctions sociales était devenu décorporalisé et que, pour compenser cette perte du corps et cette hyperencéphalisation du travail, nous avions besoin de sensations fortes. On est dans un univers de sensualité au sens large, univers qu'on traverse comme des montagnes russes, avec des excès et des privations bien enrubannés. On est ballottés de l'un à l'autre, mais le corps n'en demande pas tant.»