C'est une maladie qui tue 25 000 Canadiens par an et affecte 25% de la population. Elle est à l'origine de 60% de toutes les maladies chroniques. Mais aucun parti politique n'en parle. «Il faut passer à l'action, la reconnaître officiellement comme maladie et la traiter en conséquence», a dit hier à La Presse le Dr Yoni Freedhoff, médecin et militant spécialisé en obésité à Ottawa.

Pour agir efficacement contre l'obésité - la maladie dont il est question -, le Dr Freedhoff vient de créer la Reality Coalition Canada, dont la mission est de promouvoir des «approches réalistes fondées sur des preuves en matière de gestion de poids». Le livre blanc de la coalition, The Reality of Obesity in Canada, sera lancé au deuxième Congrès national sur l'obésité, qui s'ouvre aujourd'hui à Montréal.

«L'obésité a de grands impacts sur les individus et le pays, a indiqué le Dr Freedhoff. Ses coûts sont astronomiques: on les estime à 6 milliards par an au Canada pour le système de santé et à 30 milliards par an en prenant en compte ses conséquences économiques réelles (retraites précoces, coûts psychologiques, etc.)»

D'urgence, il faut mieux réglementer l'industrie de la perte de poids, rémunérer adéquatement les médecins qui prennent en charge les obèses (comme cela se fait pour ceux qui traitent d'autres maladies chroniques comme le diabète de type 2) et enseigner son traitement dans les facultés de médecine, plaide la nouvelle coalition.

«On sait qu'on ne peut pas simplement dire à un patient qu'il doit perdre du poids, puis le laisser partir, a illustré le Dr Freedhoff. Ça ne marche pas.» La preuve: 14 millions d'adultes et 2 millions d'enfants canadiens souffrent aujourd'hui d'un excès de poids ou d'obésité au Canada. Ce sont plutôt les interventions individualisées, exécutées par des équipes multidisciplinaires, qui sont efficaces, surtout en cas d'obésité grave.

La crise s'aggrave chez les jeunes

Plus de 600 délégués sont attendus au Congrès national sur l'obésité, qui se penche particulièrement sur ses conséquences chez les jeunes. Le lien entre le mauvais sommeil et le gain de poids des enfants ou la possible installation de l'obésité dès la formation du foetus sont des sujets qui seront abordés.

Déjà hier, une préconférence réunissant 20 experts internationaux a permis d'établir «trois priorités pour prévenir l'obésité infantile», a expliqué en fin de journée Kim Raine, professeure à l'École de santé publique de l'Université d'Alberta. Ces priorités: interdire la publicité à l'intention des jeunes de moins de 16 ans, taxer la malbouffe pour subventionner les fruits et légumes, et mieux concevoir les villes.

«La crise s'aggrave, a dit le Dr Freedhoff. Le taux actuel d'obésité chez les enfants est terrifiant. Qu'arrivera-t-il dans 20 ans, quand ces enfants auront grandi? Les adultes obèses d'aujourd'hui ne l'étaient pas quand ils étaient jeunes.»

La société considère encore l'obésité comme un problème individuel, a regretté le spécialiste. «Ça n'a rien à voir avec la volonté, a-t-il souligné, mais avec le monde dans lequel on vit, qui a changé.» Prochain projet de sa coalition: prévenir plutôt que guérir.