La coqueluche réapparaît en Amérique du Nord. La hausse du nombre de cas s'est surtout fait sentir aux États-Unis, mais une éclosion l'an dernier en Saskatchewan a causé la mort de deux nourrissons et poussé la province à vacciner les proches de toutes les jeunes mamans. Le Comité sur l'immunisation du Québec évaluera en juin cette possibilité.

«Il n'y a pas de problème avec la coqueluche au Québec», indique Gaston De Serres, épidémiologiste à l'Institut national de la santé publique du Québec et membre du Comité sur l'immunisation. «Nous allons examiner la vaccination des proches des femmes enceintes parce que les États-Unis ont approuvé cette stratégie et que le Ministère nous a demandé de l'examiner. Mais selon des calculs préliminaires, il faudrait vacciner des centaines de milliers de personnes pour éviter un décès. Même pour prévenir une admission aux soins intensifs, ce serait absolument monstrueux. On va en discuter, mais les gens ont l'impression que ce serait trop d'efforts pour les bénéfices possibles. Quand on regarde la proportion de nouveau-nés qui attrapent la coqueluche de leurs parents, c'est moins de la moitié. Et la coqueluche ne laisse pas de séquelles.»

On vaccine les enfants contre la coqueluche à l'âge de 2, 4, 6 et 18 mois, puis à l'âge de 4 ou 5 ans. Depuis 2004, on administre aussi un rappel à l'adolescence, et un à l'âge adulte sur demande, par exemple quand on se coupe et qu'on veut le vaccin contre le tétanos. Avant la vaccination, le taux de cas de coqueluche était 10 fois plus élevé. La maladie est bénigne chez les adolescents et les adultes - une toux persistante, d'où le nom latin de pertussis, et un rhume -, mais chez les nouveau-nés, particulièrement avant le premier vaccin, elle est très grave, estime Caroline Quach, infectiologue à l'Hôpital de Montréal pour enfants et membre du Comité sur l'immunisation.

Vacciner toute la famille?

«Avec les éclosions en Californie et en Saskatchewan, on a beaucoup parlé de l'approche cocooning (vacciner toute la famille rapprochée, le père et les grands-parents), dit la Dre Quach. Mais c'est très coûteux. On peut aussi vacciner tous les jeunes adultes pour éliminer le réservoir de coqueluche pour les nouveau-nés, mais c'est aussi compliqué.»

En Californie, 10 nouveau-nés sont morts de la coqueluche l'an dernier. En Saskatchewan, 42 bébés de moins de 1 an ont eu la maladie, et 2 nouveau-nés en sont morts, sur 235 cas au total. La province a adopté en septembre la stratégie de cocooning et estime avoir sauvé quelques nouveau-nés, selon Tyler McMurphy, attaché de presse du ministère de la Santé. Auparavant, six nouveau-nés atteints de la maladie avaient été hospitalisés, mais avaient survécu. Le dernier pic de coqueluche au Québec, avec plus de 4900 cas, date de 1998.

Karl Weiss, microbiologiste à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, estime lui aussi que l'approche cocooning serait probablement trop coûteuse en regard de ses bénéfices. Mais il souligne que le nombre de cas est certainement sous-estimé. «Quand on voit des symptômes respiratoires persister durant plusieurs semaines chez des adultes, le médecin de famille le soupçonne et traite, mais ne fait pas nécessairement faire la culture pour la confirmation clinique. On n'a pas eu au Québec d'éclosion très importante - 200 élèves d'une polyvalente avec une toux qui dure depuis 3 semaines -, mais il peut y avoir des problèmes insoupçonnés chez les asthmatiques et ça peut favoriser l'utilisation des soins de santé.»

Selon une étude publiée en mars dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, la disparition de la maladie chez les adultes aurait enlevé un rappel naturel et expliquerait la hausse du nombre de cas. «Éventuellement, il y aura un plateau», prévoit l'auteure de l'étude, Jennie Levine, de l'Université d'État de Pennsylvanie.

Au Texas, un État très touché par plusieurs petites éclosions qui ont rendu le cocooning attrayant, l'ingénieure chimiste Jennifer Maynard cherche à mettre au point des traitements contre la coqueluche semblables aux antiviraux utilisés contre la grippe. «On sait que la vaccination n'est vraiment efficace que pour deux ou trois ans, dit Mme Maynard, de l'Université du Texas. Certains chercheurs pensent que la bactérie s'est adaptée au vaccin. Il faut améliorer la vaccination, mais un traitement pourra être inévitable. On ne pourra tout de même pas vacciner tous les proches des femmes qui ont des enfants tous les deux ou trois ans.»

Nombre de cas de coqueluche au Québec

2010 : 113

2009 : 769

2008 : 558

2007 : 171

2006 : 440

1998 : plus de 4000

Source: INSPQ