Sept ans après avoir recommandé une mammographie annuelle à toutes les femmes de 40 ans et plus, un groupe d'experts nommé par le ministère américain de la Santé vient d'annoncer qu'il ne les suggère plus qu'une fois aux deux ans, et aux femmes de 50 ans et plus, lorsqu'elles n'ont pas un risque particulier de contracter la maladie. La Société américaine du cancer a aussitôt jeté les hauts cris. Ce nouveau débat nous amènera-t-il, au Québec, à revoir nos positions?

Pour appuyer leurs recommandations, les experts américains ont relevé qu'un dépistage systématique des femmes de 40 à 49 ans pendant 10 ans permet d'éviter un décès par tranche de 1904 femmes. Chez les femmes de 50 à 74 ans, on évite un décès par tranche de 1339 femmes. Conclusion: l'examen donne plus de résultats après 50 ans.

 

Aux États-Unis, l'Institut national du cancer a annoncé qu'il revoyait lui aussi ses balises. La Société américaine du cancer, elle, y est au contraire allée d'un vibrant plaidoyer en faveur du dépistage systématique dès l'âge de 40 ans. «La mammographie est un examen de dépistage que je recommande sans équivoque, et je le recommande à toute femme de 40 ans, qu'il s'agisse d'une patiente, d'une pure étrangère ou d'un membre de ma famille», a dit le Dr Otis W. Brawley, porte-parole de la Société américaine du cancer.

Cet organisme reconnaît les limites des mammographies, qui ne permettent pas toujours de détecter une tumeur ou qui en détectent d'autres qui pourraient, sans risque, ne pas être traitées. Mais il estime que l'on ne tient pas suffisamment compte de l'amélioration des techniques de mammographie dans l'élaboration de lignes directrices.

Au Canada, les Québécoises se font rappeler par lettre, lorsqu'elles atteignent l'âge de 50 ans, qu'elles devraient désormais avoir une mammographie aux deux ans. Les femmes de la Nouvelle-Écosse reçoivent cette lettre dès l'âge de 40 ans. La Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Île-du-Prince-Édouard permettent également aux femmes qui le désirent de subir des mammographies dès l'âge de 40 ans.

André Beaulieu, porte-parole de la Société canadienne du cancer, note que son organisme privilégie le dépistage à partir de 50 ans. Par contre, toute femme dont la mère, la soeur ou une tante a eu un cancer du sein devrait le signaler à son médecin pour qu'il évalue avec elle la pertinence d'un dépistage plus tôt.

Isabelle Trop, médecin-radiologue au CHUM, relève pour sa part que les Britanniques - une référence en la matière - ont fixé l'âge du dépistage systématique à 47 ans.

Est-ce à dire que 50 ans, à son avis, c'est un peu tard? Après une longue hésitation, elle déclare que le moyen terme britannique est une position qu'il faudrait sans doute étudier.

Un dépistage systématique des femmes de 50 ans et plus fait baisser de 35% la mortalité associée au cancer du sein, relève-t-elle. C'est plus que la baisse de 25% associée au dépistage des 40 à 49 ans, note-t-elle, mais 25%, ce n'est pas rien non plus.

Le problème, cependant: la mammographie - et à plus forte raison la mammographie à répétition - entraîne son lot de radiations. Vrai, dit la Dre Trop. «On estime que sur une période de 10 ans, avec un échantillon de 1000 femmes, la mammographie permet d'éviter 0,9 décès, et des études avancent qu'elle peut en causer 0,5. Cela étant dit, Martin Yaffe, un physicien torontois très réputé, continue de promouvoir ardemment la mammographie pour les femmes de 40 à 49 ans.

Fait à signaler, par ailleurs, parce que les seins des femmes plus jeunes sont plus denses, la mammographie est moins précise dans leur cas. La mammographie numérique est plus efficaces pour elles, mais il y a encore très peu de ces appareils au Québec, contrairement aux États-Unis, où ils sont de plus en plus répandus, note la Dre Trop.