Le «mythe» des bienfaits de l'eau sur la silhouette pourrait conduire des jeunes femmes à un résultat bien peu glamour, l'incontinence urinaire, met en garde un réseau de médecins spécialisés du nord de la France.

«Nous tirons un signal d'alarme devant la recrudescence des pathologies urinaires de la femme dues au mythe des bienfaits de l'eau», indique Périnice, réseau régional de prise en charge de l'incontinence, qui consacre sa 2e journée de périnéologie, samedi à Lille, à cette thématique.

Dans le collimateur des médecins du réseau (urologues, gynécologues, gastro-entérologues...), une tendance chez les femmes, en particulier les femmes jeunes et actives, à boire abondamment, sans uriner en conséquence, par manque de temps ou contraintes professionnelles.

«Le profil type, c'est la jeune femme dynamique qui a sa petite bouteille d'eau dans son sac, qui boit régulièrement de l'eau parce qu'on lui a dit que c'était important, mais qui du fait de son activité ne prend pas le temps d'uriner régulièrement», explique Richard Matis, gynécologue-obstétricien (Groupe hospitalier de l'Institut catholique de Lille).

Sous couvert d'hydratation de la peau, de drainage ou de détox, «on arrive parfois à 3 ou 4 litres par jour, chez des gens qui urinent trois fois dans la journée», dit-il.

«La vessie se distend, devient de moins en moins sensible», poursuit-il, avec à la clé «un tas de petits maux qui peuvent pourrir la vie des gens» : envies irrépressibles d'aller uriner, fuites à l'effort, douleurs de la vessies, infections urinaires...

De son côté, le Pr Thierry Lebret, secrétaire général de l'Association française d'urologie (AFU), se déclare «très en retrait» de l'alerte lancée par le réseau Périnice, estimant qu'elle «brouille un peu le message». En particulier pour les personnes souffrant d'infections urinaires, à qui l'on conseille de boire beaucoup.

20% des femmes tous âges confondus, soit 6 millions de femmes en France, souffrent d'incontinence, «avec deux pics, l'un chez la femme très jeune, aux alentours d'une vingtaine d'années, et l'autre, chez la femme en périménopause», selon le Pr Brigitte Mauroy, urologue qui coordonne le réseau Périnice.

Selon les données du registre créé par Périnice (environ 900 patients), «un tiers des patientes qui viennent pour divers symptômes urinaires présentent une vessie distendue».

«Ce qui est rassurant», souligne le Dr Matis, c'est qu'une fois sur trois le problème peut être réglé par la seule autorééducation, en buvant moins (moins d'1,5 litre par jour, tous liquides confondus), tout en urinant plus souvent (toutes les deux heures pendant la journée).

Le Dr Matis conseille, lorsqu'on est en bonne santé, de «boire à sa soif», et surtout, d'»uriner en conséquence de ce qu'on boit».

En 2008 déjà, une étude publiée dans le Journal of the American Society of Nephrology pointait «un manque général de preuves» sur les avantages que les organes pourraient tirer d'une consommation d'eau allant au-delà de la soif.

Boire à sa soif suffit pour être en bonne santé, concluait l'étude.